Tahiti Infos

Les dessous de la "reconnaissance d’utilité publique" dans l'affaire des emplois cabinet


L'extinction de la procédure financière, dans l'affaire des emplois cabinets, permettrait aussi au Vieux Lion de libérer 240 millions Fcfp qui seraient actuellement encore sous le coup d'une saisie conservatoire. (Photo Tahiti-Pacifique : l'hôtel particulier du 90, rue Ranelagh dans le 16e arrondissement parisien)
L'extinction de la procédure financière, dans l'affaire des emplois cabinets, permettrait aussi au Vieux Lion de libérer 240 millions Fcfp qui seraient actuellement encore sous le coup d'une saisie conservatoire. (Photo Tahiti-Pacifique : l'hôtel particulier du 90, rue Ranelagh dans le 16e arrondissement parisien)
PAPEETE, 28 août 2015 - La reconnaissance par l’assemblée territoriale de l’utilité publique des dépenses visées par le volet financier de l’affaire des emplois cabinet de la présidence Flosse permettrait aussi au Vieux Lion de libérer le pactole saisi par le Trésor en 2010, après la vente du Ranelagh.

En éteignant la procédure financière actuellement en cours, la reconnaissance, par la représentation polynésienne, de l’utilité publique des dépenses de rémunération des contrats cabinet de la présidence Flosse (1996-2004), sera aussi à plus d'un titre d’une grande utilité pour le Vieux Lion. Une importante somme d’argent, le reliquat de la vente de l’hôtel particulier du 90, rue du Ranelagh, dans le 16e arrondissement parisien, serait toujours l’objet d’une saisie conservatoire pour garantir le paiement d'éventuels débets dans cette affaire. Ces 240 millions Fcfp pourraient être libérés, si les motifs de poursuite étaient annulés.

Acquis en 1994, l’hôtel particulier du Ranelagh était détenu par une société civile immobilière, la SCI Rikitea. La justice soupçonne toujours Gaston Flosse d’en avoir été l'associé majoritaire. Le bien immobilier avait été cédé pour 5,5 millions d’euros (650 millions Fcfp) en 2010. Une fois les dettes remboursées (Pacer Limited Trust Company et Banque de Tahiti), le reliquat de 240 millions Fcfp auraient dû être partagé entre tous les associés. Mais cette somme a aussitôt fait l’objet d’une saisie conservatoire ordonnée par le Trésor public, à la demande de l’agent judiciaire du Trésor national.

Le 8 décembre 2009, au terme d'une première phase de procédure dans l'affaire des emplois cabinet, la chambre territoriale des comptes venait de faire lecture publique de 14 jugements de débet (1,94 M€, soit 231 509 642 Fcfp au total), assortis de 19,2 millions Fcfp d’amendes. Gaston Flosse étant visé solidairement pour gestion de fait dans chacun de ces jugements de débet, la saisie conservatoire semblait justifiée aux yeux du Trésor et fût dès lors ordonnée sans autre forme de procès.

Ces 14 jugements seront relevés en appel jusqu'à Paris. En mars 2011, la Cour des comptes (CDC) en annule les peines, pour une question de forme, sans remettre en cause l'existence de la gestion de fait. La procédure est alors reprise depuis le début par la CDC. C'est cette seconde phase de l'action devant la juridiction financière qui est sur le point d'aboutir aujourd'hui.

En attendant l'issue de celle-ci, les 240 millions Fcfp de la saisie conservatoire demeurent bloqués depuis cinq ans chez un notaire à Poitiers.

> Lire aussi : Le "volet financier" des emplois cabinet, qu’est-ce que c’est ?

Aujourd'hui, si la justice financière devait confirmer les peines en dernier recours, Gaston Flosse serait contraint de voir ce petit pactole utilisé en totalité pour rembourser les caisses du Pays et acquitter les sanctions pécuniaires. En effet, la nature solidaire de ces éventuelles condamnations laisse la possibilité au Trésor public de puiser les sommes dues sur toute personne condamnée, si elle est solvable. Charge à elle de se retourner contre ses complices pour obtenir le remboursement de leurs côte-parts des débets. En cas de condamnation définitive, la manière la plus simple pour le Trésor d'obtenir paiement des débets sera donc de se servir dans les sommes saisies après la vente du Ranelagh.

Plus de procédure si l'utilité publique est votée

Une multitude de recours ont été engagés en justice par Gaston Flosse, depuis 2010 sans succès, pour obtenir l'annulation de la saisie conservatoire et libérer ce magot. Le dernier en date, audiencé en début d’année 2015 devant le tribunal de grande instance de Paris, serait actuellement encore en attente de jugement. "Ces sommes ont été consignées, mais ce n’est pas de l’argent qui devait revenir à Gaston Flosse. (Il) n’était que titulaire de l’usufruit (de la propriété du Ranelagh)", défend maître François Quinquis, le fidèle avocat du Vieux Lion, évoquant le dernier moyen mis en œuvre pour obtenir libération de ces fonds : la structure comptable de la SCI Rikitea. Gaston Flosse y serait archi-minoritaire, l’essentiel des parts étant selon la défense détenues par des tiers, dont essentiellement Réginald, son fils. Des tiers qui se trouveraient ainsi lésés par une saisie conservatoire ordonnée dans une affaire qui ne les concerne pas, selon l'avocat.

Alors que cette procédure civile est encore en instance de jugement, la CDC devrait prononcer très prochainement des arrêts définitifs, dans le volet financier de l’affaire des emplois cabinet. Ceux-ci seront toujours susceptibles de pourvois en cassation devant le conseil d’Etat. Mais, aussi longtemps qu'ils sont sous la main du Trésor, les deniers saisis sont en situation de haut risque. Le temps ne joue pas en faveur de Gaston Flosse.

Dans ce contexte, la reconnaissance par la collectivité de l’utilité publique de ces dépenses, comme le propose Marcel Tuihani, pourrait mettre rapidement un terme définitif à toute l’affaire, en régularisant a posteriori les opérations comptables jugées irrégulières par la justice financière.

Marcel Tuihani a déposé mardi 25 août une proposition de délibération posant la question de cette "utilité publique" à la représentation polynésienne. L'exposé des motifs en développe les effets sans détour : "la reconnaissance de l’utilité publique des dépenses par l’autorité compétente (en l’espèce l’assemblée de la Polynésie française, compétente pour voter le budget), permet au juge des comptes d’allouer les dépenses". Et de conclure : "Il s’agit en réalité d’une formalité permettant l’ouverture à titre rétroactif de crédits, permettant ainsi l’allocation des dépenses si celles-ci sont correctement justifiées".

En clair, l'adoption à Tarahoi d'une telle délibération permettrait aussi, avec l'annulation de toute l'affaire sur ses fondements, la levée de la saisie conservatoire de 240 millions Fcfp ordonnée en garantie du paiement des débets. Au passage, cela arrangerait sans doute beaucoup les affaires du Vieux Lion.


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Dimanche 30 Août 2015 à 13:13 | Lu 4757 fois