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Un marabout condamné pour escroquerie


PAPEETE, le 21 novembre 2017 - Ce mardi, lors de l’audience correctionnelle, un père de famille de 49 ans était poursuivi pour des faits d’escroquerie. L’homme vendait ses services de voyance sur des petites annonces de presse. Il aurait empoché plus de 12 millions de Fcfp.

« Pas de problème sans solution - grand voyant international - désenvoûtement - retour immédiat de l’être aimé - résultat 100 % garanti. » C’est par ces quelques mots publiés dans de petites annonces qu’un marabout de 49 ans a escroqué plus de 40 personnes.
Ce mardi, lors de sa comparution devant le tribunal correctionnel de Papeete, l’individu a indiqué qu’il se pensait doué de « dons particuliers » ». Face à ses victimes, il disait avoir été sacré premier lauréat au concours des voyants d’Afrique de l’ouest et s’être occupé de nombreux hommes politiques de ce monde, dont Gaston Flosse. Se présentant sous deux pseudonymes, le marabout demandait 5000 Fcfp pour la première consultation. Très rapidement, il extorquait à ses clients des sommes de plus en plus importantes. L’homme faisait souvent face à des individus vulnérables et désespérés. Il échangeait par téléphone ou recevait les victimes à son domicile dans une pièce sombre décorée de gri-gri et de statues. Parfois, l’homme troquait ses services contre des biens matériels tels qu’un aspirateur ou des poulets grillés. C’est suite à la plainte de l’une de ses victimes qu’une enquête judiciaire avait été ouverte. Cette dernière a estimé le montant des escroqueries à plus de 12 millions de Fcfp.

Détenteur d’une patente de « service personnel », le prévenu envoyait régulièrement de l’argent à sa famille en Guinée et en métropole. Ses victimes le contactaient pour des problèmes de santé ou des déboires conjugaux. Comme cette femme qui l’avait appelé pour récupérer son mari. Le marabout lui avait fait acheter une chaîne hifi qu’il aurait brûlé. Le tane infidèle n’est jamais revenu. Ou cette autre plaignante qui avait payé le prévenu pour obtenir les numéros de l’Euromillions. La femme n’avait, bien évidemment, rien gagné. Hier, lors de l’audience, le prévenu a indiqué que l’esprit de ses grands-parents décédés lui transmettait les chiffres de la loterie. Avec une pointe d’ironie, le président du tribunal lui a répondu : « cela n’est pas donné à tout le monde ! »Le marabout conseillait à ses clients d’utiliser de nombreuses méthodes farfelues : bain de sel, ramassage de coquillages.



Diplôme

A la barre, le prévenu a nié toute escroquerie : « j’estime avoir des dons, je n’ai forcé personne à venir me voir, mon travail est reconnu partout ». Justement, le tribunal s’est longuement attardé sur le soi-disant diplôme de « voyant médium professeur » dont l’homme serait détenteur. Pour seule certification, le prévenu a produit un papier délivré par les autorités administratives de Conakry en Guinée.


Lors de ses réquisitions, le procureur de la République a abordé les nombreux trous noirs de ce dossier : « Cet individu est incapable de justifier de sa situation professionnelle, de la réalité de ses diplômes, de la réalité et du succès de son intervention et des raisons pour lesquelles il est en Polynésie. Pourquoi a t-il de fausses identités ? Le document fourni sans numéro de pièce d’identité n’a aucune valeur. La réalité, c’est que Monsieur est un escroc. Il est sidérant de voir à quel point il peut mentir et mettre en cause la bonne foi des victimes qui ont décrit son charlatanisme. Le prévenu est sur le territoire car il a compris que les polynésiens sont des gens particulièrement gentils et accueillants. Nous vivons dans une société ouverte d’esprit. Il y a des traditions, des croyances qui peuvent se rapprocher de croyances tout à fait respectables qui existent en Afrique et il utilise ces croyances pour manipuler les gens. La réalité, c’est que toutes ces personnes ont été abusées. Il a besoin de publicité, de mise en scène, de mensonges et en plus, il a besoin de menacer les personnes en leur disant que quelque chose va leur arriver. Je vais donc requérir 3 ans de prison ferme, 12 millions d’amende, l’interdiction d’exercer pendant 5 ans et l’interdiction de séjour en Polynésie française pendant 5 ans. »

Evoquant deux constitutions de parties civiles sur la quarantaine de témoignages de victimes, l’avocat du prévenu a évoqué l’enquête judiciaire : « il a fait 4 mois de détention provisoire et il n’y a jamais eu de confrontation. C’est particulier lorsque l’on voit les sommes en jeu. Sur les 44 personnes entendus, 10 sont satisfaites. Et aujourd’hui, on a entendu une seule personne à la barre, les autres sont absentes. »

Le tribunal a condamné l'homme à deux ans de prison ferme;

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 21 Novembre 2017 à 16:18 | Lu 7748 fois