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La légalité de la grève du Méridien devant la justice


L'entrée de l'hôtel Méridien de Tahiti, à Punaauia (PK 15) entravée par des pneus sur l'une des deux voies.
L'entrée de l'hôtel Méridien de Tahiti, à Punaauia (PK 15) entravée par des pneus sur l'une des deux voies.
PAPEETE, le 23 avril 2014. Après dix jours de grève effective à l’hôtel Le Méridien Tahiti, le conflit social a fait l’objet, ce mercredi en fin de matinée d’une audience de la chambre des référés. La direction de l’hôtel estime que la grève, illicite, doit être suspendue. La décision sera rendue ce jeudi à 14 heures.

Le juge des référés a entendu toutes les parties lors d’une audience d’une heure au tribunal de Papeete. Il doit, au regard des pièces qui lui ont été fournies, rendre une décision ce jeudi à 14 heures qui suspendra la grève entamée ou la laissera suivre son cours. Après tout, Le Méridien Tahiti a déjà connu une grève longue de trois semaines il y a plusieurs années, le record pour l’instant est loin d’être atteint. Or, dans ce jeu de dupes entre syndicats et direction sur fond de conflit social qui s’enlise, mauvaise foi et faux semblants sont partagés.

Ainsi, la direction qui a porté la grève devant le juge des référés soutient que la grève est illégale pour deux motifs. L’avocat du Méridien avance tout d’abord que la grève à Tahiti a démarré en réponse à celle du Méridien de Bora Bora, où un délégué syndical est engagé dans une procédure de licenciement disciplinaire suite à des accusations de détournement. La grève à Punaauia ne serait qu’un conflit de solidarité, en représailles envers la direction.

Il soutient enfin que la grève doit être suspendue parce que les syndicats n’ont pas respecté l’obligation qui leur est faite dans le droit du travail de négocier durant la période du préavis (entre le 8 et le 14 avril) et, d’autre part, en raison «des événements du week-end pascal et les restrictions d’accès» imposées par les grévistes aux clients et salariés. Dans son exposé, l’avocat du Méridien rappelle qu’un premier rendez-vous de négociation préalable, fixé par la direction pour le samedi 12 avril en soirée, avait été délibérément ignoré par les grévistes.

Il omet seulement de dire que la convocation a été adressée, au siège du syndicat O Oe Te Rima à Papeete, un vendredi après-midi, alors que tout le monde était déjà parti et que des représentants du syndicat étaient plus facilement joignables directement à l’hôtel. Quant aux deux autres syndicats signataires du préavis de grève, ils n’ont pas été informés de ce rendez-vous de négociation, au motif -selon la direction- que leurs coordonnées n’apparaissent pas sur le préavis. Pourtant, quelques jours plus tard, alors que la grève a démarré et que deux réunions de négociation sans succès se sont déroulées, la direction a bel et bien adressé des télécopies aux représentants d’Otahi et de la CSIP. «On connaît donc parfaitement, ces adresses. Il y a une mauvaise foi de l’employeur, on essaie de jouer la division syndicale, mais ça ne prend pas» tance Me Ceran-Jerusalemy pour le syndicat Otahi. Il poursuit son argumentaire en passant à l’attaque : «On veut cacher des choses aux syndicats. L’employeur est tenu une fois par an, via le comité d’établissement de présenter les chiffres, les résultats pour que les employés sachent si l’entreprise a perdu ou pas de l’argent. Un employeur doit appliquer la loi et produire les chiffres».

L’urgence de cette action en référé échappe aussi à la compréhension de l’avocat du syndicat O Oe Te Rima, Me Jannot. 15 jours après le dépôt du préavis de grève, «le trouble manifestement illicite est mal démontré». Pour lui, la direction de l’hôtel a «fait tout son possible pour différer la négociation».
Quant à l’entrave à la libre circulation, avec la mise en place d’un barrage filtrant à la veille du week-end pascal, elle est difficile à établir, «un seul côté est bloqué, il n’y a pas d’impossibilité de rentrer et de sortir. Il y a seulement un filtre installé pour vérifier les allées et venues des personnes qui entrent car l’hôtel a eu recours à des contrats extérieurs, notamment une entreprise de nettoyage, pour briser la grève», des pratiques qui auraient été constatées par le rapport d’huissier dépêché par la direction pour observer les entraves à la circulation.
Or, «les grévistes sont fondés à filtrer ces entrées et sorties pour vérifier ce recours à des prestataires extérieurs, des procédés illicites selon le Code du travail». Simple filtrage pour les syndicats, les accès au Méridien ressemblent à l’avancée risquée dans les tranchées de Verdun à écouter la défense de la direction. Au cours du week-end de Pâques, «aucun accès en voiture ou en bus n’a été possible», sur place les grévistes ont manifesté «une agressivité permanente».

Dans l'agitation ambiante de ce week-end pascal perturbé, «une touriste américaine est tombée» en rejoignant le bus venu chercher les clients, à l’extérieur de l’établissement. «Les conséquences économiques sont désastreuses. S’il n’y avait pas eu ces restrictions à l’entrée, la juridiction n’aurait pas été saisie» affirme encore l’avocat de la direction de l’hôtel. Entre ces deux versions, sensiblement différentes d’une même situation, la justice va tenter de se frayer un chemin vers la vérité. La décision sera rendue en début d’après-midi, ce jeudi.


Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 23 Avril 2014 à 17:13 | Lu 1356 fois