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L'inceste reste un "fléau de l'ombre", faute de prévention suffisante


Paris, France | AFP | jeudi 20/11/2014 - "Fléau de l'ombre", l'inceste est beaucoup plus répandu que ce que l'on croit et la prévention reste défaillante: c'est le constat des professionnels de la santé et de la justice, 25 ans après l'adoption de la Convention internationale des droits de l'enfant.

En raison des défaillances du repérage, l'inceste serait "10 fois plus fréquent que ce que l'on sait" car entouré d'un tabou très fort, a estimé mercredi lors d'un colloque à Paris Cédric Grouchka, membre du Collège de la Haute autorité de santé. Selon lui, il s'agit d'un "fléau de santé publique de l'ombre".

Selon un sondage pour l'Association internationale des victimes de l'inceste (AIVI) qui date de 2009, il y aurait en France près de deux millions de personnes touchées par ce type de violence sexuelle.

Pour Isabelle Aubry, présidente de l'association, ce chiffre "est sûrement sous-estimé". 90% des agresseurs incestueux sont des hommes, et plus de 70% sont les grands-pères, pères ou frères des victimes.

Autre difficulté, l'inceste n'étant pas spécifiquement nommé dans le Code pénal, on ne possède pas de données exactes sur le nombre de condamnations prononcées chaque année.

En moyenne, a expliqué Isabelle Aubry, une victime d'inceste, lorsqu'elle confie les violences subies, ne le fait que 16 ans plus tard.

Face à ces données alarmantes, les professionnels déplorent une forte culture de la "suspicion". Selon l'AIVI, seulement 30% des proches qui recevraient les aveux d'une victime préviendraient les autorités. Les autres préfèreraient garder le secret (6%) ou "attendre des preuves" (60%).


- Les parents souvent 'dans le déni' -



Les dispositifs sociaux et médicaux ne prennent pas assez en compte la parole de l'enfant abusé et il existe encore de nombreux freins juridiques lorsqu'une victime se décide à parler. Selon les experts, plus de 90% des cas d'inceste ne sont pas protégés par le système actuel.

"Pour un survivant à l'inceste qui décide de parler, a affirmé Eugénie Izard, pédopsychiatre et présidente du Réseau de professionnels pour la protection de l'enfance et de l'adolescence (REPPEA), c'est un véritable parcours du combattant qui s'engage, encore plus traumatique que l'agression subie", a-t-elle alerté.

Une méfiance renforcée par l'affaire des abus sexuels sur des enfants à Outreau, qui avait suscité une forte émotion et révélé des dysfonctionnements de la justice. Selon elle, les procès très médiatisés et l'acquittement de plusieurs accusés ont eu "pour conséquence un recul important de la prise en considération de la parole de l'enfant".

Pourtant, selon l'AIVI, les fausses allégations ne représentent qu'un cas sur mille. "Il est donc plus efficace d'être à l'écoute qu'à la recherche de la vérité", a synthétisé la présidente de cette association.

Face à une situation d'inceste, près de 70% des parents vont avoir une attitude de déni, selon l'AIVI. Dès lors, tout l'enjeu pour les professionnels, et ceux de la santé particulièrement, est de "repérer les dysfonctionnements familiaux" et de prévenir les comportements incestueux tout en favorisant le "parent protecteur" d'une famille touchée.

"Les violences conjugales sont fréquemment liées à des cas d'inceste", a relevé de son côté le juge pour enfants Edouard Durand. Les abus subis dans l'enfance sont également un facteur de risque, puisque près de 45% des agresseurs auraient subi eux-mêmes des violences.

mm/db/fm

Rédigé par () le Jeudi 20 Novembre 2014 à 05:39 | Lu 860 fois