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Santé : trop de poids, trop de sel, d’alcool et de tabac


Santé : trop de poids, trop de sel, d’alcool et de tabac
PAPEETE, lundi 15 octobre 2012. La direction de la santé vient de publier les résultats de son enquête santé 2010, sur la surveillance des facteurs de risque des maladies non transmissibles. Cette enquête a été réalisée d’août à octobre 2010 sur un échantillon représentatif de 3 500 personnes âgées de 18 à 64 ans, en suivant la méthodologie de l’OMS (organisation mondiale de la santé) focalisant particulièrement sur le diabète, l’hypertension et l’obésité, à savoir les liens entre le comportement humain et la santé. Profitant de cette étude générale, qui renouvelle la précédente qui datait de 1995, ont été étudiées également en Polynésie française, les consommations de tabac, d’alcool et de cannabis. L’étude conclut sur la proportion alarmante de 45% de la population adulte de Polynésie française présentant «un risque majoré de maladies non transmissibles ce qui laisse présager l’engagement de dépenses et de moyens considérables à plus ou moins long terme pour la prise en charge de ces individus. Le cumul de facteurs de risque tels que le tabac, la sédentarité, une alimentation pauvre en fruits et légumes auxquels s’ajoutent une tension artérielle élevée et un diabète, constitue autant d’enjeux de santé publique à prévenir, modifier et prendre en charge afin de réduire la morbidité et la mortalité dues aux accidents cardio-vasculaires tels que les infarctus ou les accidents vasculaires cérébraux».

Lors de la conférence de presse ce lundi à la direction de la santé.
Lors de la conférence de presse ce lundi à la direction de la santé.
Trop de sel provoque l’hypertension, une bombe à retardement

La grande nouveauté de cette étude de santé générale, qui n’est cependant pas une surprise pour les médecins, est la part inquiétante de la prévalence de l’hypertension artérielle. 26,7% de la population adulte souffre de cette affection, le plus souvent sans le savoir, alors que le taux n’était que de 18% en 1995. Aussi, la direction de la santé lance une campagne de communication télévisée dès ce soir, sur la consommation de sel, car le lien entre cette pathologie et une consommation excessive de sel est établie. Quatre spots télévisés ont été réalisés sur nos mauvaises habitudes (rajouter du sel quand ce n’est pas nécessaire) et seront diffusés pendant les 15 prochains jours sur les télévisions locales : TNTV et Polynésie 1ere.
L’hypertension artérielle qualifiée par le docteur Ranui Richaud, cardiologue au Centre hospitalier du Taaone de «maladie silencieuse, car on ne la voit pas, on ne la sent pas» provoque attaques cérébrales, atteintes rénales, ruptures d’anévrisme entre autres. Or, si l’enquête a révélé que plus d’un quart de la population polynésienne adulte en souffre, 74% des personnes atteintes ne sont pas traitées, ni informées des conduites de prévention à tenir (baisse de la consommation du sel, surveillance du taux de cholestérol). «C’est une bombe à retardement à laquelle il va falloir rapidement faire face» poursuit le docteur Richaud. Le cardiologue insiste particulièrement sur la nécessité de baisser la consommation de sel : celle-ci est en moyenne de 15 à 16 grammes/jour dans l’alimentation polynésienne alors que le prise normale selon l’OMS est de 6 grammes/jour.
L’autre moyen de lutter contre l’hypertension artérielle, à conjuguer avec une baisse de la consommation de sel, est l’augmentation de l’activité physique. Le rapport final insiste sur une nécessaire prévention et prise en charge de l’hypertension artérielle car : «au vu des sommes considérables générées par la prise en charge de ces pathologies, il est nécessaire de s’interroger rapidement sur des stratégies efficaces pour faire adhérer les patients à une prise en charge thérapeutique et des changements de mode de vie dès le diagnostic de la maladie et avant l’apparition des complications. Le développement d’unités d’éducation thérapeutique des patients (sur le modèle de la Maison du Diabétique) devrait être envisagé car ces structures sont peu coûteuses et à l’origine d’améliorations significatives de l’état clinique et biologique des patients».

Une population encore trop sédentaire et en surpoids

Autre éclairage de cette étude de santé générale, l’obésité reste importante
, mais se stabilise après des années de progression continue. Selon les dernières données issues de l’étude, 70% de la population adulte polynésienne est en surpoids, 40% est obèse. 21% de la population ne pratique pas une activité physique suffisante et régulière. Résultat évident de ce qui précède : 10% de la population adulte est diabétique, une proportion qui augmente avec l’âge puisque 18,9% des 45-64 en sont atteints.
Les personnes interrogées lors de cette enquête l’ont été également sur leur consommation de fruits et légumes et les cinq par jour, recommandés par l’OMS : en Polynésie à peine 1 fruit/jour est consommé et 1,5 légume. «En ce qui concerne l’obésité, nous sommes en phase de stabilisation, première étape avant d’infléchir ces chiffres qui sont encore très élevés, mais qui n’augmentent plus» explique Solène Bertrand, nutritionniste à la direction de la santé. Elle poursuit en affirmant que le message de la consommation des cinq fruits et légumes/jour est bien connu de tous, mais que cela ne s’est pas encore traduit dans le comportement.
L’étude ayant d’ailleurs révélé que «les principaux freins à la consommation des fruits et légumes sont le prix et la difficulté d’approvisionnement». La nutritionniste rappelle cependant que les menus de la restauration scolaire présentés dans toutes les écoles maternelles et primaires sont équilibrés, grâce à une action de formation des responsables de cantine depuis 2002. Enfin, depuis 2011, une circulaire stipule que la collation du matin dans les écoles doit être uniquement composée d’un fruit ou d’un produit laitier : 40% des écoles en milieu urbain sont en conformité avec ce texte. Dans le second degré, le travail se poursuit, en collaboration avec les mairies, sur les produits proposés dans les roulottes et snacks à proximité des collèges et des lycées avec des résultats divers et très déséquilibrés selon les lieux. Autour du complexe scolaire du Taaone par exemple, le travail est loin d’être satisfaisant pour l’instant.
Santé : trop de poids, trop de sel, d’alcool et de tabac

Tabac, alcool : une certaine impuissance des campagnes de prévention

Avec 46% d’adultes consommateurs d’alcool, la Polynésie se situe à un niveau moyen par rapport au reste du monde. Mais cette consommation «se distingue par son caractère toxicomaniaque. Il s’agit en effet d’alcoolisation massive, dans l’excès et la démesure comme en témoigne la consommation moyenne par occasion qui est de 10,8 verres alors que l’OMS recommande une consommation de 4 verres maximum par jour pour les hommes et 3 verres pour les femmes». Pire, «le tabagisme et la consommation d’alcool ont augmenté, particulièrement chez les plus jeunes, depuis la dernière enquête de santé de 1995. La précocité de l’expérimentation du tabac et de l’alcool constitue un facteur de risque majeur pour l’installation durable dans la consommation et la dépendance» ce qui est un aveu d’échec ou tout au moins d’inefficacité avérée des mesures anti-tabac et des actions du programme polynésien de lutte contre l’alcool et la toxicomanie élaboré en 2009.
Selon l’étude, 41% de la population adulte fume du tabac en 2010 contre 36% quinze ans plus tôt. Ce sont les femmes et les jeunes qui fument le plus. Au total un tiers de la population adulte fume quotidiennement, la moyenne étant de 5 à 7 cigarettes par jour, selon qu’il s’agisse de cigarettes industrielles ou de tabac roulé.
Sur ces pratiques addictives, une bonne note toutefois dans cette étude santé qui concerne le cannabis. Si 38% de la population adulte admet avoir consommé au moins une fois dans sa vie du cannabis, seuls 14% de ces adultes de plus de 18 ans ont avoué avoir fumé un joint au cours de l’année. De quoi tordre le cou à une idée reçue, selon le docteur Marie-Françoise Brugiroux, responsable du centre de consultation en alcoologie et toxicomanie, qui indique «qu’en Polynésie tout le monde fume du cannabis». Une étude de la même ampleur concernant les jeunes de moins de 18 ans, à la fois sur l’alcool, le tabac et le cannabis serait cependant utile pour un éclairage sur l’état d’addiction de la jeunesse qui n’était malheureusement pas visée dans cette étude de santé.


Santé : trop de poids, trop de sel, d’alcool et de tabac

Cette enquête santé réalisée conjointement par la direction de la santé avec l’appui financier de l’Etat via le contrat de projet et le soutien logistique de l’OMS sera désormais actualisée tous les cinq ans. En suivant une méthodologie identique mais sur un échantillon plus restreint : «la Polynésie française pourra désormais suivre l’évolution des MNT (maladies non transmissibles) et évaluer l’impact des actions entreprises. Une enquête nutritionnelle (programmée en 2013) décrivant de manière plus précise les habitudes alimentaires des polynésiens serait aussi un outil très utile pour guider et accompagner la population dans des changements d’habitudes alimentaires».

Pour lire les résultats complets de cette enquête

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 15 Octobre 2012 à 13:05 | Lu 2331 fois