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Rame avec Alexandra : Quand aviron rime avec espoir


PAPEETE, le 05 janvier 2017 - Atteinte de mucoviscidose, Alexandra, 21 ans, a été greffée des poumons il y a quatre ans, après des années d'incertitudes et de lutte, la jeune femme revit et malgré son lourd traitement, elle s'est donné comme objectif avec Matthieu, son ancien kinésithérapeute, de rallier Moorea à Tahiti à la rame en double aviron de mer le 5 août.

Alexandra est un petit bout de femme qui respire la vie. À 21 ans, la jeune fille exhale le courage et la persévérance. Atteinte de mucoviscidose depuis sa naissance, elle a vécu les premières années de sa vie sans savoir si elle aurait un avenir. Son quotidien était rythmé par les séances de kinésithérapie (deux par jour), les hospitalisations, mais surtout l'économie du souffle. "Quand je l'ai rencontrée, Alexandra n'avait que dix ans, c'était une enfant qui n'y croyait plus, démotivée. Elle économisait sur tout, même parler lui coûtait. J'ai essayé de la remotiver. On a commencé par la guitare et rapidement elle est devenue meilleure que moi. Puis on a fait des randonnées, au bout de 500 m, je la portais sur mes épaules parce qu'elle était blanche et n'avait plus de souffle, mais elle voulait finir. Elle a skié pour la première fois. C'est devenu une amie. Alexandra a vécu des années compliquées, très sombres et aujourd'hui, elle est en vie et respire le bonheur et la joie de vivre. Ça fait plaisir à voir. C'est extraordinaire", raconte Matthieu avec beaucoup de tendresse.

Il y a quatre ans, le 19 novembre, elle reçoit un coup de fil de l'hôpital, ça fait à peine quinze jours qu'elle est inscrite sur la liste d'attente pour une transplantation des poumons. Des poumons sont là, pour elle. Elle appelle Matthieu qui est en vacances aux États-Unis pour le prévenir "elle m'a appelé sur le brancard pour me dire, -c'est bon j'y vais!- là, c'est une autre aventure qui a commencé. Ça a été presque un an de survie et une période très dure pour tout le monde. Mais elle s'en est sorti et ça a été une renaissance. Une nouvelle vie pour Alex et pour tout son entourage", raconte son ancien Kinésithérapeute.

De son côté, Alexandra apprend à s'adapter à sa nouvelle vie " j'ai pleins de perspectives qui s'offrent à moi, c'est incroyable. Je dois apprendre à vivre avec cette nouvelle maladie qui me permet de vivre mieux, mais avec ses nouvelles conséquences et restrictions. J'ai eu deux années de galères avec tellement de problèmes. Aujourd'hui, je peux danser, courir, faire à peu près comme tout le monde. C'est juste incroyable. Avant ma transplantation, rien que marcher pour aller au lycée était une épreuve presque insurmontable. Aujourd'hui, j'ai une vie sociale et je vois dans les yeux de mes parents qu'ils sont fiers de la personne que je suis en train de devenir, fiers de me voir grandir."

Cette transplantation, ce don d'organe a transformé la vie d'Alexandra et celle de sa famille. Aujourd'hui la jeune femme a vu son espérance de vie doubler, "j'ai une perspective d'avenir, alors qu'avant, je me suis même demandée si je devais passer mon bac. Là je fais des études supérieures. Je suis en deuxième année de géographie et j'envisage de faire un master pour travailler dans l'urbanisme. Rien que ça, c'est Waouw! Je vais faire en sorte de réussir et d'aller jusqu'à la fin! C'est juste incroyable" raconte la jeune femme avec légèreté.

Quand Alexandra parle, elle transmet la joie. Son bonheur d'être là aujourd'hui est contagieux et s'entend, elle a d'ailleurs toujours un sourire dans la voix. Matthieu la décrit comme "pétillante", il ajoute "elle a un mana incroyable. C'est tellement fort que ça ne peut que matcher avec la Polynésie", lâche-t-il avec certitude. Quand Alexandra parle de ce qu'elle a vécu, de ses années sombres qu'elle a traversé avec ses parents et sa sœur, elle retient surtout la chance d'être là aujourd'hui. À l'entendre évoquer tout cela, on ne retient qu'une chose, "le passé c'était dur, mais aujourd'hui c'est incroyable et je vis".

Ce projet fou de traversée en aviron est né comme ça. "J'ai toujours fait du sport avec Matthieu, et quand il m'a dit qu'il restait en Polynésie, je me suis dit il faut que j'y aille. C'était fou parce qu'avec ma maladie, je n'avais jamais pu voyager et prendre l'avion pour un voyage aussi loin et long. C'est rare pour les gens comme nous". L'aviron s'est imposé naturellement, "Matthieu pratique l'aviron depuis toujours, je me suis dit et bien tiens pourquoi pas. C'est le président du club d'aviron de Polynésie. On en a discuté et on s'est dit on fait ça dans un an."

En septembre, Alexandra se met au sport et à l'aviron, "je n'avais jamais pu en faire avant, du coup, là je commence tout doucement. J'y vais tous les week-ends, sauf quand il fait trop froid. J'avoue que c'est dur de se motiver", lâche-t-elle en riant.

Début décembre, Alexandra envoie un mail à son médecin en lui parlant du voyage, à sa grande surprise le médecin donne son accord. "Tout s'est accéléré. Du coup, j'ai trouvé un stage en Polynésie dans un cabinet d'urbanisme et je viens deux mois pour ce stage. On a avancé le projet et donc on fait la traversée le 5 août. J'ai créé la page Facebook la semaine dernière et là ça a été l'explosion. Le projet a pris une ampleur incroyable. Je ne m'attendais pas du tout à ça et j'avoue que j'ai du mal à réaliser."

Rame avec Alexandra : Quand aviron rime avec espoir
Alexandra et Matthieu ont crée la page Facebook "rame avec Alexandra" 1er janvier, en cinq jours la page a atteint plus de 4000 j'aime, Alexandra reçoit presque toutes les heures des témoignages de familles, des encouragements d'inconnus et d'amis. "C'est assez fou, je ne m'attendais pas du tout à ça. Je n'étais pas du tout prête."

Le projet grossi de jour en jour "deux médaillés olympiques d'aviron m'ont proposé de m'aider, de m’entraîner et de me soutenir. D'autres personnes m'ont proposé de m'équiper. La cagnotte Leetchi nous permettra de collecter les fonds pour acheter un « Lite Boat » double de mer".Elle servira également à financer le transport du bateau de métropole jusqu’à Tahiti et régler les assurances nécessaires pour mener à bien ce projet. Le bateau restera à Tahiti et sera utilisé par l'association d'aviron de Polynésie pour développer l'aviron santé à Tahiti et initier les enfants malades ou handicapés sur l’île de Tahiti.

"Je veux montrer qu’on peut espérer vivre autrement quand on en est malade et faire rêver ceux qui pensent que leur vie ne peut être réduite qu’à une lourde prise en charge médicale quotidienne. Montrer aux autres malades, atteints de mucoviscidose, qu’il ne faut pas se décourager, que le combat contre la maladie doit continuer et que nous devons tous nous mobiliser pour la vaincre ! Enfin, je veux montrer l’importance du don d’organes, car sans « ce don » cette « aventure » ne serait pas réalisable. C’est une façon de dire merci à mon donneur" écrit Alexandra sur la présentation du projet.

Matthieu qui l'accompagnera sur le bateau garde les pieds sur terre "on ne va pas au casse-pipe, si les conditions ne sont pas réunies pour faire la traverser, on la repoussera. Si Alexandra n'est pas en forme, on n'ira pas et surtout on ne fait pas une course, donc on fera la traversée tranquillement à notre rythme."

Localement le club de va'a de Moorea ainsi que d'autres rameurs se sont proposés pour accompagner les deux rameurs. "On pensait n'être que tous les deux à ramer, mais finalement il y a des chances qu'on soit une dizaine d'embarcations à parcourir les 17 kilomètres qui séparent Tahiti de Moorea. C'est assez fou. En Polynésie ce projet se fait surtout pour la promotion du don d'organe ", indique Matthieu

"Je ne réalise pas encore, mais tous les messages de parents d'enfants atteint de la mucoviscidose qui m'écrive ça me booste. Je leur permets d'espérer, d'espérer que leur enfant pourra devenir grand et avoir des projets aussi fous que le mien. Ça me motive encore plus et ça me touche énormément." explique Alexandra

En attendant de réaliser son projet, Alexandra continue sa préparation physique, elle s’entraîne dur mais surtout elle rêve du jour où elle fera ses premiers pas au fenua.

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Jeudi 5 Janvier 2017 à 17:36 | Lu 10665 fois