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Le NETmundial à l'ouvrage pour un internet émancipé du joug américain


SAO PAULO, 24 avril 2014 (AFP) - Réuni à l'initiative de la présidente brésilienne Dilma Rousseff après l'affaire Snowden, le sommet international NETmundial de Sao Paulo a posé les jalons d'une gouvernance mondiale d'internet affranchie de l'hégémonie exercée de facto par les Etats-Unis.

Dans un projet de résolution qui ne devrait pas subir de modifications cruciales, les participants du NETmundial s'accordent sur des principes de gouvernance et une feuille de route définissant des objectifs pour le futur d'un réseau auquel est connecté un tiers de la population mondiale.

La gestion multilatérale s'impose comme principal pivot du consensus entre les acteurs du web, à l'heure où la domination des États-Unis sur les infrastructures du net est pointée du doigt.

Pour des raisons principalement historiques, liées notamment à une construction du réseau au gré des besoins du moment, les États-Unis contrôlent ou hébergent les principaux organismes administrant les adresses, noms de domaines, normes et protocoles du web, ce qui provoque depuis plusieurs années les réserves des acteurs du net et de certains gouvernements.

Toutefois, plusieurs experts ont tenu à clarifier qu'internet n'est pas contrôlable en soi par un Etat.

"Si vous regardez bien, les Etats-Unis ne contrôlent pas internet, c'est un mythe". Auparavant, "peut-être, mais plus maintenant", a notamment déclaré à l'AFP Vint Cerf, vice-président de Google et un des pères fondateurs du réseau créé il y a 25 ans.

"Internet est un animal très singulier par son caractère transnational. Vous ne pouvez pas tracer une ligne et dire : cela est pour ce pays et cela pour l'autre", a-t-il insisté, tout en reconnaissant que "les Etats-Unis jouent un rôle unique au niveau du système de noms de domaine".

Beaux joueurs, les États-Unis ont concédé le mois dernier une révision du statut de l'Icann ("Internet Corporation for Assigned Names and Numbers"), l'organisme qui délivre adresses IP et noms de domaine sur internet, comme .com ou .gov, et dont le siège se trouve en Californie. Un geste symbolique important salué par Dilma Rousseff.

Tous les intervenants du sommet, acteurs privés, représentants de la société civile, des instituts techniques et même des gouvernements, insistent sur l'importance d'une gouvernance "multi-acteurs" du web pour que celle-ci puisse gagner à la fois en efficacité et en légitimité.

La gouvernance d'internet doit tendre vers "un réseau unique, interopérable, flexible, stable, décentralisé, sûr, interconnecté et accessible à tous", affirment les participants du NETmundial dans leur projet de résolution tendant à rompre avec la tutelle américaine.

- Front commun sur la sécurité des données -

L'autre point essentiel évoqué par les participants est la sécurité et la protection des données personnelles contre l'espionnage et la cybercriminalité.

Encore une fois, ce sont les Etats-Unis qui ont été pointés du doigt à la suite du scandale des écoutes de l'agence de sécurité américaine NSA sur les communications de Dilma Rousseff, mais aussi de la chancelière allemande Angela Merkel et du président mexicain Enrique Peña Nieto.

Les révélations de l'ex-consultant américain Edward Snowden à l'été 2013 avaient conduit Mme Rousseff à émettre devant les Nations unies l'idée d'un contrôle multilatéral de l'utilisation d'internet, puis à convoquer ce sommet fondateur pour tenter de mettre un peu d'ordre dans la maison internet.

Jeudi, le NETmundial devrait sauf surprise déclarer unanimement que "les droits des personnes hors ligne doivent aussi être protégés en ligne, en accord avec les conventions internationales sur les droits de l'homme".

Dans la même veine, il devrait mettre en avant "le droit à la protection de la loi contre toute forme de collecte illégale ou arbitraire de données" dans une référence directe au scandale des écoutes américaines.

Enfin, le sommet doit évoquer l'importance de s'attaquer à la "fracture numérique" entre les populations bénéficiant d'un accès à internet et celles qui en sont privées (plus des deux tiers de la population mondiale), car sans accès global, l'idée d'un internet démocratique ne peut évidemment être mise en pratique. Selon Mme Rousseff, "l'accès universel à internet est absolument déterminant pour que le web puisse servir d'outil au développement humain et social".

Pour les organisateurs et plusieurs des participants issus de plus de 80 pays, ce sommet a été un succès au-delà du "consensus brut" non contraignant qui sera publié jeudi soir. Car pour la première fois, le Brésil est parvenu à réunir pendant deux jours gouvernements, universitaires, instituts techniques, acteurs privés et ONG pour dessiner les contours d'une gouvernance du web.

"Ce sommet, qui a reçu de nombreuses adhésions et de participants, est déjà en soi un véritable succès. Le temps de préparation était très court et le document final est très bon, beaucoup l'ont souligné", a commenté à l'AFP Markus Kummer, de l'ONG internationale Internet Society, une des principales autorités techniques et morales du web.

Rédigé par () le Jeudi 24 Avril 2014 à 10:59 | Lu 152 fois