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La rameuse de Rapa Nui qui a inspiré toute une génération


Noelia en compagnie de l'équipe féminine de Rapa Nui, dont elle est le vétéran (photo : Canal Mata o te Rapa Nui)
Noelia en compagnie de l'équipe féminine de Rapa Nui, dont elle est le vétéran (photo : Canal Mata o te Rapa Nui)
PAPEETE, le 7 juillet 2017 - Quand elle a commencé la pirogue en 1999 avec ses frères, Noelia était une des seules femmes à pratiquer ce sport et elle ne pensait pas qu'il deviendrait une passion brûlante. Mais à force de pratiquer et de participer à des courses internationales, elle a entraîné toute une nouvelle génération de rameuses derrière elle.

Lors des Championnats du monde de va'a marathon, nous avons rencontré Elena Noelia Durán-Veri Veri, ou Noelia Durán en forme courte, la capitaine de l'équipe V6 féminine de l'Île de Pâques. À 43 ans, elle est le vétéran de son équipage, et pour cause : elle a été une des toutes premières rameuses de l'île. Elle a contribué à inspirer toute une nouvelle génération de femmes à participer à ce sport jusqu'ici masculin.

La petite île a d'ailleurs surpris tout le monde lors des championnats en s'emparant de trois médailles dans les courses masculines, dont deux médailles d'argent. Chez les femmes, ça a été plus compliqué. En V6 Open, l'équipe dirigée par Noelia s'est classée 9ème et en V1 Master, Noelia prend la 7ème place. Au Te Aito, elle est arrivée 20ème.

ELLE S'ENTRAINE AVEC SES DEUX FRÈRES

Mais c'est déjà plus qu'honorable pour une île de 5000 habitants qui, il y a une génération encore, ne comptait aucune rameuse. C'était un sport d'homme, mais Noelia Durán, n'en avait cure. Toujours très sportive, elle pratique la nage, la course, le surf et participe aux sports traditionnels de l'île depuis sa tendre enfance. Elle a aussi deux frères qui pratiquent le va'a au niveau international et qui l'ont entrainée dans leur sillage. Il s'agit d'Omar Durán-Veri Veri, médaille d'argent en V1 Master, qui a aussi remporté une médaille d'argent en Master V6 en compagnie de son frère Miguel Durán-Veri Veri-Veri.

La passion de Noelia pour ce sport n'a fait que grandir depuis son premier coup de rame en 1999. Entre ses trois enfants et son travail de couturière/créatrice de mode, elle trouve toujours au moins deux heures par jour pour s'entrainer le long de la côte pascuane. Elle participe aussi aux compétitions internationales, avant tout pour s'entrainer et se frotter aux meilleures.

Pour son premier voyage à Tahiti, le cœur du va'a moderne, elle est très heureuse de pouvoir "voir tous ces rameurs, apprendre des techniques, rencontrer des gens et nous entrainer ! Surtout qu'ici il y a un lagon alors que chez nous c'est l'océan directement, donc si la mer est mauvaise on ne peut pas pratiquer. Ici les gens peuvent s'entrainer six heures par jour, alors que nous, en sortant du travail on peut ramer pendant deux heures avant la nuit…"

Aujourd'hui elle est une figure tutélaire du "canotaje polinésico", ou "hoe vaa" en Rapa Nui. Sa passion brûlante a fait exploser un verrou et toute une nouvelle génération de rameuses a émergé sur l'île. Et la vague n'est pas prête de refluer !


Noelia Durán-Veri Veri

Noelia Durán-Veri Veri à l'arrivée de sa course de 18 kilomètres lors des championnats du monde de va'a marathon
Noelia Durán-Veri Veri à l'arrivée de sa course de 18 kilomètres lors des championnats du monde de va'a marathon
"Dans ma famille, nos grands-parents étaient très sportifs, donc il doit y avoir quelque chose de génétique qui nous pousse tous à faire du sport"

Tu es la première femme de Rapa Nui à participer à des compétitions internationales de pirogue ?
Oui, et c'est la première fois que je viens participer au Te Aito et à des championnats du monde de pirogue marathon. Mais nous avons participé à des courses plus courtes en Amérique du Sud et à des championnats du monde de vitesse. J'espère pouvoir participer aux championnats du monde de vitesse à Tahiti l'année prochaine !

Tu es satisfaite de tes résultats à cette première participation ?
Oui, pour une première fois je suis très heureuse d'arriver 7ème, et j'espère pouvoir progresser au classement dans les années qui viennent.

Tu es la première pascuane à participer à des compétitions internationales, comment les habitants de Rapa Nui le prennent-ils ?
Il me semble que les gens de l'île sont très heureux qu'il y ait quelqu'un qui nous représente. Nous sommes très peu nombreux sur notre île, et en plus c'est compliqué de participer à des courses à l'extérieur parce qu'il nous faut autofinancer notre voyage, organiser tout un tas d'activités avec le club pour trouver de l'argent pour venir. Nous sommes aussi très heureux d'avoir pu venir à trois, avec mes deux frères Omar et Miguel.

Comment se fait-il que vous soyez trois frères et sœurs à pratiquer le va'a à un si haut niveau ?
Ce qu'il s'est passé c'est que dans ma famille, nos grands-parents étaient très sportifs, donc il doit y avoir quelque chose de génétique qui nous pousse tous à faire du sport, tous les petits-enfants sont sportifs. Nous participons tous aux fêtes du Tapati Rapa Nui, qui est comme le Heiva ici, où il y a beaucoup de sports traditionnels. La vérité c'est que ce sont des sports très divers qui demandent du temps pour s'entrainer, et c'est peut-être pour ça que nous pouvons pratiquer tous les autres sports. J'aime aussi nager, courir, et tous les sports nautiques, je suis toujours dans l'eau depuis que je suis petite. Je pense que ce qui me plait dans la pirogue c'est qu'il y a l'aspect physique, l'aspect psychologique, et aussi la technique qui compte beaucoup. Il faut avoir le cœur et la volonté de gagner !

Ton exemple a-t-il poussé d'autres femmes à pratiquer ce sport ?
Oui, je pense. Quand j'ai commencé en 1999, j'étais une des premières femmes sur les pirogues, avec quelques autres. Mais avec les années qui sont passées, de plus en plus de femme nous ont rejointes. Aujourd'hui, elles sont de plus en plus nombreuses à venir ! De voir des femmes participer à des courses, elles se sont motivées pour nous rejoindre.
Mais pour arriver à ce niveau aujourd'hui, ça a été beaucoup de sacrifices, la famille, les enfants… Et beaucoup de travail. Je rame tous les jours, mais pour moi c'est une passion ! C'est un de ces sports où on peut vraiment oublier son stress, on ne pense qu'à ramer et rien d'autre.

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Vendredi 7 Juillet 2017 à 16:12 | Lu 2888 fois