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Ludivine Le Gall panse les maux des enfants malades


Ludivine Le Gall, kiné à la Frat;
Ludivine Le Gall, kiné à la Frat;
PAPEETE, le 1er décembre 2016 - Kinésithérapeute à l'association Fraternité Chrétienne des Handicapés (la Frat) depuis 2005, la professionnelle de santé travaille au quotidien avec des jeunes myopathes et atteints de maladie génétique. A l'occasion du Téléthon 2016, organisé ce week-end, rencontre avec cette femme de cœur qui exerce bien plus qu'un simple métier.

De ses doigts de fée, Ludivine Le Gall manipule et soulage les enfants handicapés moteurs. La première fois qu'elle a rencontré un enfant atteint de myopathie, la kinésithérapeute était stagiaire. Âgée d'une vingtaine d'années, la jeune femme apprenait son métier et découvrait une de ses facettes : le travail avec les enfants handicapés. Quelques années plus tard, la quadragénaire se souvient parfaitement de ses premières pensées face à la maladie. "Forcément, j'ai tout de suite pensé à son espérance de vie, plus courte que celle des autres patients que je soignais. J'étais triste et gênée de ma réaction, raconte-t-elle d'une voix timide. C'est là que je me suis demandée pourquoi on lui faisait des soins, quel était l'intérêt leur intérêt…"

Ludivine Le Gall, assise dans la salle de kinésithérapie de la Fraternité Chrétienne de Papeete, tortille ses doigts fins et cherche ses mots. Après une courte interruption, elle ajoute : "Avec le recul, j'ai pris conscience que c'était des enfants comme les autres et que donc, ils devaient mener une vie d'enfants comme les autres. Ils doivent aller à l'école, s'instruire, s'amuser, rigoler… Un jour, un jeune que je soignais m'a dit : "tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir…" C'est ça…" Ludivine Le Gall a retenu la leçon, elle en a fait son sacerdoce.

UNE MALADIE EN ÉVOLUTION

Cette première expérience a conduit Ludivine à faire le choix de sa vie professionnelle. Elle sera kinésithérapeute pour les enfants handicapés moteurs. Engagée à la Frat depuis 2005, avec une interruption de deux ans en métropole, cette professionnelle de la santé s'occupe des enfants atteints de myopathie et de maladies génétiques. "C'est un travail intéressant, il y a toujours des recherches à faire sur les maladies. Chaque jour, la recherche avance, de nouveaux traitements sont trouvés. De ce fait, nous devons nous adapter, c'est très enrichissant."

Les enfants suivis par Ludivine sont atteints de maladies qui dégénèrent au fil des années. L'évolution du mal implique chez l'enfant une perte de ses fonctions motrices, voire la mort. "Dans notre métier, on voit des enfants qui disparaissent. Cela fait mal, mais ce ne sont pas nos enfants. Bien évidemment, ce sont des enfants qui restent en mémoire. Ils ne s'en vont jamais vraiment pour nous, ils sont toujours ici. Les autres enfants en parlent aussi", témoigne cette blonde énergique avec le sourire.

Au quotidien, la mission de la kiné est d'apporter un maximum de confort et de soutien à ces petits malades. Le sourire est un de ses outils de travail favoris. Petit à petit, une réelle relation s'installe entre le soignant et le patient. "Nous passons entre une et deux heures par jour avec les enfants. Nous les voyons tous les jours. Nous les soignons, nous essayons de les soulager, de leur faire du bien, mais il arrive parfois où, pour le traitement, nous leur faisons aussi un peu de mal… Avec certains enfants, il y a des liens forts qui se créent et ce n'est pas toujours évident. Pour ma part, quand je vois que c'est trop lourd, je passe la main à un de mes collègues. Nous faisons des relais, c'est très important."

Il arrive aussi que ce soit les enfants qui ne veulent pas quitter leurs soignants. Attachés à cette personne qui les manipule, en totale confiance, les malades prennent les kinés pour leur ami, leur confident, cette personne à qui ils peuvent témoigner de leur quotidien et de leur peur sans tabou.

"NOUS ESSAYONS DE PORTER LES CHOSES LOURDES"

Ludivine, Thomas et Etienne, kiné remplaçant, sont les trois kinés de la Frat.
Ludivine, Thomas et Etienne, kiné remplaçant, sont les trois kinés de la Frat.
Maladie, traitements et rires d'enfants sont le quotidien de ces professionnels de santé au sein de la FRAT. Ils apaisent les douleurs du corps mais aussi de l'esprit. "Nous essayons de porter les choses les plus lourdes pour le enfants pour qu'ils ne perdent rien de leur insouciance. Nous aimons cette naïveté. Ils ne pensent pas à la mort, ni à la leur, ni à celle des autres, et c'est tant mieux", lâche Ludivine.

Cet accompagnement thérapeutique devient un peu plus difficile quand la maladie gagne du terrain. Les confidents deviennent des défouloirs pour certains enfants, frustrés d'avoir perdu certaines de leurs facultés. "Nous sommes là aussi pour les accompagner dans les moments difficiles, quand ils perdent la marche par exemple. Là, on sent chez eux beaucoup de frustration qu'ils ne savent pas trop comment exprimer. Ils déversent parfois leur colère sur nous, c'est normal."

Après des années au service des enfants, des périodes heureuses comme moins heureuses, Ludivine Le Gall a acquis une certaine sagesse pour faire face. Sa voix douce accompagne ses gestes réconfortants mais sûrs. Entre ses mains, les enfants retrouvent la souplesse et la douceur qu'ils ont perdues, en témoigne les sourires éclairants leurs visages.

La kiné sait aussi trouver les mots pour les familles de ces filles et garçons malades. Cette fois, avec plus de distance. Par principe mais aussi pour se protéger, la kiné met de la distance entre elle et les adultes. "Je pense que je suis un peu plus froide avec les parents, un peu plus distante. Quand nous avons quelque chose à leur dire, nous sommes francs et directs. C'est dur pour les familles car ils prennent peu à peu conscience de l'irréversibilité de la maladie. C'est un travail de longue haleine."

Sept enfants myopathes sont pris en charge au sein de la Frat à Papeete. Ludivine et ses deux autres collègues kinés les accueillent chaque jour pour des soins et des accompagnements. Ils soulagent et pansent les maux des enfants, comme ces derniers les aident à affronter la soudaine tristesse du quotidien, par leurs rires et leurs sourires.

Quelle qualité de prise en charge en Polynésie?

Avant de venir s'installer en Polynésie, Ludivine Le Gall a été étudiante puis libéral en métropole. Elle a donc eu pu comparer les deux territoires en matière de prise en charge des malades. "Je pense que la Polynésie française prend bien en charge les handicapés moteurs. En métropole, il n'y a pas tout le temps des centres adaptés à côté de la maison des malades, donc certains sont obligés de rester chez eux. En Polynésie, les enfants sont bien pris en charge. Dans un centre comme la Frat par exemple, il y a beaucoup de professionnels : des médecins, des infirmiers, des psychologues, des kinés. Bien sûr, tout est perfectible mais je trouve que dans l'ensemble ça va. Les soins et le matériel sont aussi bien pris en charge par la Caisse de prévoyance santé."

Rédigé par Amelie David le Jeudi 1 Décembre 2016 à 16:04 | Lu 2121 fois