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L’Indonésie « membre associé » au Groupe Mélanésien Fer de Lance : réactions diverses


HONIARA, dimanche 28 juin 2015 (Flash d’Océanie) – Les réactions se sont multipliées depuis l’annonce, en fin de semaine dernière, de l’octroi d’un statut de membre « associé » à l’Indonésie, en tant que puissance souveraine de sa province de Papouasie occidentale (Irian Jaya), au sein du Groupe Mélanésien Fer de Lance (GMFL) qui tenait son sommet des dirigeants du 24 au 26 juillet 2015 dans la capitale salomonaise Honiara.
Outre les annonces faites en primeur par le Premier ministre papou Peter O’Neill, avant même la publication du communiqué officiel de ce sommet, vendredi dernier, c’est son homologue fidjien, Franck Bainimarama, qui a livré ce week-end quelques commentaires à la presse de son pays.
Selon lui, la décision des dirigeants du GMFL concernant notamment l’Indonésie a été prise « dans le meilleur intérêt des peuples de Papouasie occidentale ».
« Ce que nous avons dû garder à l’esprit, c’est d’abord et seulement de déterminer quelle voie serait celle qui entraînerait un résultat positif pour les peuples de Papouasie occidentale dans leur ensemble, pour l’amélioration de leurs conditions de vie, pour qu’ils aient un sentiment de plénitude », a rapporté dimanche le quotidien Fiji Times, citant le chef de l’exécutif de cet archipel qui a souligné la nécessité de « rapprocher » les Papous indonésiens de la « famille mélanésienne ».
Il a aussi rappelé que concomitamment à la décision concernant l’Indonésie, les dirigeants mélanésiens, la semaine dernière, ont aussi octroyé un simple statut d’observateur à un mouvement de libération papou de cette province indonésienne, le « Mouvement Unifié de Libération pour la Papouasie Occidentale » (MULPO), qui s’affiche comme la voix du peuple papou d’Irian Jay.
Le Premier ministre fidjien, Franck Bainimarama, a souligné à plusieurs reprises que la Papouasie occidentale, où les organisations de défense des droits humains dénoncent depuis plusieurs années de graves atteintes aux libertés fondamentales, se trouve sous la souveraineté indonésienne.
« Beaucoup s’inquiètent au sujet de ce qui se passe en Papouasie (occidentale). On a entendu parler d’agressions, de violations des droits humains. Mais au bout du compte, la Papouasie (occidentale) est sous la souveraineté de l’Indonésie et la dernière chose que nous voulons faire, ce serait de nous immiscer dans les affaires de souveraineté d’un autre pays. La meilleure chose serait d’ouvrir (le GMFL) à l’Indonésie en tant que membre associé. Accueillir juste la Papouasie (occidentale), de manière séparée, ça n’a pas de sens », a récemment déclaré Franck Bainimarama, Premier ministre fidjien, en marge d’un sommet multilatéral réunissant les pays océaniens et le Japon.
Outre Fidji, l’autre membre le plus influent du GMFL, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, a aussi fait savoir à plusieurs reprises son soutien à la politique de la porte ouverte vis-à-vis de Djakarta concernant l’octroi d’un statut plein, ou a minima de « membre associé », pour le pouvoir central indonésien.

Le Premier ministre papou Peter O’Neill, avant même l’ouverture de ce sommet, avait annoncé la couleur en estimant que l’admission de Djakarta en tant que membre associé au sein du GMFL était de nature à « renforcer la paix et la sécurité » dans cette région.
Il avait aussi affirmé, dans la foulée, qu’une représentation pleine au sein du GMFL ne pouvait être assurée que par «des dirigeants « mandatés » et « élus par leur peuple ».
« Ce que nous essayons de faire, c’est d’identifier la bonne organisation à même de représenter les Papous occidentaux au sein du GMFL. Mais ils doivent être élus, mandatés, dûment nommés pour participer. On ne peut pas laisser n’importe qui, venu de la rue, venir nous dire ‘Nous représentons les Papous occidentaux’ », avait déclaré M. O’Neill.
Du point de vue de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’octroi d’un statut de membre « associé » est un point de départ pour des consultations renforcées avec Djakarta, notamment sur l’épineux dossier de la Papouasie occidentale.
Par ailleurs, les relations entre Port-Moresby et Djakarta sont régulièrement assombries par de fréquents accrochages frontaliers entre armée et polie indonésienne et militants papous.
Les deux pays se partagent l’île de Nouvelle-Guinée : la partie orientale est l’État souverain de Papouasie-Nouvelle-Guinée, la portion occidentale est indonésienne.
M. O’Neill a réaffirmé cette position à l’issue de ses plus récents entretiens avec le nouveau Président indonésien, Joko Widodo, sur fonds d’intensification des relations commerciales et économiques entre ces deux pays voisins.
M. Widodo, a effectué mi-mai 2015 une visite officielle en Papouasie occidentale, mais aussi en Papouasie-Nouvelle-Guinée voisine.
Lors de cette visite officielle du Président indonésien en Papouasie-Nouvelle-Guinée, les 12 et 13 mai 2015, plusieurs accords de coopération ont été signés entre les deux pays, concernant notamment la lutte contre la criminalité transfrontalière liée à la drogue, au terrorisme, la formation de personnel dans les secteurs du pétrole et de l'énergie, la promotion du commerce sur les marchés frontaliers, le renforcement de l'investissement dans les infrastructures (énergie, télécommunications, produits halieutiques).


Le MULPO a désormais le statut de simple observateur en tant que « partenaire de développement représentant le bien-être des peuples mélanésiens vivant en-dehors » (du bloc GMFL), avait précisé la semaine dernière le Premier ministre papou Peter O’Neill.

Du côté de ce mouvement de libération, les réactions ont été plutôt reconnaissantes.
Par la voix de son représentant à ce sommet mélanésien, ce mouvement, dont la légitimité est parfois contestée par d’autres factions de lutte nationaliste en Papouasie occidentale, a voulu voir dans cette décision le côté positif et une « première étape » : le fait que, pour la première fois, la voix de ces populations sera entendue au plan subrégional, au sein du concert mélanésien.
Du côté de la Présidence sortante, assurée ces deux dernières années par le FLNKS de Nouvelle-Calédonie, les réactions qui ont le plus intéressé la presse salomonaise concernent un débat plutôt franco-français : Victor Tutugoro, qui menait la délégation à Honiara, a en effet été cité dans la presse salomonaise pour avoir fait connaître sa « déception ».
Mais cette déception concerne un « incident » survenue lors de la cérémonie d’ouverture du sommet mélanésien, en fin de semaine dernière.

L’incident de l’hymne

Il s’agit du fait que pour accueillir le FLNKS, ce soit l’hymne national français qui ait été choisi par le pays hôte, rapporte le quotidien Solomon Star.
Or, selon les termes employés par M. Tutogoro et tels que rapportés dans la presse locale, cet hymne « ne reflète ni la fierté, ni l’identité » des Kanaks mélanésiens.
Lors de son discours de passation de la Présidence, en guise de conclusion, M. Tutugoro aurait par ailleurs tenu à faire connaître sa position aux autres pays membres du bloc, par voie du traducteur-interprète qui leur était, comme à chaque fois, assigné.
Selon les mêmes sources, devant les dirigeants mélanésiens, il aurait alors évoqué, sous forme de rappel, des sentiments proches de l’ « insulte » à chaque fois que l’hymne national français était utilisé pour représenter ce mouvement politique.

Dans sa pétition de demande, le MULPO avait tenté de faire valoir que le Front de Libération Nationale Kanak Socialiste (FLNKS) de Nouvelle-Calédonie, bien que n’étant pas une entité étatique, contrairement aux quatre pays membres, jouissait du statut de membre de plein droit.
Le FLNKS achève, avec ce sommet, une Présidence tournante de deux années au cours desquelles ce mouvement politique a toujours milité en faveur du soutien aux Papous d’Indonésie.
Le nouveau Premier ministre de Vanuatu, Sato Kilman, n’assistait pas à ce sommet, retenu à Port-Vila par une situation politique toujours instable et une menace de motion de censure à son encontre, après son accession au pouvoir le 11 juin 2015 et le renversement de son prédécesseur, Joe Natuman.

Un dossier récurrent

La question de l’octroi d’un statut d’observateur ou de membre plein au mouvement de lutte de la Papouasie occidentale, territoire indonésien occupant la partie Ouest de l’île de Nouvelle-Guinée, revient régulièrement à l’ordre du jour des réunions du GMFL ces dernières années.
Ce « Mouvement Unifié de Libération pour la Papouasie Occidentale » (MULPO) tente depuis plusieurs années de se fédérer afin d’être en mesure de demander un statut de membre plein, pour lequel la demande avait été officiellement déposée.
La Papouasie occidentale, ancienne colonie néerlandaise, a été annexée par l’Indonésie en 1963.

Le GMFL a été créé en 1986, sur l’initiative du Premier ministre de Vanuatu de l’époque, le pasteur anglican Walter Lini.
Ce groupe subrégional comprend cinq membres : quatre sont des États insulaires (Fidji, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles Salomon, Vanuatu) et le dernier est le mouvement indépendantiste FLNKS de Nouvelle-Calédonie.
L’un des principaux objectifs de ce groupement, lors de sa création, était alors d’afficher un soutien au mouvement indépendantiste de la collectivité française de Nouvelle-Calédonie, alors en situation de quasi-guerre civile.
Depuis, au cours des années 1990 et 2000, le GMFL a élargi ses centre d’intérêts pour tenter de mettre en place, dans le domaine économique et commercial, une zone de libre-échange entre pays membres.
La Mélanésie est la sous-région la plus peuplée de l’Océanie insulaire : elle regroupe au moins quatre vingt pour cent de la population de cette vaste région.


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Rédigé par PAD le Mardi 30 Juin 2015 à 06:01 | Lu 407 fois