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Me Ceran-Jerusalemy: "mes propos ont été déformés"


Les polynésiennes aiment être tapées." C'est par cette phrase qu'une vive polémique a pris corps cette semaine, mettant en cause l'avocat pénaliste, Théodore Céran-Jerusalemy.
Les polynésiennes aiment être tapées." C'est par cette phrase qu'une vive polémique a pris corps cette semaine, mettant en cause l'avocat pénaliste, Théodore Céran-Jerusalemy.
PAPEETE, le 22 septembre 2017 - Mis en cause cette semaine dans le cadre d'une polémique sur les violences faites aux femmes, Me Ceran-Jeruselamy s'explique.

"Les polynésiennes aiment être tapées." C'est par cette phrase qu'une vive polémique a pris corps cette semaine, mettant en cause l'avocat pénaliste, Théodore Céran-Jerusalemy. Selon le quotidien "la dépêche de Tahiti", alors qu'il plaidait pour défendre un homme accusé d'avoir battu sa femme à mort, l'avocat aurait affirmé que les violences conjugales étaient intrinsèques à la culture polynésienne et que les femmes appréciaient d'être frappées. Ces propos ont déclenché de très vives réactions des associations et du ministre des Solidarités. Comme nous l'a expliqué Me Céran-Jerusalemy, " Lorsque j'ai lu cet article, j'ai été très étonné. Mes propos ont été déformés autant par l'auteur de cet article que par le gouvernement. Je n'ai pas dit que les Polynésiennes aimaient se faire battre! J'ai dit que certaines d'entre elles acceptaient ce mode de fonctionnement. Je parlais d'une minorité. J'ai dit à l'avocat général que je constate que les faits ne changent pas. Lors de l'audience, lorsque l'on a demandé à la sœur adoptive de la victime si elle trouvait cela normal de se faire frapper par son mari, celle-ci a répondu: "un mari peut corriger sa femme". Dans la tête de cette femme de 65 ans, c'est comme cela que les choses se passent. Je tiens également à replacer ces propos dans le contexte de l'affaire d'assises dans laquelle je défendais l'accusé. Ce couple était habitué des violences conjugales réciproques."


"QUE FAIT LE PAYS?"

Le rapport de ces propos a donc généré une très vive polémique. C'est tout d'abord le parti Tapura Huiraatira qui a publié un communiqué le 21 septembre dans lequel il exprimait son indignation, " Il est inacceptable de défendre un comportement condamnable par lui-même en utilisant de tels arguments. Les femmes polynésiennes n’aiment pas être tapées, frapper n’est pas une preuve d’amour. C’est de la violence, jamais justifiable. Les hommes et les femmes sont égaux et aucun n’a le droit de frapper l’autre. Sans compter les effets désastreux sur les enfants." C'est ensuite Jacques Raynal, le ministre des Solidarités qui lui a emboité le pas en s'exprimant via un communiqué, " Honte à celui qui a fait de la violence un élément de défense, comme si l’effet de manche attendu pouvait passer inaperçu. L’origine de la violence n’est nullement génétique ou culturelle. Le « défenseur » en oublie le fait de société générateur : c'est-à-dire l’alcool ou plutôt le Komo, facilitateur du passage à l’acte."

L'avocat est à peine ébranlé par cette polémique, "cela met les points sur les I. Cela fait 20 ans que l'on parle des violences conjugales et ça fait 20 ans que l'on ne trouve pas de solution. J'estime que j'ai mis le doigt là où il fallait. Je pense qu'il y a des lois mais qu'elles ne sont pas entrées dans les mœurs. J'ai vu les réactions des gens sur internet, j'ai envie de leur dire de passer à l'action et de rejoindre des associations d'aide aux victimes de violences conjugales. Le tribunal a beau condamner, cela n'endigue pas le phénomène. Il y a des récidivistes et des multirécidivistes. Toute la polémique engendrée par cet article ne me touche pas, j'y suis habitué. De plus, lorsque j'ai prêté serment, j'ai juré d'exercer la défense et le conseil avec dignité, conscience, indépendance, humanité et loyauté. Donc, les groupes de pression, très peu pour moi ! Je ne tiens pas à répondre à la lettre ministérielle. Je souhaite juste que les politiques agissent. Ce n'est pas par des condamnations que l'on réglera ce problème, c'est par l'éducation. Et c'est le Pays qui est en charge de cela. Or, que fait le Pays ? Rien ! Dans le foyer de femmes battues de Pu o te hau, parfois, les victimes retournent auprès de leurs maris. Et là, que peut-on faire ? Il faudrait un suivi des affaires sociales. Le ministre des affaires sociales dit que n'avons pas de moyens. Comme pour le nombre de SDF qui a doublé en quelques années, on ne fait rien.

Rédigé par Garance Colbert le Vendredi 22 Septembre 2017 à 16:23 | Lu 9799 fois