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Un médicament anti-cancer du sein visé par une enquête sanitaire après des décès


París, France | AFP | jeudi 16/02/2017 - Le décès, depuis l'été 2016, de cinq femmes traitées pour un cancer du sein par chimiothérapie avec le médicament docétaxel a conduit à l'ouverture d'une enquête sanitaire : faut-il renoncer à l'utiliser? Peut-on le remplacer? L'information sur les risques de cette chimiothérapie a-t-elle été suffisante?

Q - De quel médicament s'agit-il ?

R - Ce médicament est commercialisé depuis 1995, d'abord sous le nom de marque Taxotère (Sanofi). Depuis, il y a eu des génériques (Docetaxel Accord, Docetaxel Teva etc.). Selon l'Agence du médicament ANSM, "les génériques représentent plus de 50% du marché" pour ce produit. Et le générique est "le médicament utilisé par les centres de lutte contre le cancer" (réunis dans Unicancer, ndlr).

D'après les analyses déjà réalisées, le générique est dans les normes (concentration...), selon l'ANSM.

"Lorsque nous avons été notifiés en septembre de ces effets secondaires, nous avons évidemment collaboré avec l'ANSM directement" et elle a établi "clairement que la qualité du produit" reçu par les patients étaient "conformes" à ses exigences, a dit à l'AFP Xavier Mesrobian, directeur général d'Accord Healthcare France, laboratoire concerné.

Six femmes traitées, âgées de 46 à 73 ans, par docétaxel ont été victimes de complications digestives et cinq d'entre elles sont décédées entre l'été 2016 et février 2017, selon l'ANSM. "La sixième patiente est en cours de guérison". Ces femmes n'avaient pas a priori un mauvais pronostic.

Toutes avaient eu du docétaxel, seul ou en association avec d'autres chimiothérapies, soit après la chirurgie pour nettoyer d'éventuelles cellules cancéreuses résiduelles, ou avant l'opération pour réduire la taille de la tumeur.

L'effet indésirable le plus fréquent est une baisse des globules blancs (neutropénie) entraînant un risque d'infection et de décès.

L'administration d'un traitement stimulant la fabrication de ces globules peut atténuer ce risque de complications.

Q- Dans quels cancers le docetaxel est-il indiqué ?

R- Le docétaxel est autorisé dans le traitement du cancer du sein, dans le cancer du poumon, de la prostate, de l'estomac, de la bouche et de la gorge (voies aéro-digestives supérieures).

Q - Peut-on le remplacer ?

R - L'Institut Gustave Roussy (IGR, membre d'Unicancer), touché par des décès, a déjà cessé d'utiliser le docétaxel d'Accord en sénologie et l'a remplacé, "par précaution, par une alternative, le paclitaxel, en attendant les résultats de l'enquête ANSM", indique cet établissement.

"Cette mesure drastique de précaution a été prise au vu de l'impression d'une toxicité inhabituelle du générique", après avoir vérifié notamment s'il avait été correctement administré.

Dans les cas où l'alternative ne peut être utilisée, l'IGR a repris le médicament d'origine initialement commercialisé, le Taxotère, poursuit l'institut.

L'Institut Curie a également annoncé jeudi être passé au médicament alternatif.

Q - Faut-il le retirer du marché ?


R - Toutes les chimiothérapies peuvent avoir des effets indésirables graves.

"Il faut faire l'évaluation du rapport bénéfice/risque si on décide de le supprimer du marché", a déclaré à l'AFP le directeur général de l'ANSM, Dominique Martin. C'est "en cours d'examen", ajoute-t-il.

"La substitution de ce médicament par un autre n'est pas si aisée parce que les alternatives au docétaxel ne sont pas des médicaments anodins non plus", a-t-il expliqué à l'AFP.

Q - Quelle information a été donnée aux praticiens sur cette chimiothérapie ?

R - Le courrier aux cancérologues a été adressé mercredi par l'Institut national du cancer (INCa) et l'ANSM, les risques du docétaxel, en général, sont connus et inscrits dans la notice destinée aux médecins, rappelle l'agence du médicament.

L'enquête de pharmacovigilance, ouverte en septembre 2016 par l'ANSM touche l'ensemble des médicaments contenant du docétaxel. Ses résultats seront présentés le 28 mars à un comité technique de l'agence du médicament. Cette dernière, à ce stade, ne recommande pas l'arrêt des médicaments contenant cette molécule.

"Ce médicament est également utilisé dans d'autres pays" et "fait l'objet d'une analyse de l'Agence européenne du médicament (EMA)", indique le patron de l'ANSM.


Rédigé par () le Mercredi 15 Février 2017 à 18:04 | Lu 359 fois