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Vers un système d'astreinte chez les pilotes d'Air Tahiti Nui


Michel Monvoisin, P-dg d’Air Tahiti Nui.
Michel Monvoisin, P-dg d’Air Tahiti Nui.
PAPEETE, 8 février 2016 – La compagnie aérienne Air Tahiti Nui envisage pour 2016 la mise en place d’un système d’astreinte pour garantir la présence de l’effectif de pilotes nécessaire à chaque vol. Le recrutement de dix nouveaux pilotes est en cours pour renforcer les équipes dans cette perspective. Depuis décembre 2015, la compagnie aérienne au Tiare connait des perturbations régulières de son programme de vols, sur fond de tension avec le syndicat du personnel navigant technique (SPNT). Pour faire pression sur la direction, les pilotes de ce syndicat appliquent une sorte de "grève du zèle" depuis quelques semaines en refusant de procéder à des remplacements hors planning.
Le P-dg de la compagnie, Michel Monvoisin, estime que même si la mise en place d'un tel système de réserve est conditionnée à un accord d'entreprise, il pense y parvenir avant la fin de l’année. Interview.

Doit-on s’attendre à de nouvelles perturbations de votre programme de vols ?

Michel Monvoisin : Malheureusement oui. Heureusement que la grande majorité des pilotes est de bonne volonté et dépanne, au besoin. Mais on respecte la réglementation en matière d’amplitudes horaires. On respecte les temps de repos. Et, malgré toute la bonne volonté de ceux qui dépannent, on se retrouve confronté à l’attitude d’une minorité d’une quinzaine de pilotes. Cela est suffisant pour perturber les programmes de vol.

Ne redoutez-vous pas que de telles perturbations finissent par porter préjudice à l’image de votre compagnie ?

Michel Monvoisin : Bien évidemment. Mais ce n’est pas qu’une question d’image. Derrière, cela concerne aussi la compagnie en interne. J’aimerais profiter de votre question pour saluer le travail des équipes au sol : elles n’en peuvent plus de tous ces changements de programme à la dernière minute ; qu’il s’agisse des gens du planning, des mécanos… en interne ça gronde et c’est normal. Il y a une petite caste de pilotes qui pensent que la compagnie leur appartient, qui ont l’habitude de se servir comme ils l’entendent en disposant des heures supplémentaires. Des personnes qui, à dix ou quinze, arrivent à perturber les programmes de vol parce qu’ils ont toujours bloqué les recrutements dans le passé ; parce que la réserve, ils n’en veulent pas. Vous savez, 30 % du salaire des pilotes en moyenne c’est du variable. La répartition des heures est inéquitable. Il y a des gens dans cette compagnie qui se servent sur le planning pour avoir le plus d’heures possible et une plus grosse fiche de paye. Et ils ne veulent pas que ça change.

En tant que président directeur général de cette compagnie, vous allez laisser faire ?

Michel Monvoisin : Aujourd’hui, sur un effectif de 74 pilotes nous avons là une minorité qui fait pression. Et il se trouve qu’en ce moment nous avons par ailleurs quatre pilotes qui sont en longue maladie, et donc inopérants. Si nous ajoutons à cela une quinzaine de pilotes qui ne jouent pas le jeu, quitte à détruire la compagnie – je crois qu’en dehors de leur poche, ils n’y pensent même pas – et restent dans une position arc-boutée, derrière leur chef de file, M. Saint-Marc, avec la consigne de ne pas dépanner les vols. Rappelons que c’est eux-mêmes qui, par le passé ont fait pression pour que l’on ne mette pas en place une réserve en s’engageant pour dépanner les vols, au besoin. Depuis quinze ans, les syndicats de pilotes insistent pour que la compagnie ne mette pas en place un système d’astreinte. Ils disent qu’il suffit d’appeler les pilotes pour qu’ils dépannent. On voit le constat aujourd’hui… Cela ne peut plus durer : nous allons mettre en place une réserve.

Allez-vous devoir engager des négociations avec le personnel ?

Michel Monvoisin : Mettre en place un système de réserve, cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il nous faut d’abord recruter, puis mettre en place les termes de la réserve. Bien entendu nous allons engager des négociations : la réserve est rémunérée, il s’agit d’une astreinte qui contraint à des obligations. Des discussions vont être ouvertes avec les syndicats en vue d’un accord d’entreprise.

Craignez-vous que la position du syndicat du personnel navigant technique (SPNT) ne fasse obstacle à ces négociations ?

Michel Monvoisin : Bien sûr que je l’envisage. Mais je trouve cela malheureux : ce sont des gens qui privilégient leur situation personnelle à l’intérêt général de la compagnie et au-delà du Pays.
Une majorité de syndicalistes sont pilotes instructeurs. C’est le fond du problème, depuis des années. Le pouvoir du pôle instructeur est important en matière d’incorporation. C’est lui qui décide si un pilote peut voler ou pas ; ils ont un poids important dans la nomination des commandants de bord…


Dans ces conditions, sous quel délai pensez-vous être en mesure de compter sur un système de réserve fonctionnel ?

Michel Monvoisin : Cela va nous prendre une partie de l’année 2016. Outre le recrutement, l’intégration de nouveaux pilotes suppose une formation adéquate sur les appareils et aux procédures. Nous avons des équipes techniques qui travaillent actuellement sur ce sujet. Je ne peux pas aujourd’hui vous donner une date ; mais notre objectif est d’y parvenir avant la fin de l’année.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 8 Février 2016 à 16:46 | Lu 4030 fois