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Le Haut-conseil devrait être supprimé en août prochain


Le conseil supérieur de la fonction publique est saisi cette semaine d'une demande d'avis relatif à la suppression du Haut-conseil de la Polynésie française.
Le conseil supérieur de la fonction publique est saisi cette semaine d'une demande d'avis relatif à la suppression du Haut-conseil de la Polynésie française.
PAPEETE, 6 juillet 2015 - Le sort du Haut-conseil de la Polynésie française devrait se jouer courant août prochain, avec l'examen d'une proposition d'abrogation par l'Assemblée de la délibération relative à sa création.

Le conseil supérieur de la fonction publique est saisi cette semaine, par le gouvernement, d'une demande d'avis relatif à la suppression du Haut-conseil de la Polynésie française. Cette procédure consultative devrait être assez rapidement suivie par l'évocation de ce projet en Conseil des ministres avant qu'une proposition d'abrogation de la délibération de mars 2014 ne soit soumise à l'examen de l'Assemblée, probablement lors d'une session extraordinaire courant août prochain.

Par cette délibération, le 14 mars 2014, l'Assemblée avait entériné la création du Haut-conseil de la Polynésie française alors que la loi du Pays l'instituant venait juste d'être retoquée par le Conseil d'Etat. Son abrogation sonnera le glas de cet organe d'expertise juridique pour le fonctionnement duquel le Pays a prévu de dépenser 106 millions Fcfp en 2015.

Si le vote favorable du bloc ATP-Tapura ne fait pas de doute, dans l'entourage d'Oscar Temaru, à l'UPLD, on confirme que si ce projet d'abrogation de la délibération instituant le Haut-conseil devait être soumis à l'avis des représentants de l'Assemblée, le groupe souverainiste "voterait certainement en faveur", forçant la majorité. Mais "après avoir rappelé à quel point tout le monde en avait vanté les mérites, en mars 2014". Edouard Fritch, alors président de l'Assemblée, Nuihau Laurey, vice président du gouvernement Flosse, Jean-Christophe Bouissou, aujourd'hui président du conseil supérieur de la fonction publique… On ne tarissait pas d'arguments, à l'époque, pour défendre le rôle capital que devait jouer le Haut-conseil dans la boucle législative polynésienne.

Ces avis ont changé avec la Présidence du Pays. Et le sort du Haut-conseil se trouve aujourd'hui précarisé depuis une décision rendue le 26 mars dernier par le tribunal administratif et l'annulation du recours obligatoire à l’instance consultative. Au plan politique son avenir est largement compromis depuis l'accession d'Edouard Fritch à la présidence du Pays. Car, en marge du bras de fer qui oppose depuis octobre dernier Gaston Flosse et celui qui fût son "fils spirituel", s'organise aussi un grand ménage aux postes clés de l'administration, pour évincer tous ceux qui auraient pu rester fidèles au Vieux Lion. Ménage que l'on n'hésite pas à qualifier de "procès en sorcellerie" du côté du Haut-conseil et d'"acharnement de trois personnes pas trop mal placées dans l'entourage du Président".

"Ce n'est pas de l'acharnement : il travaille pour Flosse", rétorque-t-on sans détour dans l'entourage du Président. "Il a une obligation de réserve. Il doit réserver ses avis au Président du Pays. C'est dans les statuts du Haut-conseil. C'est vrai qu'il le nie ; mais on a la certitude que la proposition de résolution pour la modification du statut d'autonomie (enregistrée en janvier à l'Assemblée par Marcel Tuihani, bdlr) a été rédigée sous l'autorité de Stéphane Diémert". Stéphane Diémert, un proche de Brigitte Girardin, haut magistrat de l'ordre administratif en service détaché, reconduit à sa tête le 4 avril 2014 pour 6 ans.

L'expertise juridique confiée à des consultants extérieurs

Souhaité et institué par Gaston Flosse, dès juillet 2013, pour affermir la sécurité juridique des projets de lois du Pays, de délibérations à caractère réglementaire, de conventions conclues dans le champ des compétences de la Polynésie française, d’arrêtés en Conseil des ministres ou de décisions du Président à portée réglementaire, l'existence du Haut-conseil avait été défendue coûte que coûte en mars 2014.

Le point de vue est radicalement différent aujourd'hui : cette mission d'expertise juridique peut très bien être assurée par le secrétariat général du gouvernement, ou les services juridiques du Pays, défend-t-on au gouvernement. "Vue de métropole", assure pourtant un membre du Haut-conseil, "les expertises juridiques du Pays laissent sérieusement à désirer. En Nouvelle-Calédonie on peut recourir à des avis du Conseil d'Etat, ce qui n'est pas le cas en Polynésie. Pourquoi ici le droit serait-il le seul champ où l'on n'a pas besoin d'experts ?" questionne-t-il aussi.

Et de s'indigner : "Il n'y a pas de développement harmonieux sans environnement juridique stable. La fonction de sécurité juridique, si elle n'est pas réalisée par nous, devra l'être par des consultants extérieurs. Et au passage, je vous invite à vous poser la question de l'indépendance de ces cabinets".

Une autre question se pose pourtant concernant le Haut-conseil : comment une cellule d'expertise du droit administratif et constitutionnel peut-elle n'avoir pas été en mesure de se garantir une assise légale à elle-même ?

Un avis rendu le 11 mars dernier par le Conseil d’Etat a déclaré que "l’étendue du champ d’intervention obligatoire" attribué au Haut-conseil de la Polynésie française par l’arrêté 560 CM du 3 avril 2014 portant modification de l'arrêté n° 1398 CM du 17 octobre 2013 "doit être regardé comme affectant l’équilibre des institutions de la Polynésie française" et avait déclaré "entaché d’incompétence" l'arrêté visé.

A la lueur de cet avis, le tribunal administratif de Polynésie française rendait fin mars une décision privant le Haut-conseil de sa fonction consultative collégiale obligatoire, et sortait l'autorité de la boucle institutionnelle et la privant de son dernier rempart.

Quelques chiffres concernant le Haut-conseil

Le Haut-conseil est composé d'un président, de trois conseillers dont un conseiller associé et de quatre auditeurs, nommés pour une durée de 6 ans pour le président et de 4 pour les conseillers (1 an renouvelable pour le conseiller associé), les auditeurs étant de jeunes doctorants polynésiens ou juristes de l'administration locale.

Le Pays a engagé un total de 108,3 millions Fcfp de dépenses en 2014 et prévu 106 millions Fcfp au budget primitif 2015.

Le service administratif du Haut-conseil compte un secrétaire général, fonctionnaire de catégorie A et deux secrétaires administratifs.
Les avis du Haut-conseil sont notifiés au Président de la Polynésie française et protégés par le secret professionnel. Seul le gouvernement peut décider de les rendre publics.

Le rapport d'activité 2014 du Haut-conseil fait état, du 5 septembre 2013 au 21 novembre 2014, de 150 saisines et de la tenue de 75 séances. A l'issue de celles-ci, l'organisme a formulé 145 avis dont 67 sur des projets de loi du Pays, 36 sur des projets de délibération, 24 sur des projets d'arrêté CM et 18 sur des questions de droit. Il a en outre, formulé 56 recommandations et 19 avis sur des questions juridiques le concernant directement.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 6 Juillet 2015 à 12:57 | Lu 959 fois