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Nucléaire : un changement de discours « très positif »


Marisol Touraine, ministre de la Santé, et son directeur de cabinet.
Marisol Touraine, ministre de la Santé, et son directeur de cabinet.
PARIS, le 13 octobre 2015-L’Etat, par la voix de la ministre de la Santé Marisol Touraine, reconnaît désormais que « la loi Morin ne fonctionne pas ». Des paroles « encourageantes », selon Edouard Fritch. Mais il reste à changer les paroles en actes.

Voilà deux ans que la commission de suivi de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires ne s’était pas réunie. Pourtant, la loi Morin impose qu’elle se tienne au moins deux fois par an. La dernière fois, cette commission était présidée par le ministre de la Défense. Ce mardi, c’est au ministère de la Santé, autour de la ministre Marisol Touraine, que la discussion a eu lieu. Jean-Luc Sans, le président de l’AVEN, l’association métropolitaine des vétérans des essais nucléaires, s’est dit « agréablement surpris par la volonté de la ministre de faire réellement évoluer les choses. On a un langage beaucoup plus positif, ouvert et concret. Le ministère de la Défense était à la fois juge et partie. Et de toute façon, c’est un problème de santé publique. » Surtout, si le très faible nombre d’indemnisations n’évoluait pas, Marisol Touraine « n’exclut pas de faire évoluer la loi. C’est très positif. »

Actuellement, les demandes d’indemnisation sont rejetées dans 98,5% des cas et seuls six Polynésiens ont été indemnisés. Edouard Fritch s’est lui aussi félicité du changement de ton : « Les mots prononcés par la ministre sont encourageants, elle-même constatant que la loi Morin ne fonctionne pas bien, voire même pas du tout. Politiquement, je dois dire qu’il y a une volonté de mieux faire et d’agir en fonction des revendications de nos populations. »

Mais comment expliquer ce changement de discours de l’Etat ? Marisol Touraine n’a pas souhaité répondre aux questions de la presse. L’ONU, sous la pression des élus polynésiens indépendantistes, a aussi pointé la faiblesse du nombre des victimes indemnisées. Edouard Fritch préfère voir « une prise de conscience parce que nos associations travaillent bien. »

Mais pour envisager supprimer la fameuse notion de risque négligeable à laquelle se heurtent la plupart des demandes, il faudra attendre. « Il faudra encore un peu de patience, mais l’Etat a aujourd’hui décidé de passer la vitesse supérieure », explique le président du Pays. Roland Oldham, président de Moruroa e tatou, attend plutôt des actes. Pour lui, tant que cette notion de risque négligeable ne sera pas supprimée de la loi Morin, il n’y aura « pas de changement ». Et de rappeler que « les démarches d’indemnisation durent et durent encore. Et entre temps, beaucoup d’anciens travailleurs meurent. »

Lire l'intervention de Marisol Touraine


Jean-Luc Sans, président de l'AVEN.
Jean-Luc Sans, président de l'AVEN.
Le docteur Poirrier, l’expert inamovible

Si le nouveau discours de l’Etat est salué, il y a d’autres paroles qui ne passent toujours pas. Certes, un nouveau médecin-expert indépendant devrait être prochainement nommé. Mais « on a toujours des gens au sein de la commission qui parlent de faibles de doses de contamination, explique Jean-Luc Sans, de l’AVEN. Et pour l’instant, il y a un médecin-rapporteur qui ne fait que débiter ce que lui a écrit le docteur Poirrier. Le nœud du problème est là. »

Frédéric Poirrier est chef du département de suivi des centres d'expérimentations nucléaires de la direction générale de l'armement. Avant que l’Etat ne reconnaisse les victimes des essais nucléaires par le vote de la loi Morin, il accompagnait déjà l’ancien Délégué à la sûreté nucléaire, Marcel Jurien de la Gravière, lors de ses passages en Polynésie. C’était du temps des essais dits « propres ».

Il explique à Tahiti-Infos que sa fonction lui permet de gérer « plus de 500000 données à caractère médical, que ce soit à l’échelon individuel ou collectif ». Pour cet expert rattaché au ministère de la Défense, s’il y a eu si peu de victimes polynésiennes indemnisées, six au total, c’est tout simplement « parce qu’il n’y a eu que 45 dossiers déposés ».

Alors, selon les données médicales dont il dispose, d’autres indemnisations seraient-elles légitimes ? Le docteur Poirrier prend l’exemple de ces quelques pilotes qui traversaient le nuage atomique entre 1966 et 1974 à bord d’avions Vautour. Le premier essai effectué en Polynésie, Aldebaran, « a délivré une dose aux pilotes de 180 millisiverts. C’est une dose significative. A ma connaissance, le pilote n’a pas déposé de dossier. Qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse ? » Près de 50 ans plus tard, et après avoir reçu une telle dose, le pilote en question est-il toujours vivant ? « Ah ça, je n’en sais rien, je n’ai aucun moyen de le savoir. »

Le champ d’application de la loi Morin a depuis été élargi jusqu’à la presqu’île de Tahiti. « Mais les niveaux de dose n’ont rien à voir » avec l’exemple précédent, qualifié de « dose significative ». Et d’avancer une nouvelle fois l’argument de la « radioactivité naturelle », deux fois plus élevée en métropole qu’en Polynésie. Après 196 réalisés à Moruroa et Fangataufa, l’argument met Roland Oldham en colère. « J’en ai assez de ce genre de bêtises. C’est insupportable ! »


Air Tahiti : Fritch « en appelle à la sagesse du personnel »

A l’issue de la commission de suivi, Edouard Fritch a exprimé son incompréhension face aux inquiétudes des employés d’Air Tahiti, qui devront effectuer des vols vers Moruroa. « Je me suis beaucoup battu pour que ce vol hebdomadaire soit confié à la société locale. J’en appelle à la sagesse du personnel parce que c’est un marché intéressant pour la compagnie, laquelle compagnie demande des subventions au Pays pour équilibrer son budget. Alors, soyons raisonnables. »

Rédigé par Serge Massau le Mardi 13 Octobre 2015 à 09:20 | Lu 1897 fois
           



Commentaires

1.Posté par TuladiBouffi le 13/10/2015 13:04 | Alerter
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Air Tahiti : Fritch « en appelle à la sagesse du personnel » On croit rêver, dans l'intérêt d'un marché juteux pour Air Tahiti on ne se préoccupe pas du personnel. Avec ce genre de propos ça prétend participer à une réunion destinée à faire reconnaître les conséquences des essais sur les personnels exposés. Bon courage aux victimes car à présent l'enfumage vient du président de la Polynésie lui-même. Soyons raisonnable qu'il a dit bouffi !!! C'est bien vrai que l'argent peut tout acheter et que chacun à son prix, manifestement Edouard Fritch a trouvé son juste prix et il compte sur vous pour équilibrer son budget. Moi qui croyait bêtement que la santé n'avait pas de prix.

2.Posté par rauarii le 14/10/2015 03:24 (depuis mobile) | Alerter
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Encore une connerie de la France qui mène en bourrique le gouvernement ha ha et dire que c eux qui disaient avant que la bombe n''a auccun danger avc mrs Flosse a la baguette....La France doit payer pour c contamination à la Polynésie....

3.Posté par Jacques LECOQ le 14/10/2015 09:49 | Alerter
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Pour rejeter les demandes, le CIVEN fournit des faux en écriture publique au Ministre de la Défense. Pour vous en persuader, venez consulter mon Site Google: https://sites.google.com/site/irradieparlarmee/
Vous constaterez que, dans mon dossier, le Médecin en Chef Frédéric POIRRIER n'a produit que des documents mensongers. J'ai informé les Associations AVEN et ANVVEN qui refusent de dénoncer cette grave situation. Les Associations ne dénoncent pas davantage la justice qui cautionne les mensonges de l'Armée...
Jacques LECOQ

4.Posté par emere cunning le 14/10/2015 17:09 | Alerter
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Après les rencontres "très fructueuses", les discours "très positifs". Ce qu'on est gâté alors !
Depuis le temps qu'ils reconnaissent que leur loi Morin ne fonctionne pas et promettent de "mieux faire". Même leur premier ministre s'y était mis, et toujours rien. Enfin si, hasta la vista dans deux ans. Venant d'un pays comme la France, c'est vraiment honteux tous ces mensonges et pirouettes pour ne pas indemniser ses travailleurs malades.

5.Posté par Jacques LECOQ le 16/10/2015 00:29 | Alerter
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Dans son intervention, le 13 octobre 2015, Marisol TOURAINE a dit : « Il a fallu d’abord dépasser les craintes d’un dispositif considéré comme manquant d’indépendance. C’est la raison pour laquelle la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013 a donné le statut d’autorité administrative indépendante (AAI) au CIVEN, désormais détaché du ministère de la Défense. Il lui revient d’instruire les dossiers en totale indépendance. »
Madame TOURAINE peut-elle expliquer aux victimes des essais nucléaires comment le CIVEN, qui ne s’appuie que sur les informations du Médecin en Chef Frédéric POIRRIER, peut instruire les dossiers « en totale indépendance »? Le docteur POIRRIER est responsable du Département de Suivi des Centres d’Expérimentations Nucléaires (DSCEN), au sein du Ministère de la Défense.
Mon dossier démontre que le docteur POIRRIER a produit de faux documents au CIVEN et que le CIVEN les a utilisés pour rejeter ma demande !
Jacques LECOQ

6.Posté par CAMUZAT J LOUIS le 17/10/2015 20:59 | Alerter
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Elu au sein du Conseil d'administration de l'AVEN et membre du bureau directeur, je ne peux que positiver à la suite de cette réunion de la commission de suivi et avant elle de la mise en place du nouveau CIVEN .Les choses bougent favorablement depuis quelques temps
.L'entrée des associations et de médecins dans ces commissions font avancer indiscutablement les choses .Certes le temps compte pour beaucoup, beaucoup de nos vétérans du Sahara et de Polynésie sont découragés et je peux le comprendre mais, quelle association (AVEN en particulier ) crée en 2010 peut se glorifier d'avoir en 2010 avoir une obtenue une loi de reconnaissance et prétendre à indemnisation. La loi MORIN à le mérite d'exister, elle doit évoluer et c'est notre travail et notre volonté à l'image de notre président J Luc SANS qui ne ménage pas sa peine . Il faut absolument que ce mot "NÉGLIGEABLE" sorte de cette loi car, c'est ce mot qui fait que si peut d'indemnisations sont accordées .Il faut que nos élus aux plus hautes fonctions de l'état apprennent ce que sont et ont été les "Essais Nucléaires" vécu par nos vétérans la plupart, n'y étaient pas et s’appuient sur ce que l'ont en à dit .Seuls les témoignages de ceux qui ont participer peuvent faire avancer les choses: ECOUTEZ NOUS !!!! petite parenthèse comment se fait il qu'aucun manuels scolaires ne relatent les" Essais Nucléaires"???? JLC

7.Posté par Jacques LECOQ le 19/10/2015 05:24 | Alerter
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Monsieur CAMUZAT, comment osez-vous écrire que « Les choses bougent favorablement depuis quelques temps » ?
La vérité est ici : http://videos.senat.fr/video/videos/2015/video29510.html
Dans cette audition de Denis PRIEUR, le nouveau Président du CIVEN, vous verrez que les Sénateurs ne partagent pas du tout votre avis sur « le nouveau CIVEN ».
Monsieur PRIEUR n’a même pas été capable de regrouper en un même lieu les 7 fonctionnaires du Ministère de la Défense qui composent le secrétariat du CIVEN ! Trouvez-vous cela sérieux ?
Quant à Jean-Luc SANS, la vérité est dans mon courrier [7-64-(3)] du 6 décembre 2013. Il est ici :
https://sites.google.com/site/irradieparlarmee/7-ma-demande-d-indemnisation
C’est l’Histoire qui jugera l’AVEN et c’est l’Histoire qui vous jugera.
Jacques LECOQ