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La Polynésie écrite par Kersauson


Olivier de Kersauson, lors de son arrivée, le 8 août 2005; dans le port de Papeete, au terme d'une course contre la montre de 3.310 nautiques (6.100 km), baptisée Tahiti Nui Challenge, depuis le port de Sydney en Australie à bord de Géronimo, son trimaran géant.
Olivier de Kersauson, lors de son arrivée, le 8 août 2005; dans le port de Papeete, au terme d'une course contre la montre de 3.310 nautiques (6.100 km), baptisée Tahiti Nui Challenge, depuis le port de Sydney en Australie à bord de Géronimo, son trimaran géant.
PAPEETE, le 28 décembre 2016. Le navigateur Olivier de Kersauson s'est posé au fenua depuis une quinzaine d'années. Il vient de publier "Promenades en bord de mer et étonnements heureux" (Editions Cherche Midi), un livre dans lequel il raconte ses expériences en Polynésie française.

"J'ai quand même passé ma vie sur la mer, pendant quarante ans au moins huit mois par an", rappelle Olivier de Kersauson. Dans son dernier livre "Promenades en bord de mer et étonnements heureux", il rend hommage à Florence Arthaud, morte en mars 2015 dans un accident d'hélicoptère, et Eric Tabarly. "Mes morts me manquent, j’y pense souvent, jamais je n’en parle. Florence et Éric, ce sont des pans entiers de ma vie, des moments de connaissances et de rires", raconte le navigateur. Pas de nostalgie pour le vainqueur à deux reprises du trophée Jules-Verne. "Aujourd’hui que je suis un homme vieillissant, je ne veux pas gâcher mon quotidien avec des choses malheureuses qui viendraient le contrarier", confie-t-il.

Dans ce dernier livre, Olivier de Kersauson, qui s'est posé au fenua depuis une quinzaine d'années, parle de la Polynésie et de la Bretagne, région où il a grandi. "La Bretagne et la Polynésie sont liées. Quand Gauguin passe de Pont-Aven aux Marquises, ce n’est pas un hasard", met-il en avant. "En Bretagne et en Polynésie, j’ai l’impression que les émotions arrivent par des canaux similaires : de temps en temps, à Brest, j’ai des sensations de Polynésie, et à Tahiti, à cause de la mer, de la couleur, des nuages, j’ai des sensations de Bretagne."
"L'Amiral" parle longuement de ses excursions, de ses expériences et de sens sensations au fenua. Aux lecteurs métropolitains, il explique le "aita pe'a pe'a" – "C’est le Carpe diem du Pacifique Sud" et le "fiu" – "une façon de déclarer ne plus avoir envie de quelque chose, en ne culpabilisant absolument pas".

Olivier de Kersauson revient aussi sur une de ses parties de pêche aux Marquises avec "un capitaine de 18 ans". "Au bout de quatre heures de pêche, nous devions avoir deux cent cinquante kilos de poisson. On aurait pu pêcher plus mais le capitaine de 18 ans, marrant comme tout et formidable, a dit : 'On en a assez dans le garde-manger, on rentre à la maison'", se souvient-il. "Cette décision réfléchie, qui consistait à ménager la ressource, à ne pas trop en prendre, le tout dans ce décor de rêve des Marquises, a fait de cette journée un vrai moment de lumière."

Le recordman du tour du monde en solitaire en 1989 revient aussi sur l'histoire de Tavae, le pêcheur de Faa'a qui avait dérivé en mer à bord de son poti marara pendant 118 jours sans vivres ni eau en 2002. "Cela relève de l’exploit et du miracle", insiste-t-il. "Tavae résiste parce qu’il est polynésien, il est presque biologiquement de cette espèce d’homme qui est élevée sur l’eau et sur la mer, et qui, lorsqu’il est en difficulté sur la mer, a les moyens, la force de caractère de chercher en lui des réserves qu’on penserait ne pas exister."

Olivier de Kersauson, qui montre à travers ce livre qu'il peut être aussi poète et pas seulement le personnsage bougon qu'il aimait montrer sur les plateaux de télévision, parle aussi de la Hawaiki Nui va'a, des Tuamotu, du marae de Taputapuatea. Au cours de ces 216 pages, Olivier de Kersauson parle donc de sa Polynésie où "nous sommes à mille lieues du bruit – ou plutôt du faux bruit médiatique –, à mille lieues des buzz qui peuvent parfois nous occuper en métropole."



Morceaux choisis
"A mille lieues des buzz"
"En Polynésie, nous sommes à mille lieues du bruit – ou plutôt du faux bruit médiatique –, à mille lieues des buzz qui peuvent parfois nous occuper en métropole. Et puis soyons clairs : c’est une vraie politesse, c’est un vrai savoir-vivre que cet Aita pe’a pe’a. Une véritable élégance. Alors, me direz-vous, pourquoi une politesse ? Il faut rendre à la vie ce qu’elle vous donne, et j’aime bien cette espèce de dignité polynésienne qui refuse de s’embarquer dans des choses futiles et inintéressantes parce qu’elles risqueraient de polluer le délice du quotidien. Aita pe’a pe’a ne renvoie pas à une forme de fatalité, non. Dans le fatalisme, il y a du désespoir. Dans le fatalisme, il y a un côté Inch Allah !: on ne contrôle pas, on verra bien... En Polynésie, c’est différent. Ce n’est pas la fatalité : on verra, ce n’est pas très important, mais de toute façon il faut veiller à ce que tout se passe bien. Ce qui compte, c’est le présent. Le présent est la partie dominante de ce savoir-vivre : profiter du jour, profiter de l’instant. C’est aujourd’hui, ce n’est pas hier, ce n’est pas demain. Les plaisirs d’aujourd’hui, les joies d’aujourd’hui... Je m’applique cette « philosophie »..."

A l'aéroport
"Lorsque l’on atterrit à Faa'a, l’aéroport de Tahiti, l’odeur sur le tarmac, c’est le lagon et la fleur de tiare, son parfum. Lorsque l’on atterrit à Brest, c’est l’odeur de la mer et du vent du large, ça ne sent pas l’aéroport ni le dioxyde de carbone. Ce sont les deux seuls aéroports que je connaisse où, à la descente de l’avion, on est olfactivement en contact avec le pays. La Bretagne et la Polynésie sont liées. Quand Gauguin passe de Pont-Aven aux Marquises, ce n’est pas un hasard. En Bretagne et en Polynésie, j’ai l’impression que les émotions arrivent par des canaux similaires : de temps en temps, à Brest, j’ai des sensations de Polynésie, et à Tahiti, à cause de la mer, de la couleur, des nuages, j’ai des sensations de Bretagne. C’est très étonnant. Il y a des lumières tendres de Bretagne qui ressemblent à ce coin de Pacifique qui s’appelle la Polynésie. Oui, je trouve que Brest et la Polynésie se ressemblent. On a effectivement une saison des pluies qui a parfois une certaine durée. C’est de la pluie qui, comme dans les pays tropicaux, ne gêne pas vraiment. Ailleurs, c’est de la pluie hostile, acide. Ici, c’est de la pluie d’Atlantique : c’est de l’eau, pas des larmes !"



Rédigé par Mélanie Thomas le Mercredi 28 Décembre 2016 à 09:09 | Lu 17497 fois