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La loi pour lutter contre la fraude au RST devant le Conseil d'Etat


ARUE, le 1er octobre 2014. Quatre maires ont déposé le 8 septembre dernier un recours devant le Conseil d'Etat pour suspendre la loi de Pays qui fixe les nouvelles conditions d'admissions au régime territorial de solidarité (RST). Les tavana estiment que cette loi leur porte préjudice. Elle nécessite des vérifications sur les personnes, souhaitant bénéficier du RST, qui vont bien au-delà des pouvoirs et compétences des mairies. Les quatre maires (Arue, Bora Bora, Punaauia et Taiarapu Est) qui se sont engagés dans ce recours devant le Conseil d'Etat depuis le 8 septembre dernier ont attendu l'issue des élections sénatoriales, dimanche dernier, pour médiatiser leur action. La loi de Pays attaquée a été votée fin juillet (publiée au Journal officiel le 8 août dernier). Elle fixe les nouvelles conditions d'admission au Régime territorial de solidarité (RST). La volonté du gouvernement de l'époque, défendue par la ministre de la solidarité Manolita Ly était de lutter contre la fraude à ce système de solidarité. Une fraude évaluée à environ 8% des bénéficiaires, soit près de 6400 personnes sur les 80 000 Polynésiens inscrits à ce régime. A l'heure où les comptes du RST s'enfoncent chaque jour un peu plus dans le rouge, faire des économies semblait une bonne idée.

Mais la méthode mise en œuvre est parfois gênante et incongrue. Le problème soulevé néanmoins par quelques rares maires en séance à l'assemblée de Polynésie à la fin du mois de juillet dernier tient à la responsabilité qui pèse sur les tavana dans ce dispositif de contrôle. En effet, la loi stipule dans son article 4 : " Si la demande d'admission est déposée en mairie, l'autorité municipale s'assure et atteste, dans les conditions fixées par voie réglementaire, de l a véracité des renseignements fournis par les postulants au regard des éléments d'information qu'elle détient par ailleurs". Autre mention contestée par les maires, dans le chapitre réservé aux sanctions, l'article 17 prévoit que des sanctions pénales peuvent être appliquées en cas de manquement aux dispositions de la loi y compris : "aux professionnels et aux établissements de santé ou à toute autre personne physique ou morale à l'origine du non-respect des règles relatives à l'accomplissement des formalités d'affiliation au RST". En clair, les mairies qui auraient permis l'affiliation indue de personnes au régime de solidarité pourraient être poursuivies.

Philip Schyle, le maire de la commune de Arue explique : "on exige des maires énormément de tâches nouvelles. Il faut mener une enquête détaillée sur chaque demandeur jusque dans le moindre détail" avec parfois des précisions hallucinantes. "Par exemple si le demandeur tire des revenus d'une activité illicite, le maire doit le mentionner. Là c'est vraiment du grand n'importe quoi ! Signer un tel document reviendrait à dire que je cautionnerai l'existence d'un trafic de paka par exemple". Le tavana insiste par ailleurs sur le fait que les maires "en matière d'enquête n'ont pas d'autorité". Ils n'ont pas les moyens ni humains ni financiers d'ailleurs de pousser ces enquêtes sociales au-delà de la simple déclaration des postulants.

Faute de n'avoir pas été entendus par le gouvernement, ni par les représentants de l'assemblée, ces maires ont ainsi demandé au Conseil d'Etat de vérifier la légalité de cette loi qui transfère d'évidentes compétences sociales du Pays aux communes sans apporter les ressources pour mener ce travail, mais en les menaçants de sanctions si la mission est mal accomplie. En attendant, ce texte de loi est donc suspendu. Mais pas en revanche le fait que les nouvelles demandes d'inscription au RST se font effectivement auprès des mairies.




Le régime de solidarité est-il trop généreux ?

C'est une question qui revient régulièrement dans le débat lorsqu'on évoque ce régime territorial de solidarité. En l'absence d'assurance chômage, inexistante sur le territoire, le régime de solidarité territorial est souvent présenté comme le "véritable amortisseur social pour les Polynésiens les plus démunis" selon l'expression de la députée Maina Sage le 9 juillet à l'Assemblée nationale. De fait pour plusieurs dizaines de milliers de Polynésiens qui ont perdu leur emploi au cours des cinq dernières années, puisque le chômage a doublé, ce RST est l'unique entrée d'argent dans certaines familles.

Mais les aides proposées via ce RST peuvent paraître profondément injustes : ainsi, les allocations familiales sont de 7 000 Fcfp pour un salarié qui verse chaque mois des cotisations alors qu'elles atteignent 10 000 Fcfp pour un ressortissant du RSPF. Le minimum vieillesse, accordé aux bénéficiaires du RST, est passé à 80 000 Fcfp en juin 2013 (c'est l'une des premières mesures du président Flosse) alors que certains retraités touchent une pension de 50 000 Fcfp à peine, après avoir cotisé durant de nombreuses années.

Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 1 Octobre 2014 à 11:02 | Lu 1550 fois