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Luna aurait pu être sauvée avec des antibiotiques


Le GEMM a pris de nombreuses photos et des vidéos de Luna lors de son séjour désespéré dans la passe de Tiputa à Rangiroa. Les vidéos seront mises en ligne prochaine sur le site Internet du GEMM, à suivre sur : www.gemmpacific.org
Le GEMM a pris de nombreuses photos et des vidéos de Luna lors de son séjour désespéré dans la passe de Tiputa à Rangiroa. Les vidéos seront mises en ligne prochaine sur le site Internet du GEMM, à suivre sur : www.gemmpacific.org
TIPUTA, le 29 avril 2015. A Rangiroa, le Groupe d'étude des mammifères marins (GEMM) a suivi lundi et mardi une femelle grand dauphin en difficulté. L'animal souffrant d'une infection bénigne a priori aurait pu être soignée avec quelques injections d'antibiotiques. Mais les autorités locales n'ont pas donné d'accord pour intervenir.
Pour les membres du GEMM, Luna est allée agoniser plus loin, emportée par les courants sortants vers la pleine mer. Lundi, cette femelle dauphin Tursiops de plus de trois mètres de long, observée régulièrement par le Groupe d'étude depuis six ans a été observée dans la passe de Tiputa en bien étrange posture. "Elle se tenait en surface, semblait incapable d'aller dans le fond, était positionnée sur un côté, comme si elle avait un problème de flottabilité" détaille Pamela Carzon, membre du Groupe d'étude des mammifères marins et étudiante en biologie marine avec le Criobe. Cette femelle Tursiops fait bien partie du catalogue des dauphins que le groupe suit depuis longtemps en Polynésie française pour ces études sur le comportement des populations de dauphins. "On peut identifier les individus à certaines marques très caractéristiques et nous les photographions régulièrement" précise encore Pamela Carzon.

Ce grand dauphin est immédiatement reconnu comme étant Luna. Le GEMM suit même sa descendance, notamment Tita une femelle juvénile de 4 ans. Pamela Carzon se met à l'eau pour observer Luna de plus près. "Elle était très amaigrie avec un creux prononcé à l'arrière de la tête, sa silhouette était également très fine". Le vétérinaire de l'équipe du GEMM fait un diagnostic : une infection bénigne qui peut être traitée rapidement et facilement. Trois injections d'antibiotiques seraient suffisantes à lui rendre son énergie et sa flottabilité. Mais pour intervenir sur ces animaux protégés, le GEMM qui n'a qu'une autorisation d'observation, doit obtenir le feu vert des autorités locales. En attendant, Melvin, un adolescent de Tiputa se met au service du groupe pour surveiller depuis le rivage les allées et venues de Luna. Mais la nuit survient sans que rien n'ait pu être tenté.

Mardi, plus de traces de Luna dans la passe de Tiputa. "Avec les inversions de courant dans la passe, elle a dû être entrainée vers le large pour y mourir" explique Alain Portal qui assure la coordination dans le Pacifique du GEMM. Mercredi, toujours rien. Luna n'est pas revenue dans la passe. Pour les membres du groupe, c'est un gâchis. Il suffisait de si peu pour permettre à Luna de repartir dans le grand bleu. "Les populations ici ne se rendent pas suffisamment compte que l'économie des îles et c'est particulièrement vrai à Rangiroa dépend de l'état de santé des poissons et des dauphins. 40% des touristes qui viennent plonger ici se déplacent pour les dauphins. Cela fait vivre les clubs de plongée, les pensions de famille etc, les seules ressources économiques ici dépendent totalement de la qualité du milieu naturel. Mais quand un de ces animaux va mal, tout le monde s'en fout et rien ne se passe".

Les membres du GEMM savent bien que leurs préoccupations sont aux antipodes de cette attitude "où l'on prend tout de la nature sans jamais ne rien lui rendre" poursuit Alain Portal. "Nous nos préoccupations vont prioritairement aux cétacés. Si nous pouvions intervenir autrement que par l'observation nous pourrions en apprendre bien davantage sur cette population de mammifères marins et même mieux comprendre les interactions qui existent avec le milieu. Nous aurions pu faire valoir l'idée qu'il pourrait y avoir un retour heureux de cette rencontre entre l'humain et l'animal". L'histoire de Luna au lieu d'être celle d'une agonie solitaire aurait pu être celle d'un sauvetage.


Muffin le petit dauphin d'Electre avec sa maman d'adoption une dauphin Tursiops Thaïs et sa fille naturelle Hianau (Photo Alain Portal, GEMM).
Muffin le petit dauphin d'Electre avec sa maman d'adoption une dauphin Tursiops Thaïs et sa fille naturelle Hianau (Photo Alain Portal, GEMM).
Muffin adopté par une autre famille de dauphins

Depuis plusieurs mois les membres du GEMM étaient alertés par les plongeurs de la présence à Tiputa, dans la passe de Rangiroa, d'un jeune dauphin à l'apparence étrange, différent en tout cas des grands dauphins familiers du site. Après quelques photos sur place, le Groupe d'étude des mammifères marins était en mesure de vérifier que cet individu est un "jeune péponocéphale, ou dauphin d'Électre, apparition pour le moins surprenante, surfant avec les dauphins Tursiops de la passe".
Une observation plus fine a permis à ces spécialistes des dauphins d'être les témoins "d'un très rare exemple d'adoption d'un petit d'une autre espèce. En l’occurrence, la très sociable Thaïs et sa fille Hianau sont devenues, depuis au moins le mois de novembre dernier, respectivement mère et sœur adoptives d’un petit péponocéphale, à qui elles enseignent, n’en doutons pas, toutes les bonnes manières de la société Tursiops". Le GEMM a baptisé ce dauphin d'Electre du nom de Muffin et suivra les aventures de cette adoption avec intérêt au cours des prochaines observations.

Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 29 Avril 2015 à 17:34 | Lu 3649 fois