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Les papis emmurés : L'entrepreneur se défend


Christian Petit accepte de témoigner à visage découvert face à la polémique déclenchée par son mur.
Christian Petit accepte de témoigner à visage découvert face à la polémique déclenchée par son mur.
PAPEETE, le 5 juillet 2015 - Il y a un mois, l'affaire de papi et mamie Lee emmurés chez eux dans un quartier de la Mission avait défrayé la chronique. Celui qui avait fait construire le mur tant décrié est rentré à Tahiti la semaine dernière, et il tient aujourd'hui à donner sa propre version des faits.
Après plusieurs mois en Asie "en voyage d'affaires et pour des projets humanitaires que je suis depuis des années", Christian Petit est rentré au Fenua la semaine dernière… Pour être immédiatement interpellé et placé 24 heures en garde-à-vue. C'est que ce voyageur n'est nul autre que le fameux Christian P., dont la construction d'un mur de clôture sur son terrain avait conduit à enfermer deux personnes âgées dans leur propre maison à la Mission, une affaire dont nous avons largement parlé.

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Suite à cette couverture médiatique et à la vive réaction du grand public, la vie de M. Petit a pris un tournant très difficile : "aujourd'hui je suis dans une merde pas possible. J'ai reçu de nombreuses menaces, quand je suis rentré il y avait une brouette de parpaings devant chez moi. Je sors de garde-à-vue parce que le procureur m'accuse d'avoir fait un faux sur les plans d'architecte, mais si ils sont certes un peu confus, il n'y a pas d'impasse là il pense qu'il y en a une, il suffit de regarder les plans. Là je suis tout retourné, je n'ai pas dormi depuis deux jours."

Sa vie professionnelle est aussi affectée : "c'est petit Tahiti, mon entreprise de plomberie en prend un coup. Je pourrais être obligé de fermer… Et pour mon terrain, j'ai fait des millions de travaux et je pourrais ne même plus être propriétaire. Aujourd'hui, je ne demande qu'une chose c'est de partir du quartier. Si je trouve un acheteur je m'en vais tout de suite."

Quatre jugements gagnés

Christian Petit nous a donc reçus chez lui pour pouvoir s'expliquer auprès du public. D'emblée, nous comprenons qu'il nous manquait quelques détails, comme le fait que Christian Petit est en fait le voisin de la famille Lee, et que le terrain qu'il bâti est donc le prolongement de sa propre maison.

Surtout, il semble qu'il y ait une profonde inimitié entre les deux voisins. Christian Petit parle d'agressions, de menaces, qui remontent à plusieurs années… Des affaires classées sans-suite pour "torts partagés". Difficile de démêler les deux versions.

Christian Petit insiste surtout sur le fait qu'il a gagné les quatre procès qui l'ont opposé aux Lee et au Camica dans cette affaire de mur et de servitude, et assure ne pas comprendre l'acharnement dont il serait victime. Car si les Lee étaient effectivement emmurés, il est aussi vrai que le cadastre leur prévoit un accès par l'arrière, qui est toujours disponible à condition de faire tomber un autre mur que celui de Christian Petit.

Il avance surtout le même argument que les Lee : que l'accord qu'il avait avec le Camica depuis des années soit respecté.

La parole à Christian Petit

Vous assurez que les Lee se sont emmurés seuls. Quel est le raisonnement ?

Oui, parce qu'ils sont au courant depuis des mois, des mois, des mois, voire des années. Par des procédures qu'on a gagnées et regagnées au tribunal, par des injonctions qu'ils ont reçues de libérer le garage parce que j'allais construire le mur de clôture de mon terrain… Donc ils étaient au courant. Mais ils font de la résistance, tout simplement. Après, moi j'ai commencé à faire ce mur. Ils continuaient à passer par le côté, malgré les injonctions qu'ils ont reçues. Or, à cette époque-là, il aurait dû démonter son mur à l'arrière pour passer par là-bas.

Pourquoi avoir tant attendu avant d'ouvrir un trou dans le mur ?

Quand j'ai commencé ce mur il y avait encore un passage par le côté. Après je suis parti en Asie, je pensais que les Lee feraient ouvrir leur servitude à l'arrière comme le demande la justice, et les ouvriers ont terminé le mur. Je n'ai pas été au courant de toute l'affaire médiatique. Quand j'en ai eu vent, j'ai fait ouvrir le mur.

Mais il faut comprendre que Ki Sang Lee a continué à faire de la résistance, il a refusé de tomber son mur et il a pris le risque de passer par un escabeau pour rentrer dans ma propriété pour aller au magasin qui est en bas. Mais ça, c'est lui qui a pris ce risque.


Il assure avoir un arrangement avec le Camica...

Moi je ne sais pas, je suis arrivé, j'ai acheté un lot. Après le voisin est venu me voir et il m'a dit "le lot que tu as acheté, il est à moi". Il me l'a dit presque comme ça. Donc voilà…

Maintenant le Camica, malheuresement, je crois qu'ils ont commis pas mal d'erreurs, parce que des engagements ils en avaient avec moi. Monseigneur Michel Coppenrath m'a donné sa parole, comme Frère Claude Simon… Il y a une promesse de vente depuis 1985, le compromis de vente, il y a tout.

Quand j'ai dû me retourner contre le Camica, j'ai flippé. Parce que je rentrais en procès contre l'église, et je suis chrétien, catholique, et me sentais incapable de faire ça. Et puis par chance j'ai des hommes d'église qui m'ont soutenu et m'ont expliqué que l'Église, c'est l'Église, et le Camica c'est quelque chose de bien différent. Donc je me suis défendu, et j'ai gagné le procès.


L'économe de l'Évêché assure qu'il y a eu un changement de notaire au dernier moment qui a changé les conditions de la vente…

Alors ça n'a jamais été mentionné. Comme j'ai dit, Monseigneur Michel Coppenrath m'a laissé ce terrain en me disant que c'était trop dangereux pour une famille, qu'il y avait d'énormes frais. J'ai engendré des frais, pour 8 millions à cette époque-là. C'est là qu'on m'a signé un compromis de vente en me disant vas-y investis, de toute façon tu seras propriétaire. Après ça a trainé parce que soi-disant il n'y avait pas de cahier des charges… Et ça ne s'est jamais fait.

Mais il n'y a pas eu de changement de notaire et l'acte n'a pas été changé. Quand j'ai appris par hasard en 2009 que la loi avait changé et que la vente pouvait se faire, j'ai pris l'acte de vente, on m'a conseillé un notaire irréprochable, je suis allé le voir avec le dossier et la vente s'est faite en 15 jours.


Dans tous les accords avec le Camica, il n'a jamais été question d'une servitude sur votre terrain pour la famille Lee ?

Non, moi au départ, le premier rapport que j'ai eu avec Michel Coppenrath quand j'ai pris la location en 1985, avant d'investir de l'argent pour réparer le chemin, c'est que c'était un chemin privé. Lee est venu me voir, j'étais en train de couper les acacias et il pensait que j'allais faire ma maison là-bas. Il m'a dit "je vais m'en aller, je te laisse la place" – parce qu'il savait très bien que son accès était de l'autre côté – et moi je lui ai répondu, bêtement car je regrette aujourd'hui, "non non, continue de passer par là, ma maison je vais la faire sur le côté donc ça ne me dérange pas que tu passes."

Vous dites avoir eu beaucoup de problèmes avec votre voisin à l'époque. Aujourd'hui il est âgé, mais vous l'avez tout de même enfermé chez lui. C'est par vengeance ?

Non, pas du tout, absolument pas. C'est parce que je suis propriétaire, parce que tous les jugements ont été gagnés, et c'est à partir de là que j'ai commencé les travaux, et j'ai délimité ma propriété par une clôture avec ce fameux mur.

Et j'ai fait une porte, humainement elle a été faite. Mais il faut comprendre que son accès est de l'autre côté, et est beaucoup plus praticable que le mien. Par chez moi, une ambulance ne pourrait pas passer, le Camica l'a même fait fermer en 1998. C'est lui qui a fait un mur sur sa servitude, et il est certainement beaucoup plus facile à enlever que le mien.


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Dimanche 5 Juillet 2015 à 12:54 | Lu 7886 fois