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Salon Slow Food: des agriculteurs chinois en révolte contre la "malbouffe"


Salon Slow Food: des agriculteurs chinois en révolte contre la "malbouffe"
TURIN (Italie), 29 oct 2012 (AFP) - Au moment où la Chine fait des pas de géant dans sa modernisation et son industrialisation, de petits agriculteurs chinois ont raconté au salon "Slow Food" comment ils résistent, en appliquant des coutumes traditionnelles pour cultiver la terre et se nourrir.

"La Chine a connu des avancées incroyables mais nous en payons le prix en termes de santé. Nous perdons nos savoirs traditionnels dans l'agriculture et l'alimentation", a déploré Zhou Jinzhang auprès de l'AFP à l'occasion du Salon du goût de Turin, organisé par l'association écolo-gastronomique "Slow Food".

Dans la cité industrielle de Liuzhou, au milieu de gratte-ciels et des rues trépidantes, Jinzhang a fondé en 2004 une association à but non lucratif, "L'ami des agriculteurs", dont l'objectif est de protéger les mets, recettes et ingrédients traditionnels.

"C'est une question de vitesse et de facilité: avec tous les produits chimiques dans l'agriculture et les additifs dans la nourriture comme le glutamate, beaucoup de plats ont perdu de leur saveur", observe Jinzhang, qui est d'abord entré en résistance en créant un réseau d'agriculteurs conscients des problèmes d'environnement.

En 2007, "L'Ami des agriculteurs" avait fait un pari et ouvert son premier restaurant utilisant des ingrédients de producteurs biologiques: "les gens nous ont dit que nous étions fous, trop ambitieux, cherchant à créer une utopie ou à vivre dans le passé".

Quand il a commencé à se battre pour préserver les traditions chinoises et promouvoir une nourriture saine, Jinzhang n'avait pas encore entendu parler de "Slow Food", fondé en Italie pour résister à l'expansion des fast foods, mais il a saisi la chance de présenter son projet à Turin.

Parmi les produits menacés de disparition, le riz blanc et noir, très populaires dans la Chine ancienne, et une espèce rare de farine provenant du sud.

Dans le stand d'à côté, Zhang Zimin, 53 ans, a travaillé pour la plus grande entreprise de transformation alimentaire de Chine, COFCO, avant d'en démissionner il y a douze ans pour devenir agricultrice.

Elle a quitté alors Pékin pour créer la première ferme d'agriculture bio, "le Jardin de la grâce de Dieu".

"De 1990 à 1993, la culture et la société chinoises ont connu de grands changements. Avec eux sont venus les usines de Coca Cola, les fruits, légumes et viandes conditionnés chimiquement, et un usage surabondant de pesticides", relate-t-elle.

"Je suis tombée malade, je ne pouvais plus dormir et j'ai compris que je devais changer ma vie. Je n'avais pas d'expérience pour cultiver la terre, j'ai appris par moi-même", raconte encore Zhang, dont la famille est restée en ville.

Comme Jinzhang, Zhang se rappelle que les gens la prenaient pour une folle. Puis l'idée s'est imposée et beaucoup viennent désormais lui donner un coup de main quand ils peuvent.

"Si les gens ne changent pas leur manière de faire, ce sera une catastrophe pour l'humanité. En Chine, nous détruisons notre héritage, nous allons atteindre un point où nous n'aurons plus de nourriture fraîche, seulement des produits à la chaîne et traités chimiquement", dit-elle.

Zhang a commencé à cultiver la terre pour voir s'il était encore possible de revenir aux méthodes traditionnelles.

"Le mauvais côté du boom économique est que les paysans sont mal traités. Plus personne ne veut être un paysan, personne ne se préoccupe d'éduquer les jeunes à l'équilibre alimentaire. Nous avons oublié nos liens avec la terre".

Les messages de Zhang et Jinzhang trouvent des échos croissants chez nombre de Chinois révoltés par les conséquences sur la santé du boom industriel.

"Nous voulons que les gens sachent que la Chine n'est pas seulement un pays devenu fou de sa modernité, mais qu'il y a des gens comme nous qui promeuvent les valeurs de +Slow Food+. C'est une mission pour la vie", promet Jinzhang.

Rédigé par AFP le Lundi 29 Octobre 2012 à 05:02 | Lu 741 fois