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Une douzaine de variétés de champignons promise avant la fin de l’année


MAHAENA, le 10 septembre 2016 - Carlotta et Peter Heduschka, qui ont mis sur le marché des champignons locaux il y a un mois, étendent leur offre. En plus des pleurotes gris actuellement disponibles ils annoncent l’arrivée de pleurotes jaunes et rose, mais aussi de portobello, de shimeji, de shiitake… Au total une douzaine de variétés pourraient être distribuées.

Les pleurotes poussent dans de petits sacs de substrats fixés les uns sur les autres à Mahaena. Comme des lianes alignées en rideaux, les champignons grandissent à leur rythme au côté du fare de leur propriétaire. Des pièces dédiées ont été ajoutés à l’habitation principale. Les unes servent à l’incubation, les autres à la fructification.

Un petit laboratoire a été installé dans une chambre vide pour gérer toute la partie test et production du mycélium (la partie végétative du champignon). Un espace est désormais occupé par le compost et la mise en sac du substrat. "Nous maitrisons toute la chaîne", explique Peter Heduschka, le cultivateur. "Ce qui nous donne une grande liberté, nous sommes complètement indépendant pour cette production. Ceux qui ont essayé de faire des champignons avant nous ne faisaient pas le mycélium ils l’achetaient hors territoire, la culture n’était pas constante."

L’emballage des champignons de Mahaena se fait dans la cuisine, une ou deux heures avant les livraisons. "Nous allons jusqu’à Punaauia", précise le couple. Chaque jour, entre deux et trois kilogrammes de pleurotes gris se mettent en route vers les cuisines de restaurants et de particuliers. Le volume n’est pas suffisant. "On n’arrive pas à répondre à la demande." Il est donc déjà question d’augmenter la production, "sans réduire la qualité", insiste Carlotta et Peter Heduschka. Il est aussi question d’étendre l’offre. "Des pleurotes rose et jaunes sont en train de grandir, des portobello, shimeki, shiitake… sont en cours de tests. Au total, à très court terme, on aimerait pouvoir cultiver une douzaine de variétés." Mais le champignon n’est pas un être facile…

Formé en Thaïlande


Pour le dompter, Peter Heduschka est allé en Thaïlande, auprès des plus grands scientifiques du pays. En 2013, il a suivi une formation de 15 jours après un voyage découverte qui a suivi un tour de l’île de Tahiti avec une délégation de chercheurs thaïlandais qui a lui-même suivi des années d’études en France. Retour sur la vie de Peter Heduschka, agriculteur de père en fils "depuis quatre générations", passionné par les méthodes de culture du monde.

Entre 1985 et 1987, il était inscrit au lycée agricole de Moorea. À l’époque l’établissement ne menait pas jusqu’au baccalauréat. "Je suis allé en France pour obtenir mon diplôme, à Brive très exactement. Je ne pensais pas rencontrer des hommes et des femmes si biens, de bons paysans qui aimaient la bonne bouffe et les produits de qualité." En cours de route, il a rencontré José Bové "auprès de qui j’ai beaucoup appris, notamment sur l’agroforesterie. Ça a bouleversé ma façon de penser l’agriculture, moi j’étais plutôt partie sur les cultures intensives". L’agroforesterie est un mode d’agriculture associant des plantations d’arbres dans les cultures et pâturages.

Retour au fenua

Il a poursuivi ses études en s’installant à Rennes. "J’y ai obtenu un BTS, spécialisation production animale et pollution. Je m’intéressais au traitement des effluents d’élevage, je voulais apporter ma contribution à ce qui commençait déjà à être un problème." Il a souhaité poursuivre avec une école d’ingénieurs à Dijon pour travailler sur l’agriculture tropicale mais "mon papa était malade, je suis rentré". C’était en 1991. "À mon retour, j’ai enseigné un an au lycée agricole, j’ai fait mon service militaire puis j’ai enchainé différents boulots dans le milieu agricole et aquacole : la culture de nono, la vigne à Rangiroa, les poissons lagonaires, l’élevage de crevettes… J’ai aussi participé à la régularisation des élevages clandestins. J’ai partagé toutes les connaissances acquises en France pendant toutes ces années."

Finalement, Peter Heduschka en a eu marre de travailler pour les autres. Il s’est replié sur les terres familiales et, avec sa femme, s’est lancé dans la culture vivrière, le tarot, les fe’i… "Tout ce qui sert au ma’a tahiti. J’ai utilisé les rejets que nous avions et n’ai donc pas eu à faire de gros investissements." Puis il a fait pousser des légumes, "jusqu’à ce que les grandes serres de la côte ouest se mettent place. On ne pouvait pas rivaliser." Il s’est tourné vers les fruits, "ce qui a bien marché. Mais la vallée a fini par être colonisée par la petite fourmi de feu, on ne pouvait plus y travailler".

Des recettes tenues secrètes

En 2004, par un concours de circonstances il a rencontré à Tahiti une délégation de chercheurs thaïlandais avec qui il a tissé des liens professionnels d’abord, puis d’amitié avec le temps. De fil en aiguille, il a pénétré le monde des champignons. Il a appris à les connaître, à comprendre puis maitriser les techniques qui permettent de les cultiver. De retour en Polynésie il a pris le temps d’adapter les recettes de culture thaïlandaises au fenua. Il lui a fallu trois années. Désormais, il produit son mycélium sur un mélange de sa composition, il fabrique compost et substrat dont il garde jalousement le secret, il incube le substrat avec les mycéliums, il lance la fructification, arrose, récolte, emballe épaulée par sa femme. Toutes ces étapes se déroulent sur près de deux mois et demi et donnent naissance à des champignons bio dont raffolent ceux qui y ont déjà goûté.

Des organismes "bouleversants"

Longtemps considérés comme des végétaux, les champignons ont finalement quitté ce règne pour en créer un nouveau, bien à eux. Ils sont plus proches des animaux, sans pour autant pouvoir intégrer le règne animal. Ils ont bouleversé la classification. Ils ont des formes très variées. Certains ne contiennent qu’une seule cellule (les levures) d’autres en possèdent des milliers. Ils se nourrissent soit de matière organique inerte, ils peuvent être parasites ou vivre en symbiose (lichen). En 2015, 100 000 espèces de champignons ont été recensées. Présents depuis 450 millions d’années, ils ont colonisé presque tous les milieux terrestres et aquatiques (eau douce, saumâtre, marine). Pour être précis, le champignon désigne en fait la fructification de l’organisme qui possède une structure filamenteuse souvent invisible à l’œil nu, le mycélium.

Contact

Facebook : Peter Heduschka
Tél. : 87 24 39 81
[email protected]


Rédigé par Delphine Barrais le Samedi 10 Septembre 2016 à 09:36 | Lu 9480 fois