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Moea Faugerat: De Miss Tahiti à chef d’entreprise…


Moea Faugerat: De Miss Tahiti à chef d’entreprise…
A l’occasion de la journée mondiale de la femme, Tahiti-Infos a souhaité interroger une femme polynésienne dans toute son originalité. Reine de beauté, chef d’entreprise, mère de famille et active dans le social, Moea Faugerat est une personnalité connue et reconnue en Polynésie française. C’est avec plaisir qu’elle s’est laissé prendre au jeu de l’interview dont elle connaît très bien les règles. Trois pages lui sont d’ailleurs consacrées dans le numéro d’avril du magazine Marie-Claire, sorti en kiosque ce matin. Ambassadrice de son Pays, c’est dans un de ses restaurants qu’elle s’est livrée à Tahiti-Infos. Rencontre…

Tahiti-Infos : Peux-tu te présenter en quelques mots

Moea Faugerat : Je suis une fille des îles, née à Raiatea en 1955. Je suis très imprégnée de ma culture polynésienne, surtout celle de Raiatea. Pour anecdote lorsque je suis à Los Angeles ou à Paris, souvent je dis que je vais rentrer à Raiatea, au lieu de dire Tahiti ( rire). Et ce bien que ça fasse 35 ans que je vive à Papeete. Mon mari en rigole à chaque fois. (…)Je retourne régulièrement y voir mes deux frères. Lorsque des amis s’y rendent ils me demandent de les accompagner. La mairesse Sylviane Moea Terooatea, porte mon prénom. Lorsque sa mère était enceinte, j’étais Miss Raiatea et parce qu’elle m’appréciait, elle a donné mon prénom à sa fille.

Tahiti-Infos : Que t’évoque l’élection de Miss Tahiti de 1975 ?
Moea Faugerat : j’ai gardé de très bon contact avec Geneviève de Fontenay. Elle a été comme une tatie pour moi. On a toujours eu de très bonne relation, même si certaines miss Tahiti se sont un peu fâchées avec elle. Mais je pense qu’elle cherchait à nous protéger, elle nous défendait. Les filles, âgées à l’époque de 18-19 ans, ne se rendaient pas compte de cela. J’ai de très bons souvenirs de cette période. L’année dernière, pendant Miss Nationale, j’ai revu la Miss France 76 avec qui j’ai participé à Miss Univers. Ça m’a fait très plaisir même elle lorsqu’elle m’a vue. On s’était connue à Hong Kong et nous avions partagé la même chambre pendant 10 jours. C’est extraordinaire. Ce sont vraiment d’excellents souvenirs.

Tahiti-Infos : Et que t’as apporté cette élection ?
Moea Faugerat : j’avais la possibilité de rester en France. Pour ne rien vous cacher on m’avait proposé le titre de Miss France. Mais je venais de rencontrer, Narii, qui est devenu mon mari. Il m’avait dit que si je restais en France ce serait fini entre nous. Il fallait faire un choix.

Tahiti-Infos : Et tu ne l’as pas regretté ?
Moea Faugerat : Non, pas du tout. Je suis la mère de trois magnifiques enfants (deux filles, un garçon), grand-mère d’une petite fille très mignonne et ma seconde fille attend un bébé, qui sera je pense une petite fille aussi. Donc je n’ai pas de regret. Et puis j’ai été institutrice, j’ai été professeur. Ça a été très dur. J’ai élevé mes enfants, je leur ai transmis des valeurs et je pense leur avoir donné une éducation pas trop mauvaise. Et maintenant je suis femme d’affaire comme on dit chez nous.

Tahiti-Infos : Allier famille et les affaires, comment as-tu trouvé ton équilibre entre les deux ?
Moea Faugerat : Maintenant que les enfants sont grands ça va mieux. Mais lorsqu’ils étaient petits ça a été très difficile. J’avais quatre boutiques pour enfants à l’époque. Entre le travail à la maison, mon mari qui commençait à se développer dans les affaires, les déjeuners et dîners d’affaires, s’occuper des petits, de leurs devoirs, et mon travail de chef d’entreprise, ça a été vraiment très difficile. De plus j’étais et suis toujours directrice des ressources humaines au sein du groupe Faugerat, avec à l’époque 280 employés. Des nuits je ne me couchais pas avant 3h du matin. Maintenant comme j’aime à le dire à mes enfants, ils s’occupent de leurs enfants et moi je les gâte. (…)

Tahiti-Infos : Si je te dis Miss Polynésie, que me réponds-tu ?
Moea Faugerat : En sommeil pour le moment. On a découvert deux très belles filles que j’aime énormément. Mihilani Teixiera qui a fait un casting à Londres, je pense un jour montera sur un podium. Je continue de garder un œil sur ces jeunes filles. J’ai rencontré Nanihi Bambridge à Paris, qui en parallèle de ses études, travaille de temps en temps à Abercrombie. Ses deux filles, avec le comité, on les a amenées loin. Elles ont du potentiel. Mais je n’abandonne pas Miss Polynésie. On n’a pas de sponsors. Le comité Miss Tahiti rencontre aussi des difficultés avec ses sponsors.

Tahiti-Infos : En parlant de Miss Tahiti, il y a de nombreuses élections de beauté. Ne penses-tu pas qu’elles portent préjudice à cet évènement qui vient de fêter ses 50 ans ?
Moea Faugerat : Justement, je pense qu’il faut vraiment redonner une très belle image à cette élection. Lorsque j’étais petite, et que je voyais Marie Moua ( NDLR Miss Tahiti 1965), c’était vraiment extraordinaire. L’élection était ouverte à tout le monde, il n’y avait pas besoin de payer 5000 frcs pour la voir. On s’asseyait sur des peue et on admirait les femmes défiler. C’était magnifique. Et j’ai dit à ma fille Leiana et à Narii mon mari (NDLR propriétaire de la franchise Miss Tahiti), il faut refaire comme avant. Il faut cesser de penser argent, argent, argent, surtout qu’il y en a de moins en moins. Il faut se débrouiller pour trouver l’argent ailleurs, mais il faut redonner ce cachet à l’élection. Qu’elle redevienne une élection pour le peuple. Les gens ont besoin de pouvoir rêver aujourd’hui.

Tahiti-Infos : On entend souvent que la population ne regarde plus la Miss Tahiti avec admiration et fascination comme avant. Quel est ton avis sur le sujet ?
Moea Faugerat : je pense qu’une Miss Tahiti, elle doit donner envie de rêver. Il faut qu’elle soit très belle et surtout très intelligente. Elle doit être proche de la population, c’est très important. (…) elle doit trouver des petites actions quotidiennes pour le peuple. Par exemple elle peut vendre des fruits avec des amies et les fonds récoltés sont offerts à une association. Il faut qu’elle fasse un programme pour son année de règne et non pas qu’elle ne fasse que se promener. Pas que des mondanités mais aussi des actions concrètes. Je pense alors que le peuple reviendra vers elle.

Tahiti-Infos : Tu avais créé l’association Une Miss pour une cause, qu’en est-il ?
Moea Faugerat : Tout à fait avec Dadou. On avait très bien travaillé. Aujourd’hui encore je continue de récolter des vêtements ou autres. Avec mes filles, on trie tout ça et on les distribue aux associations qui œuvrent pour les femmes battues. Mais pour l’association, comme pour Miss Polynésie, elle est en sommeil. Pour mettre en place les évènements j’avais besoin du soutien du comité. Et de plus avec la conjecture économique c’est beaucoup plus dur. Mais on reprendre tout ça.

Tahiti-Infos : Tu es une chef d’entreprise reconnue, que penses-tu de la situation économique, sociale et politique actuelle ?
Moea Faugerat : Ca va très mal. Nous avions un groupe avec 280 personnes, avec 11 sociétés et aujourd’hui nous sommes aux alentours de 220 employés. On a eu des départs à la retraire non remplacé, des personnes qui se sont patentés et on a dû licencier quand même. Dans le secteur automobile c’est très difficile, dans l’habillement aussi. Il n’y a que mes restaurants qui gardent la tête hors de l’eau. Jusqu’où irons-nous ? Je trouve que nos hommes politiques ne se rendent pas compte que le peuple souffre, et que nous les acteurs économiques, on a du mal. Et ce n’est pas avec des impôts en plus que l’on va y arriver. A un moment on ne pourra plus payer et alors là comment ferons-nous ?

Tahiti-Infos : Et en tant que femme…
Moea Faugerat : c’est lamentable. On n’est pas très bien considérée. Il y a quelques femmes qui cherchent à sortir le Pays de cette situation en s’engageant comme Poema Tang ou Teaki Dupont, qui sont critiquées. Je trouve cela déplorable. (…) est-ce normal qu’il faille se battre à chaque fois pour avoir des lois votées en notre faveur ? Non ce devrait être naturel. Comme dans un couple, il faut être égaux ou on n’y arrivera pas.

Tahiti-Infos : que devrait faire les femmes pour s’affirmer plus ?
Moea Faugerat : Ma belle-mère me disait : « Moea, ne quittes jamais ton travail ». Il faut que les femmes travaillent, il faut qu’elles soient indépendantes financièrement vis-à-vis de leurs maris pour pouvoir aider leurs enfants et subvenir à leurs besoins. C’est important. Elle peut ainsi s’assumer seule. Sans argent, elle est dépendante de sa famille et de son mari.

Tahiti-Infos : Pour cette journée mondiale de la femme, as-tu un message pour nos internautes ?
Moea Faugerat : Les hommes accordaient plus d’importance à vos femmes. Le jour où elles ne seront plus là vous le regretterez. Les enfants aimez votre maman, votre grand-mère. Et vous les femmes travaillez, ayez du travail. C’est très important pour votre indépendance.


le Mercredi 7 Mars 2012 à 19:20 | Lu 8034 fois