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Le projet aquacole de Hao aurait-il du plomb dans l'aile ?


Les investisseurs chinois de Tian Rui International Investment, dont le P-dg Chen Wang au centre, à Hao le 21 septembre dernier.
Les investisseurs chinois de Tian Rui International Investment, dont le P-dg Chen Wang au centre, à Hao le 21 septembre dernier.
HAO, le 23 mars 2015. Une dépollution militaire qui ne respecterait pas toutes les formalités administratives, un permis de construire qui prend du retard et quelques rumeurs de déplacement du projet de ferme aquacole ont suffi à alimenter le doute. Mais le tavana de Hao croit toujours à l'implantation des investisseurs chinois sur son atoll.
Des rumeurs d'un déplacement du projet d'aquaculture de Tahiti Nui Ocean Foods ailleurs que sur l'atoll de Hao ont commencé à circuler il y a quelques mois. Forcément, le tavana de Hao Théodore Tuahine les a entendues aussi, mais refuse pour l'instant de se laisser inquiéter par ces sirènes de mauvais augure. Mi février, la société locale mandatée par les investisseurs chinois pour monter le dossier technique et administratif de demande du permis de construire était sur Hao et tenait une réunion publique avec les habitants. "La population a pu poser des questions, demander où on en est. Il y a un peu de retard sur la délivrance du permis de construire car il manquait encore des pièces, mais pour moi le projet est toujours d'actualité. Il est très attendu car 90% des gens souhaitent pouvoir y travailler" répète Théodore Tuahine.

En septembre dernier néanmoins, le tavana qui tient absolument à la réalisation de ce vaste projet d'aquaculture sur sa commune, fortement attendu par la population selon lui, avait ressenti l'agacement du grand patron de Tian Rui Investment, Cheng Wang, le P-dg. Depuis 2012, cette société chinoise et ses 150 milliards de Fcfp d'investissements sont un peu ballotés sur leur destination finale : Hao puis Makemo, puis de nouveau Hao "et même Apataki un moment" précise le maire de Hao. "Il avait besoin d'être fixé sinon il allait voir ailleurs". Depuis Cheng Wang a dû être rassuré. Quelques semaines, à peine, après sa dernière visite en Polynésie française, la société de droit polynésien Tahiti Nui Ocean Foods, alimentée par des capitaux chinois était officiellement créée en octobre 2014 et dotée de près de 500 millions de Fcfp pour les études préliminaires et les premiers travaux. Depuis cette date le groupe chinois Tian Rui International Investment a confié à une société locale Coco Group Engineering, la mission de travailler à l'étude de faisabilité et au dépôt du permis de construire. Ce qui devrait être finalisé dans le courant du mois d'avril.

Une dépollution nécessaire

Tout semblait donc rouler sans souci depuis octobre dernier pour la ferme aquacole jusqu'à ce qu'un nouveau caillou dans la chaussure ne fasse monter des sueurs froides au tavana et à certains habitants de l'île. On le sait, les bâtiments et autres hangars de Tahiti Nui Ocean Foods s'installeront sur une trentaine d'hectares de l'atoll. Ces parcelles étaient autrefois occupées par les militaires comme base arrière des installations du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP). A la fin des essais nucléaires en 1996, l'armée s'est peu à peu désengagée de Hao mais avait laissé en l'état des bâtiments, des hangars et du matériel. Au total une pollution industrielle était restée sur l'atoll, évaluée à plus de 150 000 tonnes de terres souillées par des métaux lourds, des hydrocarbures, pyralène.

Depuis 2009, l'armée et l'Etat se sont engagés dans un chantier de dépollution, mais le projet de ferme aquacole est venu accélérer le besoin de faire place nette notamment sur des parcelles qui font partie intégrante du futur domaine d'exploitation de Tahiti Nui Ocean Foods. Dans l'urgence et pour dégager ces parcelles, l'armée a pris la décision de déplacer 21 000 tonnes de ces terres souillées pour les regrouper, provisoirement, dans un centre de stockage établi sur des parcelles louées à des particuliers.

Suspension des travaux du centre de stockage

Mais sitôt les travaux de terrassement démarrés pour installer ce centre de stockage de déchets industriels, la colère a grondé chez certains habitants. L'armée qui a voulu faire vite a négligé la communication réclamée par la mairie vers la population pour bien faire comprendre ce processus de vases communicants et de stockage provisoire. Au passage, l'armée en charge de ces opérations de dépollution, aurait également omis de remplir une demande d'autorisation de terrassement à la commune !

C'est désormais chose faite explique le tavana qui a émis un avis favorable à ces travaux mais avec des réserves. Théodore Tuahine, comme d'autres habitants aimerait être certain du caractère provisoire de ce stockage de terres polluées sur l'atoll. "On ne veut pas que cela soit définitif et je veux être clair à ce sujet avec l'armée. Et puis il faut que les travaux soient faits dans les règles" poursuit le maire. Mais le mal étant fait et le doute s'immisçant une fois de plus, les travaux de ce centre de stockage ont été suspendus le temps qu'une phase de communication soit lancée. Ce sera chose faite dès la semaine prochaine : réunion avec les élus communaux, avec les associations de défense de l'environnement et même réunion publique avec la population.

Ce rétropédalage de communication sera certainement moins efficace que s'il avait été fait en amont, mais il permettra peut-être de répondre à certaines interrogations les plus pressantes. Sur la nature des déchets stockés (des pollutions industrielles et non pas radio-actives), sur les solutions à moyen et long terme de traitement de ces déchets. Théodore Tuahine ainsi que de nombreux habitants de Hao préfèreraient leur évacuation complète de l'atoll. Toutefois s'ils devaient être traités définitivement sur place que cela soit fait de manière exemplaire. L'Etat attend le résultat d'une expertise externe d'ici la fin de l'année pour savoir si le traitement biomécanique de ces terres polluées est efficace ou pas en milieu lagonaire et corallien.


Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 23 Mars 2015 à 17:43 | Lu 2890 fois