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"Le rapport sur la convention décennale est très contestable", selon le ministère


PAPEETE, le 13 juin 2016 - Le ministère de l'Éducation conteste certains points du rapport de la convention décennale dont nous avons parlé dans notre édition du 6 juin. Christian Morhain, directeur du cabinet de la ministre de l'Éducation, Nicole Sanquer, revient sur ces questions.


Par qui a été commandé le rapport de la convention décennale 2007-2017 de l'Éducation ?
Christian Morhain : « Le rapport a été commandé par l'Éducation nationale avec l'accord du Pays, dans le cadre de nos travaux sur l'élaboration de la future convention décennale Etat-Pays qui découle de la loi organique, afin d'avoir un avis extérieur sur comment elle fonctionne, les points forts, les points faibles… »


Par qui a été menée cette enquête ?
« L'enquête a été menée par deux inspecteurs généraux qui sont venus de métropole en novembre 2015. Pendant presque quinze jours, ils ont mené des auditions, des enquêtes. Comme tout rapport, il y a des points avec lesquels nous ne sommes pas d'accord, donc le président a signifié à l'éducation nationale les points sur lesquels il estimait que les chiffres étaient erronés ou que les interprétations n'étaient pas tout à fait les mêmes que les nôtres. »

Vous dites que le rapport est "très contestable". Pourquoi ?
« Sur certains chiffres annoncés, sur certains propos énoncés, le ministère de l'Éducation, la direction générale de l'Éducation et de l'enseignement ont tenu à remettre les bonnes données, les bons chiffres ou les bons renseignements. Par exemple sur le diplôme national du brevet, la Polynésie avait l'année dernière plus de 67 % de réussite, pas 59 % même si ce taux de réussite est inférieur au taux national, nous sommes d'accord. L'année précédente (2014) c'était un peu plus de 64 % de réussite. Il y a quand même une courbe ascendante que nous pouvons observer, les chiffres étaient erronés.

Les journées défense citoyenneté ont un taux de repérage des jeunes en situation d'illettrisme qui oscille entre 40 % et 38 % c'est vrai, mais cela ne concerne que les jeunes scolarisés et déscolarisés qui vont se présenter aux journées défense citoyenneté (JDC), qui ont entre 16 et 22 ans. En Polynésie française, on ne connaît pas le taux d'illettrisme de la population, je n'ai jamais vu d'enquête à cet effet. On ne peut donc pas dire qu'en Polynésie le taux d'illettrisme est de 40 %. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Et de là à dire que dans le système éducatif il y a 38 % d'illettrisme non, parce que la majorité qui se présente à la JDC n’est plus dans le système éducatif. Par ailleurs, une classe d'âge c'est 4 000 élèves, la JDC ne recueille pas 4 000 personnes par an. Nous avons un taux de jeunes en situation d'illettrisme qui est beaucoup plus élevé qu'en métropole et c'est préoccupant. Nous ne le contestons pas, mais il n'y pas 40 % d'illettrés en Polynésie française.

En 2013, à peine 1 300 jeunes se sont présentés aux JDC et 643 jeunes décrocheurs sont été détectés, soit 52 %, mais c'est à peine un tiers des jeunes de cette classe d'âge qui sont allés à la JDC. Ce n'est pas le rapport des inspecteurs généraux que nous contestons, ce sont les chiffres qui sont annoncés avec un peu trop d'interprétation possible. »


Ce genre de rapport est systématique à l'approche de la fin de la convention ?
« En théorie oui, en tout cas nous avons trouvé que c'était normal qu'on ait l'avis de la chambre territoriale des comptes sur la convention. La cour des comptes a donné son avis, le Pays a donné son avis, on croise nos données et on trouve un accord consensuel pour rédiger la convention ça se passe très bien. »


Le rapport sur la convention décennale évoque également le décrochage scolaire ?
« L'idée, ce n'est pas de nier que nous avons des difficultés avec le décrochage scolaire, mais c'est un phénomène qui n'est pas propre à la Polynésie. Les chiffres qui sont annoncés dans le rapport datent de 2013. C'était une autre équipe au pouvoir, d'autres modes de calcul. Le calcul est très simple, nous avons chaque année à peu près 1 000 décrocheurs c'est vrai, dont la majorité en collège, c'est un problème, mais 1 000 décrocheurs par an sur 23 000 élèves scolarisés cela fait 4 %. Même si c'est vrai que dans les états généraux des outre-mer de 2009 ou 2011, il y avait des chiffres annoncés : 30 % de décrocheurs, 40 % de redoublant. C'était une époque où il n'y avait pas les outils informatiques et les applications dont nous disposons aujourd'hui pour y voir plus clair.

Nous avons mis en place une lutte acharnée contre l'absentéisme des élèves grâce à des référents décrocheurs, des groupes de prévention de décrochage scolaire dans tous les établissements. Notre but serait qu'aucun élève ne quitte le collège sans aucune possibilité de s'insérer. »



Vous parlez de 23 000 élèves dans le second degré avec environ 1 000 élèves décrocheurs par an, cependant, selon les chiffres de l’Éducation nationale, sur 23 000 élèves inscrits, seulement 13 950 se sont présentés à un examen du second degré en 2016. Que deviennent les 10 000 autres élèves, s'ils ne sont pas considérés en décrochage scolaire ?

« Ils suivent une autre filière, du type Certificat d'aptitude professionnelle (CAP) en lycée professionnel, ou Certificat d'aptitude professionnelle au Développement (CAPD) en Centre d'éducation aux technologies appropriées au développement (CETAD), ou une remise à niveau en Centre de jeunes adolescents (CJA). D'autres partent en maison familiale rurale (MFR), environ 1 000 par an décrochent et quittent le système éducatif. »



Par ailleurs, pourquoi indiquer un taux de décrochage scolaire de 4% si le ministère admet lui-même environ 30% ?
« Le mode de calcul utilisé en 2013 nous échappe : 1 297 décrocheurs sur 23 000 élèves n'équivalent pas à 30 % de décrocheurs. Mais il s'agissait d'un autre ministère, et d'autres techniciens. Aujourd'hui, nous pouvons dire que 1 000 décrocheurs en moyenne pour 23 000 élèves équivalent à 4 % de décrocheurs. D'autre part, et c'est tout chaud, puisque le bac se déroule en ce moment, nous constatons cette année 19 décrocheurs en terminale entre août 2015 et mai 2016, tous bacs confondus, soit 0.5 %. Ce qui traduit une politique de lutte contre le décrochage scolaire plutôt encourageante. Depuis février 2015, nous avons mis en place la Mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) placée sous l'autorité de la direction générale de l'Éducation et des enseignements (DGEE). Elle a pour finalité de réduire le nombre de sorties sans diplôme dès le premier degré et de prendre en charge les élèves décrocheurs de plus de 16 ans.

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Lundi 13 Juin 2016 à 17:57 | Lu 1963 fois