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La profession de généalogiste fait débat sur la langue


Dans les affaires foncières, l'importance d'une généalogie complète, vérifiée et bien renseignée est l'une des étapes cruciales pour les ayants-droits. Encore faut-il trouver un professionnel qui est à la hauteur de la tâche.
Dans les affaires foncières, l'importance d'une généalogie complète, vérifiée et bien renseignée est l'une des étapes cruciales pour les ayants-droits. Encore faut-il trouver un professionnel qui est à la hauteur de la tâche.
PAPEETE, 29 novembre 2015 - Les représentants de l'assemblée de Polynésie ont débattu, dans le détail jeudi dernier, de la professionnalisation de l'activité de généalogiste sur le territoire. Un amendement de l'UPLD exigeant la "maitrise parfaite d'une des langues polynésiennes" a cependant introduit un fort risque d'illégalité dans cette loi du Pays.

Il y a d'abord l'intention, visiblement partagée par l'ensemble des groupes de l'assemblée polynésienne, de réglementer l'activité de généalogiste et de la professionnaliser pour éviter les abus. "Il y a eu de nombreuses dérives dans la pratique de cette activité avec des tarifs exorbitants et des personnes qui ont délivré des généalogies erronées ou partielles" mentionne Teura Iriti pour le Tahoera'a. Il faut assainir cette "assainir cette profession, on voit de tout : des gens en association qui demandent des millions, il y a des charlatans, des escrocs" poursuit un peu plus tard sa collègue Sandra Lévy-Agami.

Bref, le texte défendu par le ministre des affaires foncière Tearii Alpha pour organiser, enfin, l'activité de généalogiste en Polynésie semblait parti pour faire l'unanimité sur les bancs de Tarahoi. Mais pas moins de huit amendements, déposés par l'UPLD, sont venus enrayer cette belle mécanique et poser de nouveaux obstacles sur une matière qui n'avait pas besoin de complication supplémentaire.

L'un des amendements défendu par le président du groupe UPLD, -adopté par 29 voix pour (28 contre)-mentionne que pour être reconnu comme généalogiste professionnel en Polynésie française il faut, en plus d'un niveau minimum requis en droit, avoir la maîtrise parfaite d'une des langues polynésiennes. Lors du débat, c'est Sandra Lévy-Agami du groupe Tahoera'a qui soulève le risque d'annulation de la loi du Pays. "Tous les tomite sont rédigés en tahitien. Je ne vois pas l'intérêt de rajouter ça, d'autant que ce qui m'inquiète personnellement, je ne parle pas là au nom du groupe, c'est la sécurité juridique du texte (…) Vous savez que ce type de disposition a déjà posé problème. Je ne voudrais pas qu'une telle insertion mette le texte en difficulté et qu'il soit cassé en raison d'un recours du Haut-commissariat là-dessus".

Chiche, répond Antony Geros du tac au tac, sur le sujet sensible de la reconnaissance officielle des langues polynésiennes ce sera ainsi le moyen de "crever l'abcès". Et il précise : "Le risque juridique il existe, mais jusqu'à quand on va l'accepter ? Ce texte est l'occasion de rappeler qu'en Polynésie française on parle les langues polynésiennes (…) Il faut provoquer le débat. Oui, le Haut-commissariat va déférer ce texte mais nous allons nous défendre, essayer d'expliquer cette disposition et quand on sera débouté, le comité des 24 sera informé que ce Pays qui est inscrit sur la liste des pays à décoloniser est en pleine recolonisation".

AMENDÉ MAIS ADOPTE

L'amendement sur l'exigence de la "maîtrise parfaite d'une des langues polynésiennes" sans qu'il soit précisé comment et par quelle instance cette perfection sera appréciée, est finalement adopté avec une seule voix d'avance. 29 pour (Tahoera'a et UPLD) et 28 contre, avec les groupes Tapura et A T'ia Porinetia renforcés, exceptionnellement d'une voix dissidente du parti orange, celle d'Isabelle Sachet.

D'autres amendements de l'UPLD sont approuvés également dont l'un sur la spécialisation des diplômes pré requis parait un obstacle à l'intégration rapide de jeunes juristes polynésiens formés au fenua d'intégrer cette nouvelle profession encadrée. Sur ce sujet c'est Michel Buillard qui s'est interrogé publiquement: "en suivant à la lettre ce qui est proposé on va restreindre l'accès à cette profession de nos étudiants locaux. Le ministre l'a précisé, il suffit de disposer d'une formation initiale : quand on possède une maîtrise en droit, on a forcément étudié le droit civil ! Pour le reste, il suffit d'un peu de pratique, ce n'est pas si sorcier que ça. Il ne faut pas fermer cette voie à nos étudiants" a précisé le représentant Tapura indiquant que le groupe n'acceptait pas cet amendement.

Au final, la Loi du Pays dans son ensemble, considérablement amendée a pourtant été adoptée à l'unanimité par les 57 voix des représentants de l'assemblée. Tant pis donc si ce n'est plus le texte rédigé par le gouvernement mais une version modifiée, complexifiée et avec un risque très fort d'être retoqué pour non-conformité avec la constitution en vigueur. "C'est l'alliance de l'idéologie de l'UPLD et de l'opportunisme du Tahoera'a pour pointer l'absence de majorité de l'assemblée" commente Armelle Merceron du groupe A Ti'a Porinetia.

Rédigé par Mireille Loubet le Dimanche 29 Novembre 2015 à 12:20 | Lu 1583 fois