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Interrogations autour de la formation des jeunes médecins


Paris, France | AFP | mardi 09/02/2016 - Ils ont rendu copie blanche à leur examen d'internat, mais peuvent tout de même prétendre devenir médecins. Parmi eux notamment, des étudiants formés dans des universités européennes qui contournent le concours d'entrée très sélectif, avant de revenir exercer en France, s'inquiète la communauté médicale.

En 2015, un peu plus de 8.800 étudiants en médecine ont passé les épreuves classantes nationales (ECN) qui permettent, suivant sa place, de choisir sa spécialité. Cependant, quelle que soit la note obtenue, les candidats peuvent devenir internes pour ensuite exercer.

L'immense majorité des candidats, issue des universités françaises, a déjà franchi le très sélectif concours de fin de première année et ont derrière eux six ans d'études. Mais l'épreuve est aussi ouverte aux étudiants des autres pays d'Europe, dont de jeunes Français ayant contourné le numerus clausus de la première année. Elle en a attiré 351 en 2015, un chiffre en constante augmentation depuis l'annulation en 2013, par le Conseil d'Etat, d'un décret empêchant les étudiants français installés en Roumanie de passer les ECN au motif que la mesure était discriminatoire.

Or, selon le Pr Bernard Charpentier, président de la Fédération européenne des Académies de médecine, "l'absence d'harmonisation des études et des diplômes au niveau européen" peut conduire à de "fortes disparités d'un pays à l'autre".

"Certains pays comme la Roumanie ne prévoient aucun concours d'entrée dans la filière", relève le Pr Charpentier à la veille de la conférence santé. Dans d'autres pays, les étudiants sont face aux malades plus tard qu'en France où cela intervient dès la 3e année.

L'an dernier, une dizaine d'étudiants ayant passé les ECN ont été déclarés "incompétents" par leur chef de service, ou ont rencontré des problèmes de langue. Ils se sont vu retirer leur garde et proposer des stages de remise à niveau, rapportent plusieurs syndicats étudiants.

Le président du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom), Patrick Bouet, nuance: "Les candidats qui étudient à l'étranger ne sont pas les seuls à se classer derniers". Pour autant, il reconnaît d'"importants mécanismes de contournement des filières d'excellence françaises".

"Il y aura de plus en plus de migration des étudiants au cœur de l'Union européenne et ça pourrait poser problème si une majorité d'entre eux travaillait dans un système avec lequel ils n'ont pas été mis en contact précocement", admet le médecin.

- Un système hypocrite -

Dans la ligne de mire, l'université de Cluj en Roumanie, réputée pour offrir une nouvelle chance aux jeunes Français ayant échoué au concours de fin de première année. En échange de frais d’inscription de 5.000 euros par an, l'établissement public, qui sélectionne sur dossier, propose des cours en français aux étudiants qui peuvent ensuite raccrocher le wagon dans l'Hexagone, grâce à l'internat.

Ces étudiants sont-ils moins bien formés ? "En 2015, le meilleur s'est classé 168e sur près de 9.000 candidats", se défend la présidente de l'association des étudiants francophones de Cluj, Solène Noret.

Pour s'assurer du niveau, le Conseil de l'Ordre a proposé en janvier l'instauration d'une note éliminatoire. Pas question, a répondu l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), pour qui ce serait "l'échafaud, alors qu'il y a un concours d'entrée déjà très exigeant".

Les syndicats étudiants relèvent que les ECN, avec des questions à choix multiples basées sur le "par coeur", ne permettent de juger ni les compétences cliniques ni le niveau de langue.

"Il parait plus pertinent que le niveau des candidats, qu'ils aient fait leurs études en France ou dans un autre pays européen, soit évalué par un examen distinct", avancent l'Inter Syndicat national des internes (Isni) et l'Anemf.

"Pourquoi pas ?", réagit de son côté Solène Noret qui pointe l'hypocrisie du système français, parfois bien content de recruter ailleurs pour pallier la désertification médicale.

Elle-même, lors de sa 3e année en Roumanie, a été démarchée par le conseil général de la Sarthe qui lui a proposé, en échange d'une bourse, de venir travailler dans une Maison de santé pluridisciplinaire à l'issue des ses études qu'elle finira en France.

Rédigé par () le Mardi 9 Février 2016 à 06:19 | Lu 595 fois