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Moana Greig et Joseph Kaiha inquiétés pour détournement de fonds publics


Le maire de Ua Pou et le candidat du Tahoera'a aux législatives de 2017 sont convoqués à l’audience correctionnelle du 29 septembre 2016.
Le maire de Ua Pou et le candidat du Tahoera'a aux législatives de 2017 sont convoqués à l’audience correctionnelle du 29 septembre 2016.
PAPEETE, 2 mai 2016 - Moana Greig est renvoyé en correctionnelle au côté de Joseph Kaiha, dans le cadre d'une affaire de détournement de fonds publics. L'ancien ministre de l'Education est désormais aussi le candidat officiel du Tahoera’a Huiraatira aux législatives de 2017, sur la première circonscription polynésienne.

Moana Greig est depuis mardi dernier candidat déclaré du parti autonomiste Tahoera’a Huiraatira, sur la première circonscription législative de Polynésie française. Mais l’ancien ministre de l’Education dans gouvernement Tong Sang (2009-2011) est aussi sous le coup d’une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel pour détournement de fonds publics. La justice lui reproche d’avoir accordé à Joseph Kaiha, instituteur et maire de Ua Pou, une décharge d’enseignement pendant plusieurs années pour une mission qui n’a pas été réalisée.

Les deux hommes sont convoqués à l’audience correctionnelle du 29 septembre 2016.

Même si Moana Greig affirme avoir tenu Gaston Flosse informé de sa situation judiciaire, il semble que l'information n'ait que peu circulé au sein du parti. Interrogé Marcel Tuihani, le président délégué du Tahoera'a était visiblement surpris lundi au moment de rappeler : "Il faut garder à l’esprit que Moana Greig bénéficie de la présomption d’innocence et qu’il lui appartiendra d’apporter les éléments de défense lors de son procès : accordons-lui le bénéfice du doute". De son côté Moana Greig a affirmé avoir "confiance en la justice de notre pays : j’apporterai tous les éléments d’explication aux juges, le moment venu", nous a-t-il expliqué en s'étonnant que "cette vieille affaire réapparaisse comme par hasard" après l'officialisation de sa candidature à la députation en 2017.

L’affaire qui inquiète le candidat orange aux prochaines législatives avait été signalée à la justice le 4 février 2013 à l’occasion d’une audience foraine sur Ua Pou. Un dénonciateur avait appris au représentant du parquet que le maire de l’île, Joseph Kaiha, percevait depuis plusieurs années un traitement d’instituteur sans pour autant enseigner.

Une enquête préliminaire, confiée à la section de recherches avait confirmé que si l’intéressé avait été placé en détachement du 19 avril 2008 au 24 février 2010, il tirait en effet profit depuis août 2010 d’une lettre de mission assortie d’une décharge d’enseignement délivrée par Moana Greig, ministre de l’Education d'alors. Après en avoir fait la demande en février et mars 2010, Joseph Kaiha avait reçu le 11 août 2010 un courrier signé du ministre, lui confiant une mission spécifique de "recueil des éléments significatifs qui constituent la culture traditionnelle des îles Marquises" assortie d’une décharge d’enseignement.

L’instruction a établi que Joseph Kaiha avait "bénéficié" de cette situation durant les années scolaires 2010-2011 et 2011-2012. Puis durant l’année scolaire 2012-2013, alors qu’il était dorénavant censé reprendre du service à Hakahau. Enseignant depuis 1983, le maire de Ua Pou était déjà l’objet depuis 2005 de divers rappels à l’ordre de la part du ministère, de l’inspectrice de l’éducation nationale ainsi que dès 2011 d’un signalement indiquant à l’administration qu’il ne respectait pas sa lettre de mission et ne justifiait pas de son travail.

Lors de ses auditions, Joseph Kaiha a admis sans peine n’avoir pas enseigné de 2010 à mars 2013, tout en percevant un traitement d’enseignant "d’environ 500 000 francs". Mais le maire de Ua Pou, par ailleurs bénéficiaire d'une indemnité d'élu de 200 000 Fcfp, n’a évoqué à aucun moment la mission de recueil d’informations liée à sa décharge d’enseignement. Entendu par les enquêteurs, il déclarait plutôt : "J’ai été pris dans une sorte d’engrenage qui m’a amené à travailler beaucoup dans le cadre de mes mandats et qui ne me permettait plus de continuer à effectuer un enseignement". Et d’ailleurs les enquêteurs ne trouveront nulle part la trace de ce travail de recueil sur les "éléments significatifs qui constituent la culture traditionnelle des îles Marquises", tandis que Joseph Kaiha avouera volontiers n’avoir rien rédigé à ce titre postérieurement à 2010. Il a été mis en examen du chef de recel de détournement de fonds publics le 27 août 2014

Mis en examen à la même époque du chef de détournement de fonds publics par personne chargée d’une mission de service public, Moana Greig avait d’abord tenté de se décharger de sa responsabilité. L’ancien ministre déclarait ne pas être ami de Joseph Kaiha ; ne le connaître que pour l’avoir rencontré dans le cadre de sa fonction d’inspecteur de l’éducation nationale ; avoir, le 11 août 2010, signé le fameux courrier de décharge d’enseignement à la demande de son administration ; il accusait ses services de ne pas lui avoir fait remonter d’information sur la situation et Joseph Kaiha d’avoir délibérément trompé le service public en ne remplissant pas sa mission.

"L’information diligentée a permis d’établir que MM. Moana Greig et Joseph Kaiha ont commis les faits qui leur sont reprochés", souligne l’ordonnance de renvoi transmise au parquet le 13 avril 2015.

Moana Greig sera jugé le 29 septembre prochain pour avoir en tant que ministre de l’Education, permis l’octroi à Joseph Kaiha de percevoir ses rémunérations d’instituteurs tout en sachant que ce dernier ne justifiait pas de son service. Joseph Kaiha est quant à lui poursuivi pour le recel de ce possible détournement de fonds publics.

Précisions apportées par Me Fidèle, pour le compte de Joseph Kaiha

L'avocat de Joseph Kaiha nous adresse le 4 mai un courrier intitulé "Droit de réponse" et dans lequel il souhaite également rappeler le principe de la présomption d'innocence en vertu duquel toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 2 Mai 2016 à 12:41 | Lu 5982 fois