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Les chercheurs "au service des écosystèmes terrestres et des hommes"


Le colloque a eu lieu à la station de recherche Gump à Moorea du 2 au 4 octobre.
Le colloque a eu lieu à la station de recherche Gump à Moorea du 2 au 4 octobre.
PAPEETE, le 8 octobre 2016 - La Délégation à la recherche, la station de recherche Gump ainsi que l’Institut de recherche et de développement (IRD) de Nouvelle-Calédonie ont organisé un colloque de travail intitulé les sciences de la conservation dans les écosystèmes insulaires terrestres ultra-marins. Il a eu lieu à Moorea du 2 au 4 octobre et a réuni une trentaine de chercheurs mais aussi des représentants de la direction de l’environnement, de l’université, d’associations… Ensemble ils ont rédigé des propositions d’actions.

Le colloque a eu lieu à la station de recherche Gump à Moorea du 2 au 4 octobre. Il a été organisé par Jean-Yves Meyer de la Délégation à la recherche de Polynésie française, Neil Davies et Hinano Murphy de l’université de Californie à Berkeley et de la station de recherche Gump à Moorea et Éric Vidal de l’Institut de recherche et de développement (IRD) de Nouméa.

Moins d’espèces endémiques en Guyane

Une trentaine de chercheurs y a participé ainsi que la société d’ornithologie Manu, les associations Motu haka (Marquises), Te rau ati ati a tau a hiti noa tu (Tahiti), Tuihana (Raiatea), le groupe espèces envahissantes… Ils se sont intéressés aux écosystèmes terrestres et aux moyens de renforcer voire de créer une unité de recherche spécifique pour préserver ces écosystèmes. En Polynésie, le terrestre est peu, voire pas connu, comparé au marin. Un grand nombre d’espèces, endémiques pour la plupart, souvent menacées, parfois invasives manquent d’attention tant au niveau local que national et international. "On parle beaucoup et souvent de la biodiversité de la forêt guyanaise", fait remarquer Serge Muller, ingénieur agronome, au Museum national d’histoire naturelle (MNHN) "alors qu’il y a moins d’espèces endémiques là-bas, qu’ici en Polynésie française !".

Pourquoi s’intéresser à la biodiversité, à la faune et la flore, aux menaces qui pèsent sur elles ? "Pour leurs services rendus", répond Serge Muller. "Il a fallu que la planète soit altérée, menacée et détruite, que des tensions et des guerres surgissent pour que l’on prenne conscience de leur intérêt. L’environnement est garant de la survie et du bien-être des hommes", ajoute Dominique Strasberg.

Prendre soin de soi

Les eaux, les sols, l’atmosphère mais aussi les plantes et les animaux, quels que soient leurs rôles et leur place dans les chaînes trophiques ont un "intérêt". Ils forment un tout auquel l’homme appartient. Or, les écosystèmes sont aujourd’hui perturbés, des perturbations malheureusement définitives le plus souvent. D’où l’importance de projets de recherche qui vont répertorier, suivre, comprendre les écosystèmes. Ces projets vont élargir la connaissance et donc permettre une meilleure protection. "Il faut prendre soin de là où l’on vit pour prendre soin de soi", résume Benoît Fontaine, malacologue au Muséum national d’histoire naturelle. Il étudie les mollusques.

Au sortir des trois jours d’interventions et d’ateliers, Dominique Strasberg, professeur à l’université de la Réunion insiste sur les attentes des associations et collectivités. "Ils sont tout à la fois très engagés et demandeurs de plus de connaissances et de partenariats avec les scientifiques." Ce qui laisse entrevoir la possibilité de concrétiser certaines propositions faites pendant le colloque et notamment, la co-construcion de projets scientifiques avec la société civile ou bien encore le lancement de projets de science participative.

Ce concept de science participative qui fonctionne déjà bien en métropole et dans les départements outremer revient à impliquer les citoyens dans la récolte de données. "Pour bien comprendre les dynamiques de populations animales ou végétales il faut faire des observations, un très grand nombre d’observations", explique Benoît Fontaine. "S’il n’y a qu’un ou deux botanistes à le faire par exemple c’est impossible, si toute ou partie des habitants d’une zone déterminée participe, cela devient possible." La science participative permet, en plus, une prise de conscience des hommes sur leur propre rôle et leur propre pouvoir en termes de préservation de l’environnement. "Nous le voyons, ceux qui font de la science participative changent leurs comportements. Ils vont par exemple réduire leur utilisation de pesticides."

Sensibiliser la France, le Pacifique et l’Océanie

Les propositions du colloque sont réunies en un rapport qui va être transmis au gouvernement de Polynésie française. Les éléments clés de ce rapport devraient par ailleurs faire l’objet d’un article dans une revue française, probablement Naturae, une nouvelle revue du MNHN. "Dans cet article nous ferons le lien entre la recherche et la gestion et, surtout, nous porterons à la connaissance nationale les problématiques locales", précise Serge Muller. Jean-Yves Meyer, écologue terrestre et biologiste insulaire, espère, en plus, une publication dans une revue anglophone pour sensibiliser le monde, ou tout au moins le Pacifique et l’Océanie. "Les problématiques polynésiennes y seront probablement associées aux problématiques de Nouvelle-Calédonie et de Wallis et Futuna."

Les 7 propositions du colloque

- Favoriser la recherche et la formation en écologie terrestre (Universités et UMRs incluant les organismes de recherche, stations de terrain, laboratoires d’accueil).
- Faciliter la co-construction des projets de conservation entre chercheurs et gestionnaires (par exemple dans les appels à financement de projets), en favorisant la multi-/inter-/trans-/pluri-disciplinarité et les financements pluri-annuels.
- Impliquer davantage les communautés locales dans les programmes de recherche sur la biodiversité (par exemple logistique, réunions, traductions, restitution des résultats, accès et partage des avantages sur la biodiversité…).
- Développer les sciences participatives/citoyennes.
- Améliorer la diffusion des connaissances scientifiques auprès de tous les acteurs locaux (associations, services du Pays…), le grand public et les scolaires, à travers différents supports ou manifestations (par exemple journée annuelle sur la conservation de la biodiversité).
- Mettre en place une plate-forme de partenariat chercheurs en biodiversité terrestre-acteurs de la conservation et une instance des savoirs scientifiques et traditionnels (comité d’experts) d’aide à la décision, produisant des avis sur la conservation de la biodiversité terrestre.
- Mieux inscrire la biodiversité terrestre de la Polynésie française dans les agendas régionaux (Pacifique), nationaux, européens, internationaux.

Rédigé par Delphine Barrais le Samedi 8 Octobre 2016 à 16:16 | Lu 2988 fois