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Résultats de la Présidentielle : un avant-goût des législatives


PAPEETE, 23 avril 2017 - Le premier tour de l’élection présidentielle a porté le vote François Fillon en tête des suffrages exprimés en Polynésie française, samedi, devant le vote Le Pen lors d’un scrutin qui s’illustre surtout par un taux d’abstention record. Le second tour aura lieu le 6 mai prochain, mais déjà se révèlent au plan local les forces en présence pour les élections législatives de juin.

Si l’élection présidentielle est, tous les cinq ans en France métropolitaine, le rendez-vous par excellence de la nation avec les urnes, en Polynésie française la physionomie du premier tour de ce scrutin montre une fois encore, samedi, que la situation est bien différente. L’éloignement géographique de la collectivité d’outre-mer, son autonomie institutionnelle avec des compétences dans les domaines de l’emploi, du logement, du travail, de la santé, de l’éducation, en matière économique et fiscale… résument les arguties de campagne des candidats à la magistrature suprême à bien peu de choses pour le quotidiens de la majorité des 203 940 électeurs du fenua. Et puis, question de culture locale, ici on suit volontiers la consigne de vote donnée par son leader politique ou son parti d’appartenance.

Ces principes se sont d’autant plus illustrés samedi que le premier tour de l’élection présidentielle se caractérise par un taux d’abstention record de 61,06 %, 10 points supérieur à ce qu’il avait été en 2012, selon les chiffres provisoires publiés dimanche matin par le Haut-commissariat de la République en Polynésie française.

Le vote Fillon en tête

Et dans ce contexte, qu’observe-t-on ? Tout d’abord une tendance observable sur l’ensemble du territoire : une majorité claire en faveur de François Fillon (LR) se dégage dans tous les archipels (35,28 %), avec une courte tête d’avance sur le vote Le Pen aux îles du Vent (200 voix). Celui qui se présentait en France comme le candidat de l’alternance ne participera pas au second tour du scrutin présidentiel. Mais le candidat soutenu par le Tapura Huiraatira permet de mesurer la dynamique du vote autonomiste pro-Fritch en Polynésie française. Le Tapura a laissé entendre dimanche, par la voix de Tearii Alpha, qu’il appellerait probablement au vote Macron, au second tour. Emmanuel Macron s’est engagé à "prolonger le travail de François Hollande" sur la question de l’accord de Papeete. Cet accord-cadre pour le développement de la Polynésie française fait actuellement l’objet d’une convergence de vue signée à l’Elysée le 17 mars dernier, entre le président de la République et Edouard Fritch. Mais il devra être ratifié par le prochain chef de l’Etat français pour devenir applicable.

On observe ensuite, une forte percée du vote Front National (FN), par rapport à 2012. Il y a 5 ans avec le seul soutien de la représentation locale du FN, Te Nati, la candidature Marine Le Pen avait recueilli 5 151 voix (5,73 %) sur l’ensemble de la Polynésie française. Epaulé par le Tahoera’a Huiraatira, la situation est toute autre aujourd’hui. Le parti d’extrême droite réalise un score historique de 32, 51 %, soit 24 694 voix sur l’ensemble du pays.

On constate aussi un vote socialiste devenu quasi inexistant localement. En 2012, avec le soutien de la plateforme souverainiste UPLD le vote François Hollande avait rassemblé 29 130 voix (32,43 %) au premier tour de la présidentielle. En 2017, Benoît Hamon totalise un maigre score de 2 203 voix (2,91 %).

Et, même si le Tavini Huiraatira ne peut pas raisonnablement se prévaloir du taux d’abstention record de 61,06 % en dépit de l’appel lancé par son leader, Oscar Temaru, le parti souverainiste peut se flatter du taux record constaté dans son fief de Faa’a (73,84 %) où seuls 4 986 électeurs se sont exprimés samedi sur les 19 063 que recense la commune.

La petite histoire dans la grande

Tout cela permet de brosseur des tendances, dans la perspective des élections législatives des 3 et 17 juin prochains. Une observation derrière le prisme du découpage des circonscriptions permet de constater que dans une confrontation Tahoera’a/Tapura, le Tapura l’emporterait dans deux circonscriptions électorales sur trois. Le Tapura Huiraatira compte 36,14 % de votes en faveur de son candidat à la présidentielle dans la 1ere (Papeete, Pirae, Arue, Moorea-Maiao, Tuamotu, Marquises) avec 10 467 voix devant le vote Le Pen (32,75 % ; 9 486 voix). Ce vote est de 36,66 % dans la 3e circonscription (Faa’a, Punaauia, îles Sous-le-vent), soit 8 655 voix contre 30,54 % en faveur de la candidate soutenue par le Tahoera’a (7 210 voix). Dans la première circonscription, une tendance forte s’est exprimée à Moorea, où le vote FN a totalisé 41,05 % des suffrages et à Tahuata (Marquises) où plus d’un électeur sur deux a suivi la consigne de vote du Tahoera’a.

Un vote Tahoera'a Huiraatira se distingue avec une légère avance dans la deuxième circonscription (zone rurale de Tahiti et archipel des Australes) avec 34,31 % des suffrages (7 908 voix) devant le vote Fillon (32,79 % ; 7 557 voix). Le vote FN est particulièrement important à Teva i Uta (42,7 %) et à Taiarapu ouest (44,86 %).

Si ces tendances devaient être confirmées dans 6 semaines, la candidate Tapura Huiraatira sur la première circonscription, la députée sortante Maina Sage, devrait être réélue au Palais Bourbon, tandis que Teura Iriti (Tahoera’a Huiraatira) l’emporterait sur la deuxième circonscription face à Nicole Sanquer. La candidate du parti d’Edouard Fritch sur la 2e circonscription pâtit de la position du tavana Jacquie Graffe, dont l’appel en faveur d’Emmanuel Macron a permis au candidat En Marche de réaliser son record polynésien à Paea (38,11 %). Sur la 3e circonscription, malgré la courte avance du vote Tapura, la partie apparaît très incertaine. Difficile de prévoir qui de Vincent Dubois (Tahoera’a), Patrick Howell (Tapura) ou Moetai Brotherson (Tavini) l’emportera, à la lueur des résultats du premier tour de l’élection présidentielle.

Ce scrutin intermédiaire des législatives sera le dernier rendez-vous avec les urnes pour les partis politiques locaux avant les élections territoriales d'avril 2018. Elles auront lieu dans un an mais sont déjà dans toutes les têtes des leaders politiques locaux.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Dimanche 23 Avril 2017 à 13:57 | Lu 3565 fois