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Un pidgin maritime polynésien a existé


Selon Dreschel, les Européens ont utilisé une forme réduite de la langue polynésienne (un pidgin) pour être en contact avec les habitants du Pacifique dans les premières années de la colonisation avant d'imposer l'anglais ou d'autres langues européennes.
Selon Dreschel, les Européens ont utilisé une forme réduite de la langue polynésienne (un pidgin) pour être en contact avec les habitants du Pacifique dans les premières années de la colonisation avant d'imposer l'anglais ou d'autres langues européennes.
PAPEETE, le 10 février 2015. Une étude d'un chercheur hawaiien montre que les premiers contacts entre les habitants du Pacifique et les Européens se sont faits non pas dans un anglais approximatif, mais à travers un pidgin maritime polynésien. Explications.


Vous êtes-vous déjà demandé comment les Polynésiens communiquaient avec les Européens lors des premiers contacts ? Les croyances communes sont que les habitants du Pacifique et les nouveaux arrivants utilisaient un anglais simplifié. Mais cette hypothèse n'a aucune preuve historique convaincante avant la seconde moitié du XIXe siècle, soit un siècle après l'arrivée de James Cook dans le Pacifique.

Le livre d'Emanuel Deschel, spécialiste en anthropologie linguistique de l'université de Hawaii, intitulé Language Contact in the Colonial Pacific: Maritime Polynesian Pidgin before Pidgin English (Langue de contact dans le Pacifique colonial : un pidgin polynésien avant un pidgin anglais) apporte des réponses aux questions.
Ses recherches indiquent qu'il existe un tahitien, un maori et un hawaiien « réduit » compréhensible de tous qui étaient utilisés comme une langue maritime polynésienne, c'est ce que le chercheur appelle un pidgin maritime polynésien. Un pidgin est un parler qui se développe entre locuteurs de langues très différentes ou très éloignées pour faciliter les échanges.


Un parallèle avec le Parau Tinito

Selon Dreschel, les Européens ont appris et ont utilisé une forme réduite de la langue polynésienne (un pidgin) pour être en contact avec les habitants de l'est du Pacifique dans les premières années de la colonisation avant d'imposer l'anglais ou d'autres langues européennes aux habitants locaux. Un exemple éloquent est celui du vendeur de fourrure britannique James Colnett qui s'est adressé ainsi au Tahitien Matatore en 1789 : « Oe No Ho No ho haree Tenenony or Capitain?" 'Allez-vous rester à la maison de Tenenony le capitaine ? », retranscrit Emanuel Deschel.

Curieusement selon le chercheur, cette langue maritime polynésienne n'a pas été utilisée seulement quand les navigateurs européens avaient besoin de produits comme de la nourriture fraîche, de l'eau, de réparer leurs bateaux, ou de remplacer des membres de l'équipage, mais aussi plus tard comme le commerce de la fourrure, du bois de santal ou de la perle. Selon l'universitaire, ce langage était encore utilisé lorsque les premiers missionnaires européens sont venus convertir les insulaires au christianisme et que les premières plantations ont été installées à Hawaii.

Le chercheur fait même un parallèle entre ce pidgin polynésien et le Parau Tinito (jargon chinois) utilisé à Tahiti jusque dans la fin des années 70.
Pour le chercheur, cette étude apporte un nouvel éclairage aux réalités sociolinguistiques et sociopolitiques des premiers contacts à l'époque coloniale.

Le livre de Drechsel a été qualifié "d'une importance majeure ». Un chercheur australien a salué son livre comme "un travail minutieux sur les variétés linguistiques qui ont surgi au cours des premiers contacts entre Européens et Polynésiens. Son travail comble une lacune importante dans notre connaissance de la langue des premiers contacts dans le Pacifique ».

Rédigé par Mélanie Thomas le Mardi 10 Février 2015 à 15:48 | Lu 4211 fois