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Sénatoriales: Nuihau Laurey explique les raisons de sa candidature


PAPEETE, le 30 mars 2015- Le suspense est tombé dimanche soir. Sur le plateau de Polynésie 1re, le vice-président Nuihau Laurey a confirmé sa candidature avec Lana Tetuanui, pour les élections sénatoriales partielles du 3 mai prochain contre ceux officiellement investis par le parti orange. Il explique pourquoi il est candidat en dépit d'une exclusion qui devra être confirmée jeudi soir. Interview.

Pourquoi cette décision d'aller aux sénatoriales ? Qu'est ce qui vous motive ?

Nuihau Laurey : c'est une décision mûrement réfléchie de proposer une candidature complémentaire, celle de Lana Tetuanui et la mienne. Parce que Lana est maire d'une commune déléguée des îles, et moi, pour défendre les sujets financiers et budgétaires, qui restent les sujets les plus difficiles pour la Polynésie. L'objectif c'est de parler d'une même voix aux plus hautes autorités de l'Etat et faire en sorte que les projets de la Polynésie soient mieux présentés à Paris.

Le vice-président, ministre des finances aurait donc une double casquette si vous obtenez ce siège de sénateur ?

Nuihau Laurey : pour ne pas faire de langue de bois, il faut quand même rappeler que 95% des textes votés à l'Assemblée nationale et au Sénat ne s'appliquent pas à la Polynésie, je m'exprimerai sur des textes qui ne s'appliquent qu'à la métropole mais l'objectif visé concerne les sujets budgétaires, financiers et communaux de la Polynésie (…) En termes de travail : Gaston Flosse a été lui-même président et sénateur, je sais que de nombreux membres du gouvernement sont aussi maires de grandes communes, je pense ne pas être plus fainéant que les autres. Ça nécessite de l'organisation, mais c'est tout à fait faisable.

C'est une candidature opportuniste ou pragmatique ?

Moi je dirai pragmatique, très franchement je suis à Paris tous les mois, tous les deux mois, pour les discussions avec Standard and Poors, le conseil de surveillance de l'IEOM avec tous les partenaires financiers de l'Etat, le fait que je sois plongé au cœur de ces problématiques me donne quand même une petite valeur ajoutée, j'ose l'espérer.

Politiquement, cette candidature risque de provoquer une implosion du Tahoeraa, c'est un risque calculé ?

Non en fait, il y a vraiment une inversion de l'ordre. Des divergences de vues au sein du Tahoera'a sont apparues non pas à l'occasion de ces élections mais dès la prise de fonctions d'Edouard Fritch, je pense que tout le monde l'a bien vu. Le vote par l'assemblée d'une résolution demandant à l'Etat de verser 90 milliards au titre du préjudice environnemental des essais nucléaires à Moruroa, il me semble que c'est la pire manière de traiter un sujet qui est un fait historique de la Polynésie (…) Ensuite il y a eu l'épisode du RSPF mais ce sont les deux épisodes les plus marquants d'une série de blocages ou de divergences qui ont commencé à apparaître dès l'arrivée d'Edouard Fritch.
Cette décision du gouvernement de proposer des candidats aux sénatoriales ne relève d'une volonté de provoquer mais du constat de divergences de plus en plus marquée dans la manière de conduire les affaires du Pays.

Et tant pis s'il y a une exclusion du Tahoera'a pour vous et pour Lana Tetuanui ?

Nuihau Laurey : notre exclusion du Tahoera'a a été prononcée déjà à titre conservatoire, je l'ai appris ce matin. Le grand conseil se réunit jeudi pour statuer sur la sanction qui m'est déjà appliquée, ce qui est quand même une nouveauté : on applique les sanctions et après on juge, pourquoi pas ! A coté de ça, est-ce que ça ne va pas provoquer une contagion ? Par solidarité d'autres élus peuvent aussi partir, mais moi je souhaite que maintenant on se calme, que tout le monde respire et réfléchisse pour trouver les moyens de ne pas aller vers une instabilité.

Vous tendez encore la main au Tahoera'a ?

Moi j'ai toujours l'impression d'être au Tahoera'a. Quand Gaston Flosse est venu nous chercher quelques-uns avec Marcel Tuihani, Jean-Paul Tuaiva pour relever le drapeau du Tahoera'a et aller aux élections, à cette époque là on n'était pas des masses, on venait plutôt nous chercher. J'ai l'impression d'avoir bien travaillé, j'ai été le coordinateur du programme du Tahoera'a, j'ai participé au redressement financier, aux actions qui ont été menées y compris par Gaston Flosse qui lui-même a salué mon action et la manière dont j'ai pu gérer les dossiers, donc je trouve que là, la méthode elle est un peu expéditive. Et si dans un parti politique on n'arrive pas à s'écouter même si on n'a pas tout à fait la même manière de voir tel ou tel sujet, ça peut poser des problèmes pour attirer de nouveaux électeurs et des jeunes.

Ça vous a ouvert les yeux sur le Tahoera'a ? Vous n'imaginiez pas que c'était à ce point-là ou vous ne vouliez pas voir ?

Je suis assez naïf. Je trouvais que le défi à relever était de taille et qu'il fallait s'engager à ce moment-là et jusqu'à présent les choses ont plutôt bien fonctionné, mais la méthode-là est regrettable, pas uniquement pour moi mais pour donner une image positive d'un parti, l'un des plus anciens de Polynésie. Il y a des courants, des positions différentes qui s'affirment : il faut que le Tahoera'a apprenne ça aussi la diversité de vues…

Et le culte du chef au Tahoera'a, vous ne l'aviez pas vu avant ?

Encore une fois, ça fait un peu plus de trois ans que je suis au sein du Tahoera'a, moi j'ai toujours eu l'habitude d'exprimer ma manière de voir les choses, je pensais que le Tahoera'a avait évolué et c'est le cas. Je continue à penser que cette décision est malheureuse et qu'il faut accepter la diversité des vues même dans un parti comme le Tahoera'a qui a l'habitude de fonctionner de manière hiérarchique. Mais j'aime bien aussi pouvoir faire changer les choses : manifestement là ça ne marche pas tout à fait, mais l'avenir nous le dira. Je reste persuadé qu'on a tous intérêt à ne pas retomber dans l'instabilité…




Le Tahoera'a doit confirmer jeudi les exclusions de Nuihau Laurey et Lana Tetuanui


C'est une situation inédite au Tahoera'a Huiraatira. Si des déchirures politiques internes ont déjà secoué par le passé le parti orange, des candidatures dissidentes contre des candidats orange officiellement investis à une élection de rang national, ça ne s'était encore jamais vu. Pour le président du parti, Gaston Flosse, le camouflet est certain. Seule consolation : Nuihau Laurey et Lana Tetuanui ont répondu en 48 heures aux demandes d'éclaircissement formulées par le Vieux Lion dans un communiqué du parti en date de vendredi dernier où il était écrit : "le Tahoera'a Huiraatira comme les grands électeurs, attendent à présent que les intéressés prennent leurs responsabilités vis-à-vis du parti politique auquel ils appartiennent et qu'ils confirment ou démentent leur candidature".

Cette fois c'est bon, le vice-président et la représentante Lana Tetuanui ont bien "assumé leur responsabilité" en confirmant une bonne fois pour toute qu'ils étaient candidats aux sénatoriales du 3 mai prochain. La réponse ne s'est pas fait attendre. Dès ce lundi matin, Nuihau Laurey recevait un courrier signé du président du Tahoera'a Gaston Flosse où il rappelle que "Teura Iriti et Vincent Dubois sont les seuls à pouvoir représenter le Tahoera'a Huiraatira aux prochaines élections sénatoriales" parce qu'ils ont été officiellement investis le 10 février dernier par le grand conseil du parti. En conséquence pour avoir remis en cause "une décision du grand conseil qui porte atteinte sciemment aux intérêts du parti je me vois contraint de prononcer à votre encontre votre exclusion du parti Tahoera'a Huiraatira, et ce à titre conservatoire". Une décision du président du parti orange qui sera soumise au prochain conseil politique dont une réunion en urgence est organisée ce jeudi soir.

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 30 Mars 2015 à 18:45 | Lu 2869 fois