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Les pesticides organochlorés n’ont pas encore quitté complètement la Polynésie


Crédit photo : mdrgf.org
Crédit photo : mdrgf.org
Le chlordécone a encore fait parler de lui. Les conséquences de l’utilisation de cet insecticide, très largement utilisé aux Antilles françaises jusqu’au milieu des années 1990, pour lutter contre le charançon du bananier fait froid dans le dos. D’autant que cet insecticide était encore très répandu en Martinique et en Guadeloupe alors même qu’il était déjà interdit d’utilisation en métropole. Le scandale du chlordécone a fini par éclater, en 2007 en raison notamment d’une étude, le rapport du cancérologue Dominique Belpomme, démontrant l’augmentation du risque de cancers lors d’une exposition prolongée à ce produit. Hier encore, une étude publiée par l’Inserm indique qu’une exposition prénatale au chlordécone semble avoir un impact négatif sur le développement des nourrissons.

En Polynésie française, pas de souci, du moins en apparence.
Depuis 1980, le territoire publie sa propre liste de substances actives autorisées, et le chlordécone n’en a jamais fait partie. Pourtant, des analyses effectuées en 2011, lors d’un programme de recherche universitaire conduit par le CRIOBE (Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement) basé à Moorea, ont montré une contamination des récifs coralliens, par des herbicides et par du chlordécone. Les concentrations constatées de cette pollution sont largement plus faibles, heureusement, que celles enregistrées aux Antilles. Mais la question troublante est celle-ci : comment peut-on retrouver des traces de chlordécone dans les récifs coralliens de Polynésie française, si ce produit n’a jamais été utilisé, ni autorisé à l’importation ?

Le chlordécone identifié en Polynésie pourrait avoir pour origine, d’autres pesticides organochlorés autorisés sur le territoire
, qui par dégradation se transforment en chlordécone. C’est ce que suggère l’étude publiée l’an dernier. Ces pesticides organochlorés ont été progressivement retirés de la liste des substances actives autorisées sur le territoire polynésien. Le dernier à y figurer encore, l’Endosulfan, a été retiré par arrêté, en Conseil des ministres, le 4 août 2011. Une démarche qui suivait la décision prise en mai 2011 par l’ONU, plaçant cet insecticide dans la liste des POP (polluants organiques persistants) l’interdisant au plan mondial ; pour être plus précis cet insecticide organochloré a été placé en Polynésie française sur l’annexe 6 , à savoir la liste des substances qui «demeurent autorisées à la commercialisation et à l'utilisation dans un délai respectivement de six et douze mois après publication du présent arrêté au Journal officiel de la Polynésie française». L’Endosulfan devrait donc être, à présent, un mauvais souvenir. A ceci près que les résidus de cet insecticide vont rester sur place, et surtout se répandre dans la mer, voie naturelle de déversement. En effet, les POP (polluants organiques persistants) sont des molécules qui résistent aux dégradations biologiques naturelles, qui s'accumulent dans les tissus vivants, se déplacent sur de très longues distances pour se déposer loin des lieux d'émission et présentent un ou plusieurs impacts nuisibles sur la santé humaine et l'environnement.




Une étude et après ?



L’étude menée en 2011 sur la recherche de polluants sur le récif corallien polynésien a été publiée dans la Revue d’Ecologie, Terre Vie N°66 (*). Selon l’Ifrecor (l'Initiative française pour les récifs coralliens) qui en était à l’origine, elle devrait se poursuivre et de manière plus étendue «l’étude des polluants sur les récifs coralliens est un projet d’intervention transversal et global» précise Tea Frogier, présidente du comité Ifrecor en Polynésie française. Il est prévu d’analyser les végétaux de l’herbier et une espèce de poisson herbivore du lagon pour en estimer le niveau de contamination. Les crédits pour cette étude ont été accordés, il reste juste à les mettre en œuvre en fonction des plannings des chercheurs concernés. Ce que confirment également les services de l’Etat. Cette étude sur les polluants des récifs coralliens a retenu l’attention, et la direction de la santé en Polynésie engagera aussi des analyses de contrôle sur les produits animaux marins destinés à la consommation.


(*) Roche, H., Salvat, B., Ramade, F., 2011.- Assessments of the pesticides pollution of coral reefs communities from French Polynesia. Revue d’Ecologie, Terre Vie, 66 : 3-10. I.F. 0.354.

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 17 Septembre 2012 à 15:16 | Lu 1434 fois