Tahiti Infos

Nuutania : des indemnités de 600 000 à 770 000 Fcfp pour trois détenus


Le droit à indemnisation a été ouvert pour environ 185 détenus ou anciens détenus de la prison de Faa’a.
Le droit à indemnisation a été ouvert pour environ 185 détenus ou anciens détenus de la prison de Faa’a.
PAPEETE, le 12 juillet 2016. Le tribunal administratif a condamné ce mardi l'Etat à verser des indemnités à trois détenus de Nuutania. Les indemnités vont de 600 000 à 770 000 Fcfp. Quatre autres demandes ont été rejetées.

Fin juin, le tribunal administratif était saisi de sept nouvelles demandes d’indemnisation de détenus de la prison de Nuutania pour conditions de détention inhumaines et dégradantes. Le tribunal administratif a rendu sa décision ce mardi. Quatre demandes d'indemnisation ont été rejetées et trois ont été retenues. Les indemnités que l'Etat devra verser aux détenus ont été fixées à 600 000, 660 000 et 770 000 Fcfp.

Quatre des sept demandes d’indemnisation présentées devant le tribunal administratif de Polynésie française ont fait l’objet d’un rejet pour cause de recours tardif. "Sur une vingtaine de recours au fond engagés, quatre dossiers posaient problèmes", explique maître Thibaud Millet, l’avocat des détenus. Mais pour lui, ce qui est étonnant dans ces décisions concerne la question de la prescription des quatre ans.
En effet, les recours indemnitaires obéissent à la règle de la prescription quadriennale. Or, "on nous a opposé le fait qu'une partie de la période de détention n'était pas comprise dans ce délai", explique Me Millet. Selon la décision du tribunal administratif, la demande d'indemnisation ne peut prendre en compte que les quatre années précédant la demande d'indemnisation, ce qui n'était pas le cas jusqu'à aujourd'hui.
Le conseil va entamer une nouvelle procédure pour la période de détention qui n’était pas concernée par cette demande et va se tourner vers la cour administrative d'appel pour régler le cas de la prescription des quatre ans.

ENVIRON 185 DETENUS INDEMNISES
Pour les trois autres demandes d’indemnisation présentées par des détenus au titre du préjudice moral que leur cause "quotidiennement" leurs "conditions de détentions inhumaines et dégradantes au centre pénitentiaire de Nuutania", le rapporteur public avait demandé au tribunal de condamner l’Etat au paiement d’un dédommagement de 400 Fcfp par jour de détention. Il a donc été suivi dans ce sens par le tribunal administratif puisque que l'Etat devra ainsi verser aux détenus 600 000, 660 000 et 770 000 Fcfp.
L'Etat a deux mois pour verser l'indemnisation. "Mais bien souvent celle-ci se fait dans un délai de 12 à 18 mois", souligne Me Millet.

Sur les 200 procédures de demande d’indemnisation du préjudice moral portées en justice par l’avocat depuis 2011, le tribunal administratif de Papeete a reconnu le principe d’un dédommagement lié au caractère inhumain et dégradant des conditions de détention à Nuutania. Le droit à indemnisation a été ouvert pour environ 185 détenus ou anciens détenus de la prison de Faa’a.

Depuis février 2013, l’Etat a déjà été condamné à verser plus de 72 millions Fcfp pour indemniser des détenus de la prison tahitienne. Au niveau de l’exécution, près de 60 millions Fcfp ont été payés par l’Etat depuis février 2013 sur les 72 millions Fcfp alloués.

Une quinzaine de demandes d'indemnisation sont encore en instance, tandis qu’à ce jour, Thibaud Millet comptabilise près de 450 dossiers de demande d’indemnisation ouverts par son cabinet. Inutile de dire dans ce contexte que l’Etat n’a pas fini d’entendre parler de son centre de détention de Faa’a.

D’autant qu’une procédure d'un genre nouveau est dorénavant en instance devant la Cour européenne des droits de l'homme à la demande de la branche française de l'Observatoire international des prisons, pour le compte de huit détenus de Nuutania.





"Un espace inférieur à 2.5 m2"

Landry est entré à Nuutania en septembre 2009. Le tribunal administratif a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 770 000 Fcfp.
Devant le tribunal administratif, l'avocat a expliqué que son client avait séjourné dans différentes cellules toujours partagées avec trois autres détenus. Il a ainsi "passé 20 heures par jour en l’absence d’activités et de travail proposés par le centre pénitentiaire. Les repas sont pris dans la cellule, à proximité immédiate des toilettes qui ne sont pas cloisonnées ; il n’a jamais bénéficié d’une cellule individuelle ni d’un espace supérieur à 2,5 m². L'avocat avait aussi dénoncé que "l’espace disponible par personne est inférieur au minimum de 7 m² défini par le comité européen pour la prévention de la torture", que "l’absence d’aménagement des sanitaires constitue une atteinte grave à la dignité des détenus" et que "l’absence de ventilation, l’humidité, l’odeur pestilentielle, le cubage d’air insuffisant, les fientes de pigeon accumulées sur le rebord extérieur de la fenêtre inaccessible au nettoyage, les rats et les cafards, l’absence de lumière, ainsi que l’eau souillée et brûlante du fait de l’exposition des tuyaux au soleil".

328 % d'occupation

Avec un taux d’occupation de 327,8% au quartier maison d'arrêt et de 215,3% au quartier centre de détention (au 1er mai 2016), la prison de Faa’a Nuutania est l’établissement pénitentiaire le plus surpeuplé de France. Les détenus s’entassent à trois ou quatre dans des cellules de 9 m² aux murs sales et couverts de moisissure, sans eau potable ni eau chaude. Les toilettes n’y sont pas cloisonnées, ne garantissant aucune intimité.
Il y a quelques semaines, huit personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Faa’a Nuutania, ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme afin de dénoncer leurs conditions indignes de détention dans cette prison, la plus surpeuplée de France. En un peu plus d’un an, ce sont 22 personnes détenues dans trois établissements pénitentiaires (Nîmes, Ducos, en Martinique et Faa’a Nuutania) qui, avec l’assistance de l’Observatoire International des prisons (OIP), se sont tournées vers la justice européenne. Des recours qui pointent des problèmes structurels, liés à une surpopulation carcérale alimentée par les politiques pénales successives.



Rédigé par Mélanie Thomas le Mardi 12 Juillet 2016 à 09:26 | Lu 5267 fois