Tahiti Infos

Amiante dans les écoles : des mairies prennent le problème à bras-le-corps


L'école Apatea à Papara est fermée depuis trois ans.
L'école Apatea à Papara est fermée depuis trois ans.
PAPEETE, le 21 août 2016 - Faa'a, puis Papara, depuis quelques semaines, la question du désamiantage des écoles de Polynésie française est à nouveau sur la table. Les deux communes ont pris leurs responsabilités pour le bien-être des écoliers.

L'air des écoles de Polynésie française n'est pas toujours bon à respirer. Les établissements scolaires sont vieux, voire très vieux. Entre 1950 et 1990, les constructions contenaient, pour la plupart, de l'amiante, une roche dont les fibres élastiques peuvent servir dans différents matériaux. Selon un rapport du Sénat de 2005, l'amiante est responsable de 35 000 décès survenus entre 1965 et 1995 en France, et pourrait en causer deux à trois fois plus d’ici 2030.

Proscrit en France dans les années 1990, ce n'est qu'en 2011 que la Polynésie française a pris un arrêté ministériel interdisant l'utilisation de l'amiante et prenant des dispositions pour protéger les employés qui travaillent à son contact. Cinq ans plus tard, il reste encore de nombreux bâtiments en Polynésie pleins d'amiante, dont beaucoup d'établissements scolaires.

Comme chaque année, la rentrée amène son lot de travaux. La réglementation impose que soit fait un dépistage de l'amiante à chaque fois que des travaux sont prévus. Au collège de Taravao, c'est ce qu'a fait le ministère de l'Éducation. "Dans un des bâtiments du collège, de l'amiante a été retrouvée. Nous l'avons enlevée avant de poursuivre la construction", précise Guillaume Filippi, conseiller technique au ministère de l'Education.

Faa'a aussi a mené une campagne de travaux dans trois écoles pendant les vacances scolaires. Depuis le début de l'année, près de 50 millions de francs ont été investis à ce titre. "Il y avait de l'amiante dans trois écoles. Nous avons tout de suite sécurisé les zones à risques pour nous assurer qu’aucun de nos enfants ne soit en contact avec de l’amiante. Dans les deux premières écoles cela n’est pas dangereux, par contre à Teroma, nous avons encapsulé et condamné les cinq salles de classes concernées. Les travaux de désamiantage ont été effectués pendant ces vacances par une entreprise spécialisée, pour un coût total de près de 27 millions de francs", a expliqué Victoire Laurent, élue en charge de l'éducation, dans un communiqué. Ainsi, les écoliers de Faa'a ont fait leur rentrée dans des bâtiments neufs et sains. Ce sera peut-être bientôt le cas à Papara.

APATEA : RÉOUVERTURE EN 2018?

Le maire de Papara, entouré des élus et du directeur général de Valgo, lors de la signature de la convention.
Le maire de Papara, entouré des élus et du directeur général de Valgo, lors de la signature de la convention.
Ce vendredi, le maire a signé une convention avec une entreprise métropolitaine spécialisée dans le désamiantage. Les travaux seront effectués à l'ancienne école Apatea, dans le centre de la commune. Fermée depuis plus de trois ans, les écoliers ont été recasés dans des locaux prêtés par l'Église. Elu au mois de novembre dernier, Putai Taae, le maire, avait fait de la reconstruction de cet établissement scolaire une promesse. Les prélèvements ont révélé qu'il y avait de l'amiante dans les sols. "Nous avons lancé un premier appel d'offres pour le désamiantage qui s'est révélé infructueux. Deux entreprises locales nous proposaient des tarifs trop élevés. Nous avons donc annulé et relancé notre appel. C'est là qu'une entreprise métropolitaine a répondu présente, avec des tarifs plus bas. Et si la découverte d'amiante avait retardé les travaux, l'entreprise nous propose d'agir dans des délais assez courts, ce qui est une bonne chose…", explique Bernard Roure, conseiller municipal à la mairie de Papara, en charge du dossier de désamiantage.

La société spécialisée dans les opérations de désamiantage et de dépollution des sols prévoit de commencer les travaux début octobre. Cette semaine, le directeur général de Valgo, Franck Bouché, est venu sur Tahiti pour recruter deux travailleurs communaux afin de les former à cette tâche délicate.
La dépollution des sols de l'école, dont le coût s'élève à 17 millions de francs, ne devrait pas empêcher la déconstruction de se dérouler en même temps.
Les élus espèrent que les écoliers d'Apatea puissent retrouver leur école en 2018. Comme leurs camarades de Faa'a, ils auront une école neuve et saine où il ne faut plus craindre l'air respiré.

"Si on respectait vraiment la règlementation il faudrait fermer beaucoup d'écoles"

Les élus espèrent que les travaux de l'école, désamiantage, déconstruction et reconstruction, seront terminés en 2018.
Les élus espèrent que les travaux de l'école, désamiantage, déconstruction et reconstruction, seront terminés en 2018.
Manihi, présidente de l'association des parents d'élèves de Papara se réjouit de l'annonce de la mairie. Depuis longtemps, cette dernière et les autres membres du bureau attendent que les travaux de l'école commencent : "Pour nous, de savoir qu'une convention a été signée entre la mairie et une entreprise pour commencer les travaux de désamiantage, c'est une très bonne nouvelle ! Cela fait des années qu'on le souhaite!"

Pour autant, Papara, Faa'a ou Mahina en 2015 font office de cas d'école. Bon nombre d'établissements scolaires ont été construits dans les années 1950 et bien après. Il y a de grandes chances que l'amiante soit dans les matériaux de construction. "Certaines mairies sont très impliquées dans les travaux de désamiantage. Elles prennent ce problème très à cœur. Malheureusement, ce n'est pas le cas de tout le monde. Si on respectait vraiment la règlementation, il faudrait fermer beaucoup d'écoles et déménager énormément d'enfants. Si on devait véritablement s'attaquer au problème de l'amiante, cela engendrerait d'énormes travaux de construction. Ce ne serait pas possible à assumer pour les communes", regrette Tepuanui Snow, président de la Fédération des associations de parents d'élèves de l'enseignement public (FAPEEP).

Que dit l'arrêté ministériel de 2011?

Le 27 septembre 2011, près de 15 ans après la métropole, le Pays a adopté un arrêté ministériel qui se découpe en deux parties. La première interdit "la fabrication, la transformation, la vente, la mise sur le marché et la cession à quelque titre que ce soit de toute nature de fibres d'amiante, que ces substances soient incorporées ou non dans des matériaux, produits ou dispositifs. Ces interdictions ne s'appliquent pas aux véhicules automobiles d'occasion, ni aux véhicules, matériels et appareils agricoles d'occasion mis en circulation avant l'application des dispositions du présent chapitre, à l'exception de ceux dont les plaquettes de freins à disque contiennent de l'amiante.

La deuxième partie de l'arrêté concerne la "protection des travailleurs contre les risques liés à l'inhalation des poussières d'amiante." Ces dispositions concernent les personnes "susceptibles d'être exposées, du fait de leur activité, à l'inhalation de poussières d'amiante." L'arrêté précise les mesures de confinement à prendre en cas d'exposition à l'amiante.

La règlementation est-elle seulement respectée ? En 2013, un article de Tahiti Infos mettait en lumière le fait que, sur certains chantiers, il n’y avait pas de diagnostic préalable pour savoir si le bâtiment contenait ou non des éléments amiantés.

Rédigé par Amelie David le Dimanche 21 Août 2016 à 18:00 | Lu 4194 fois