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Les diagnostics de cancer en souffrance


"Le parcours du patient atteint d’un cancer n’est pas suffisamment coordonné (dépistage, diagnostic, annonce, suivi, traitement, post-cancer). Il est nécessaire de structurer une approche globale permettant de fluidifier le parcours du patient aux différentes étapes", met en avant le schéma d'organisation sanitaire qui doit être étudié prochainement à l'assemblée.
"Le parcours du patient atteint d’un cancer n’est pas suffisamment coordonné (dépistage, diagnostic, annonce, suivi, traitement, post-cancer). Il est nécessaire de structurer une approche globale permettant de fluidifier le parcours du patient aux différentes étapes", met en avant le schéma d'organisation sanitaire qui doit être étudié prochainement à l'assemblée.
PAPEETE, le 9 février 2016. Depuis le 18 décembre 2015, il n'y a plus que deux médecins spécialistes de l'analyse des tissus au fenua. Leur travail est pourtant indispensable lorsqu'il y a une suspicion du cancer. Le Comité local de la Ligue contre le cancer et le Syndicat des praticiens hospitaliers de Polynésie française tirent la sonnette d'alarme. Le conseil des ministres devrait annoncer ce mercredi le recrutement d'un de ces spécialistes.

"Il y a urgence", insiste Patricia Grand, présidente du Comité local de la Ligue contre le cancer. L'ancienne ministre est très inquiète par le manque de médecins anatomo-pathologistes. Jusqu'à fin 2015, quatre médecins anatomo-pathologistes exerçaient en Polynésie française. Deux travaillaient au cabinet privé d’anatomo-pathologie, un était à l'Institut Malardé et le dernier travaillait au Centre hospitalier de Taaone. Mais le 18 décembre, le cabinet privé a fermé réduisant ainsi de moitié le nombre de ces spécialistes au fenua. La fonction de ces médecins qui travaille en laboratoire est méconnue du grand public. Mais ils ont pourtant un rôle très important dans le diagnostic de nombreuses maladies.
L'anatomopathologiste est un médecin spécialisé dans l'analyse des tissus prélevés chez une personne.

PAS DE TRAITEMENT AVANT LES RÉSULTATS

L'analyse du médecin anatomo-pathologiste est très attendue notamment lorsqu'il y a une suspicion de cancer chez un patient. Après son travail d'analyse, ce médecin fait un compte-rendu qui est nécessaire et obligatoire pour commencer le traitement. Sans compte-rendu anatomopathologique de cancer, aucun chirurgien n’opérera, aucun oncologue ne commencera de chimiothérapie... "Le recrutement de ce deuxième médecin anatomo-pathologiste au CHPF est indispensable pour assurer la rapidité des diagnostics et le début des traitements", souligne Bertrand Billemont, oncologue, aux côtés de Marc Levy, président du Syndicat des praticiens hospitaliers de Polynésie française.

Le 15 janvier, Patricia Grand avait jeté une bouteille à la mer en adressant un courrier au président du Pays, aux ministres, aux représentants à l'assemblée, au président du CESC, au haut-commissaire… Mais aucune réponse ne lui a été adressée.
En attendant, les boîtes de prélèvement s'accumulent notamment au CHPF. "60 à 70 % des prélèvements étaient analysés par le laboratoire privé", met en avant Patricia Grand. Une partie des prélèvements peut être envoyée en métropole pour être analysés mais les "examens urgents, les pièces anatomiques de grosses tailles et les examens qui sont réalisés lors d'une opération chirurgicale", explique Marc Levy.
Une solution au problème pourrait pourtant être trouvée rapidement puisque l'un des médecins qui travaillait dans le laboratoire privé accepterait de travailler au CHPF. Mais jusqu'à ce mardi, son recrutement coinçait car il n'avait pas tous les documents prouvant son ancienneté et il ne pouvait donc, pour le, moment, pas lui être proposé un poste avec le salaire qui correspond à son ancienneté. Selon nos informations, une solution aurait été trouvée et devrait être annoncée ce mercredi en conseil des ministres.

LE DÉPISTAGE PRÉCOCE RESTE LA PREMIÈRE ARME ANTI-CANCER
Avoir un diagnostic rapide est important en matière de cancer. Les médecins rappellent que le dépistage précoce reste la première arme anti-cancer.
En Polynésie française, le cancer du sein est la première des causes de mortalité chez les femmes atteintes d’un cancer. En 2011, le nombre de femmes touchées par le cancer du sein était de 136 cas et a causé la mort de 24 personnes. "Cependant, détecté à un stade précoce, ce type de cancer peut être guéri dans plus de 90% des cas et être soigné par des traitements moins agressifs", notait la Direction de la santé lors d'une journée de sensibilisation. "Détecté à un stade précoce (tumeur de moins d'un centimètre, sans envahissement ganglionnaire), le cancer du sein affiche un taux de survie à 5 ans supérieur à 90 %".





Que vont devenir les archives du laboratoire privé ?

Dans son courrier adresse adressé mi-janvier aux autorités du Pays, Patricia Grand, s'inquiète du devenir des archives du laboratoire privé qui a fermé en décembre. En effet, pouvoir conserver ces tissus est très important notamment dans le cadre de la connaissance des impacts des essais nucléaires sur la population française. Bertrand Billemont, oncologue au CHPF, souligne que "pour qu'il n'y ait pas de pertes d'informations, le CHPF devrait récupérer ces archives". "Une tumorothèque permettrait de centraliser les prélèvements", ajoute-t-il. Enfin, on pourrait connaître avec précision les cancers qui touchent les Polynésiens et pouvoir comparer la prévalence du cancer en Polynésie et dans les autres pays du Pacifique.

Un seul médecin anatomo-pathologiste au Taaone depuis 2 ans

Le médecin anatomo-pathologiste du Taaone travaille seul. Le second poste n’est, en effet, plus pourvu depuis deux ans. Cela s'explique d'abord en partie par la pénurie en France de ces spécialistes mais aussi par "l’obsolescence du statut des praticiens de la Polynésie française par rapport au statut de métropole", souligne Marc Lévy, président du Syndicat des praticiens hospitaliers de Polynésie française (SPHF) . Ce problème montre pour ce représentant syndical une nouvelle fois la difficulté pour recruter des médecins hospitaliers. "Les quatre protocoles d’accord de 2009, 2010, 2011 et 2013 signés entre le gouvernement de la Polynésie française et le syndicat des praticiens hospitaliers n’ont toujours pas été appliqués", rappelle-t-il. Le SPHF demande ainsi à ce que soit pris en compte "l’expérience professionnelle" lors de leur recrutement.

Rédigé par Mélanie Thomas le Mardi 9 Février 2016 à 17:11 | Lu 1266 fois