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Philippines: semaine sanglante pour les trafiquants de drogue


La police philippine a abattu un trafiquant de drogue présumé dimanche, au terme d'une semaine sanglante marquée par 15 homicides commis par les forces de sécurité, qui font craindre une application anticipée des préceptes sécuritaires du président élu Rodrigo Duterte.

L'avocat de 71 ans a été élu le 9 mai après une campagne populiste au cours de laquelle il a promis d'éradiquer la criminalité en six mois en donnant carte blanche aux forces de sécurité pour tirer afin de tuer. Il a aussi affirmé que les dépouilles de 100.000 criminels iraient nourrir les poissons de la baie de Manille.

Les défenseurs des droits de l'Homme accusent M. Duterte d'avoir orchestré ou toléré des escadrons de la mort qui ont visé des criminels présumés et des enfants des rues de la ville de Davao (sud) dont il est le maire, tuant plus de 1.000 personnes depuis les années 1980.

Il succédera le 30 juin à Benigno Aquino à la présidence philippine.

Dimanche, des policiers ont effectué une descente au domicile de Rowne Secretaria, un trafiquant de drogue présumé, sur l'île de Banacon, dans le centre de l'archipel. Une fusillade a éclaté, dans laquelle ce dernier et deux de ses proches ont été tués. Un quatrième homme a été blessé.

"Les hommes armés ont ouvert le feu sur les policiers, qui ont riposté", a déclaré à l'AFP par téléphone Roel Lagora, un officier de la police locale.

 

-'le Far west'-

 

Ces derniers jours, ailleurs dans l'archipel, 12 autres trafiquants de drogue présumés ont été tués par la police, et deux autres ont été abattus par des hommes armés non identifiés.

La police avait affirmé que les suspects tués l'avaient été dans le respect des règles permettant aux agents d'ouvrir le feu, à chaque fois en situation de légitime défense. 

"Il n'y a pas de nouvelle politique pour tuer les suspects. Nous avons nos règles d'engagement et respectons leurs droits de l'Homme", avait ainsi dit Teresita Escamillan, porte-parole de la police d'un district de Manille où deux des suspects avaient péri.

Dans un pays connu pour ses exécutions extra-judiciaires, ces décès n'en inquiètent pas moins les organisations de défense des droits de l'Homme.

"Nous craignons un affaiblissement de l'Etat de droit", a déclaré Wilnor Papa, d'Amnesty International dans l'archipel. "Les Philippines vont devenir le Far west et être totalement ingouvernables."

Elle a également vu un signal inquiétant dans les récentes déclarations de Tomas Osmena, nouveau maire de la grande ville de Cebu, dans le centre des Philippines, qui a annoncé le 20 mai qu'il proposerait une prime aux policiers qui tueraient les criminels.

"Si vous abattez un criminel dans l'exercice de vos fonctions (vous serez récompensés), aucune question ne sera posée. Je suis là pour aider la police, pas pour la poursuivre", avait-il déclaré à l'AFP, promettant 50.000 pesos (950 euros) pour tout meurtre de criminel et 5.000 pesos pour chaque criminel blessé.

L'île de Cebu se trouve à une vingtaine de kilomètres de celle de Banacon, où a eu lieu la fusillade de dimanche.

M. Osmena n'a pas pu être joint dimanche par l'AFP, mais dans un commentaire sur Facebook, il a présenté Rowne Secretaria comme "le plus grand baron de la drogue" dans deux districts de Cebu.

"Ce n'est qu'une des quatre opérations menées ce week-end", écrit-il.

Interrogé sur des meurtres à Davao mercredi, Rodrigo Duterte avait indiqué jeudi qu'il n'y aurait pas besoin de mener une enquête si les trois victimes étaient liées aux stupéfiants.

"Quel était leur crime? S'il était différent nous enquêterons. Mais la drogue, je suis désolé, nous ne permettrons pas (aux suspects) d'aller en prison", a dit le président élu.

"Notre mission est elle de protéger l'intérêt public? Ou les droits de l'Homme?", s'est-il interrogé. 

Dans un autre pays d'Asie du Sud-Est, la Thaïlande, des milliers d'exécutions extrajudiciaires avaient été dénoncées par les organisations humanitaires alors que le gouvernement de Thaksin Shinawatra (2001-2006) avait déclaré une guerre sans merci aux trafiquants de drogue.

Avec AFP


Rédigé par RB le Lundi 30 Mai 2016 à 03:18 | Lu 1793 fois