Tahiti Infos

La vérité sur la convention collective de la CPS


PAPEETE, le 26 mars 2015 - La grève à la CPS tourne en grande partie autour de la convention collective de la Caisse. Le public, du coup, est très hostile aux grévistes, les traitant de nantis privilégiés qui refusent de renoncer à leurs –supposés – nombreux privilèges. Pour en avoir le cœur net, nous nous sommes procuré cette convention collective et la grille salariale de la CPS.

Le premier préavis de grève à la CPS coïncidait avec la visite de la ministre des Outre-mer. Il n'a été levé que lorsque le gouvernement a accepté de retirer la renégociation de la convention collective de la CPS de l'accord sur le retour de l'État au financement du régime de solidarité.

De même, les syndicats ont commencé à demander la tête de Régis Chang, directeur de la Caisse, lorsqu'il a été révélé qu'il avait bénéficié d'une augmentation de salaire au moment où il négociait une révision de la convention collective avec les syndicats… Il est clair que le cœur de la grève qui a débuté mardi et s'est prolongée toute la semaine est ce document.

Et dans les commentaires des lecteurs de Tahiti Infos, il apparait clairement que l'opinion publique n'a aucune sympathie pour les 477 salariés de la Caisse, qualifiés de "nantis" et de "privilégiés", avec leurs 14ème et 15ème mois, leurs 66 jours de congés par an, le fait qu'ils ne cotisent pas mais sont intégralement remboursés… Sauf que tout cela est faux.

Nous nous sommes procuré – auprès de la direction de la Caisse – cette fameuse convention collective, ainsi que la grille salariale qui s'applique à tous les employés de la CPS. En voici les principaux enseignements :

Les primes
Pas de 14ème mois pour les salariés de la Caisse. Mais ils ont effectivement droit à une prime d'assiduité en fin d'année qui correspond à un mois de salaire entier, s'ils n'ont pas dépassé les 3 jours d'arrêt maladie (sauf en cas d'hospitalisation ou d'accident du travail). En cas d'absences, elle peut être revue à la baisse "par le directeur, après avis de la Commission mixte paritaire".


Les cotisations et remboursements
Les salariés de la CPS paient les mêmes cotisations sociales que les autres salariés du privé. Ils paient également des charges sur tous leurs avantages en nature, en particulier la prime d'assiduité, les voyages administratifs et les avantages offerts par le comité d'entreprise.

Par contre, le régime des remboursements est plus intéressant, puisque la moitié des frais non-remboursables sont pris en charge par la caisse, pour la famille entière. Et pour les membres du conseil d'administration du RGS (mais pas du RNS ou du RSPF), c'est 100% des frais qui sont remboursés, un accord qui sert à compenser l'absence de jetons de présence. À noter que les administrateurs de A Ti'a I Mua ont renoncé à cet avantage depuis plusieurs années.


Les voyages administratifs
Chaque salarié de la CPS a droit à un billet aller-retour en classe économique vers un pays au choix, pour sa famille, à certains moments de sa carrière : au bout de 5 ans d'ancienneté, puis au bout de 10 ans, puis 14 et 18 ans, et à partir de 22 ans d'ancienneté, tous les trois ans.

Si le voyage n'est pas utilisé au bout d'un an, il est perdu. Le prix maximum ne peut dépasser le billet vers Paris. Et vu le coût du voyage et les cotisations à payer dessus, beaucoup de salariés y renoncent.

Selon la direction, ce sont entre 70 et 80 millions Fcfp qui sont budgétés chaque année pour cet avantage, pour finalement la moitié qui est utilisée. Cet avantage est l'un de ceux que le gouvernement, l'État et la direction veulent éliminer. Lors des dernières négociations interrompues en décembre, Daniel Pallacz offrait d'augmenter la prime de départ à la retraite, qui est de 5 mois actuellement (4 dans le privé) pour la porter à 12 mois.


Les congés payés
Contrairement aux idées reçues, les agents de la CPS n'ont pas droit à 66 jours de vacances. Cette idée qui a circulé cette semaine est issue d'un courrier interne récupéré par une radio locale, où les syndicats assuraient que les négociations portaient sur "la réduction des congés de 66 à 45 jours". Mais il s'agit en fait du maximum de congés cumulables.

En réalité, la convention collective prévoit 25 jours de congés payés, et 30 jours pour les cadres (avec un jour de plus par tranche de 5 ans d'ancienneté). Cette disposition pour les cadres date de l'époque où ils étaient principalement médecins, avec une obligation de formation continue sur leur temps personnel. Les négociations avec la direction portent aussi sur ce point.


Les salaires à la CPS
Aucune femme de ménage n'est payée 300 000 Fcfp à la CPS, sauf les chefs d'équipe. La grille salariale prévoit en effet que pour les "chargés d’entretien, femmes de ménage et manœuvres" (catégorie 10), le salaire brut commence au SMIG et se termine à 216 068 Fcfp après 30 ans d'ancienneté (au 12ème échelon).

Mais dans les autres catégories, les revenus sont effectivement très élevés. Un secrétaire dactylo qui a le Bac commencera ainsi à 214 341 Fcfp, pour terminer sa carrière à 341 830 Fcfp. Si ce secrétaire a un BTS, il passe en catégorie 5 et sera payée autant qu'un infirmier, un chef d'antenne, ou un programmeur confirmé : de 276 677 Fcfp à 551 369 Fcfp en fin de carrière.

Du côté des plus hauts salaires, les 4 premières catégories, un chef de service commencera à 369 871 Fcfp bruts par mois, alors que les médecins et chefs de département termineront leur carrière à 923 773 Fcfp.

Le directeur a aussi son salaire calé dans la grille : de 684 869Fcfp à 1 207 815 Fcfp. Dans le cas de Régis Chang, il a obtenu une indemnité supplémentaire de 250 000 Fcfp par mois en décembre dernier (appliquée rétroactivement depuis janvier), après avoir pris la gestion des SCI de la CPS début 2014. Dans ses revenus, il obtient aussi une "prime de responsabilité" selon les syndicats.


Karl Helme, délégué syndical et représentant du personnel à la CPS
Karl Helme, délégué syndical et représentant du personnel à la CPS
Les grévistes s'expliquent

Karl Helme, délégué syndical et représentant du personnel à la CPS, avec d'autres salariés rencontrés au piquet de grève devant Mamao, défendent leur convention :

"La CPS est un organisme privé qui rend un service public. Maintenant nous, nous avons une convention d'entreprise comme toutes les grosses entreprises de la place. Il y a 15 conventions en tout, chez les banques, EDT, l'OPT… Maintenant, dans notre convention on a laissé croire aux gens qu'il y avait des choses qui ne sont pas vraies, tel que le 13ème, 14ème et même 15ème mois ! Ce n'est pas vrai, on a une prime d'assiduité, mais la différence c'est que si on est malade, elle diminue. Après on se bat avec la direction pour savoir pourquoi on laisse les gens croire des choses ? Sur les cotisations, on paye la même chose que tout le monde, et on cotise sur tous nos avantages. Contrairement à ce que les gens croient, on est loin d'être l'entreprise la mieux lotie.

Sur les salaires, il faut aussi se dire que la moitié des salariés de la CPS ont plus de 50 ans, ils sont presque tous en fin de carrière, et dans toutes les entreprises c'est en fin de carrière qu'il y a les salaires les plus conséquents.

Maintenant on se pose la question : pourquoi l'État vient s'immiscer dans la convention d'une entreprise privée ? Comment notre convention collective peut atterrir dans un partenariat État-Pays ? On essaye de nous vendre à la France.

Pourquoi l'État ne vient pas s'immiscer dans la convention collective de l'EDT ? C'est une entreprise privée qui rend un service public. Leur convention est beaucoup plus généreuse que la nôtre. Air Tahiti Nui, pareil. Nous on est d'accord pour faire un effort s'il est collectif : si toutes les grosses entreprises du Territoire font un effort."



Un référé ce matin pour lever le barrage
Ce matin à 9h, trois délégués syndicaux de la Caisse ont été convoqués devant le tribunal pour une procédure en référé de la direction, qui veut faire lever le piquet de grève devant le siège de la CPS à Mamao.


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Jeudi 26 Mars 2015 à 17:17 | Lu 11918 fois