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Indemnités présidentielles : "Je ne vis pas de corruption", accuse Edouard Fritch


le Président Fritch s'en est vivement pris au clan Flosse après le rejet, jeudi par la commission des finances, d'un projet de délibération visant à ajuster ses indemnités présidentielles avec celles des ministres du gouvernement
le Président Fritch s'en est vivement pris au clan Flosse après le rejet, jeudi par la commission des finances, d'un projet de délibération visant à ajuster ses indemnités présidentielles avec celles des ministres du gouvernement
PAPEETE, 19 décembre 2014 – Le Président Edouard Fritch s'en est vivement pris aux élus Tahoera'a du clan Flosse, après le rejet, ce jeudi en commission des finances, d'un projet de délibération qui envisageait l'ajustement de son régime indemnitaire avec celui des ministres du gouvernement.

Le chef de l'exécutif estime que cette décision est "un coup en dessous de la ceinture" et annonce qu'il portera ce texte jusqu'en séance plénière à l'Assemblée, quitte à ce qu'elle soit extraordinaire : "Si on veut créer un débat sur le revenu des élus, ça ne me dérange pas moi…", menace-t-il en lâchant une tirade emplie de sous-entendus : "je ne vis pas de corruption. Moi je vis de ce que je gagne".

Le Président Fritch prend aussi l'initiative d'une mise en cause de l'influence politique de la partie du groupe Tahoera'a acquise à Gaston Flosse : "si vous estimez que je ne suis pas à la hauteur : virez-moi !", dit-il leur avoir proposé, jeudi, suggérant le dépôt d'une motion de défiance.

Dans son bras de fer avec le Vieux Lion, il sait que si une telle manœuvre politique devait être mise en œuvre elle est loin d'être un coup gagné d'avance par le clan Flosse du Tahoera'a, à l'Assemblée.

Dans l'hémicycle, la ligne de fracture du bloc Tahoera'a est publique depuis le 27 novembre dernier. La motion demandant à l'Etat réparation du préjudice environnemental du nucléaire, portée par Marcel Tuihani, soutenue par Gaston Flosse et contestée par Edouard Fritch, ne serait jamais passée sans le soutien de l'opposition indépendantiste UPLD. Ce jour-là, la division au sein du camp orange s'est exprimée par le vote "contre" de 13 élus sur les 38 que compte le groupe. Depuis ce jour-là, il est évident que le clan Flosse ne peut contrôler la scène politique sans faire alliance et, au passage, contrevenir au serment pris devant le Grand conseil début septembre.

Interrogé vendredi matin sur l'attitude du groupe UPLD face à la perspective du possible dépôt d'une motion de défiance contre le gouvernement Fritch, Oscar Temaru a simplement répondu : "Le Pays n'a pas besoin de cela. Il faut laisser les gens travailler".

Quant au niveau de rémunération d'Edouard Fritch à la Présidence, le leader indépendantiste estime que "le Président assume des responsabilités que les ministres n'assument pas. C'est normal qu'il ait une rémunération au-dessus de celle des ministres en raison de cela".

Edouard Fritch était interrogé à propos de ce nouvel épisode de la division au sein du Tahoera'a, vendredi à la mi-journée. Il sort de sa réserve :
e__fritch,_le_19nov2014.mp3 E. Fritch, le 19nov2014.mp3  (2.91 Mo)


La commission des finances de l’Assemblée vous a refusé jeudi le principe d’une augmentation de votre indemnité de Président du Pays qui la rendrait identique à celle des ministres du gouvernement. Cela vous a fâché ?

Edouard Fritch : Non. Ne parlez pas d’augmentation. Je ne demande pas à augmenter mes indemnités. Je demande à les réajuster. (...) Aujourd’hui, je demande simplement à ce qu’on rectifie les choses comme elles étaient avant, c'est-à-dire que le Président ait une rémunération décente : la même que celle accordée aux ministres. (…) Lorsque Marcel Tuihani est arrivé à l'Assemblée, il a eu droit à une rémunération décente.

Vous sentez-vous victime d’un coup indécent de la part du Tahoera’a ?

Edouard Fritch : Oh, vous savez, c’est un geste – je n’utiliserai pas les termes du haut-commissaire ; mais c’est vrai que ce n’est pas très amical. C’est même un peu mesquin. C’est presqu'un coup en dessous de la ceinture. Mais je vais continuer. Je leur ai simplement confirmé à l’Assemblée que je ne vis pas de corruption. Moi je vis de ce que je gagne. J’ai besoin de gagner de l’argent. J’ai vu qu’ils ont commencé à fouiller… Très bien ! Mais j’ai besoin d’être rémunéré parce que je n’ai pas d’autre revenu que ce que je gagne et mes loyers. Donc voilà.

Pensez-vous devoir porter ce texte jusqu’en séance plénière pour consulter l’ensemble des élus ?

Edouard Fritch : J’aimerais bien que l’on passe en séance plénière. Je n’ai pas honte de ce que je réclame puisqu’il s’agit de justice. Un Président sous-payé ce n’est pas de la justice. Et ça peut induire beaucoup de suppositions : je ne mange pas tous les soirs ici, à la Présidence ; je rentre chez moi ; j’ai une famille, j’ai besoin de faire vivre ma famille. Je ne réclame que de la justice. Donc s’il le faut j’irai en séance plénière ; j’irai en séance extraordinaire s’il le faut, pourquoi pas ? Si on veut créer un débat sur le revenu des élus, ça ne me dérange pas moi… On verra bien.

Cela pourrait être à l’ordre du jour d’une séance extraordinaire en janvier ?

Edouard Fritch : Ecoutez, aujourd’hui il y a d’autres urgences que la rémunération d’Edouard Fritch. Le problème du Pays, comme on vous l’a exposé ce matin encore, c’est l’emploi.

Vous pensez avoir toujours une majorité pour gouverner le pays ?

Edouard Fritch : Je pense qu’ils sont peut-être divisés sur cette question d’indemnités, mais pas sur le reste. Je garde l’espoir que sur l’essentiel nous restons encore unis, soudés et orientés vers les mêmes priorités pour notre pays. Je le souhaite vraiment, pour mon parti et pour ceux qui ont voté pour nous.

Craignez-vous une motion de défiance, puisque vous avez incité les élus Tahoera’a à en venir là, lors de la commission des finances ?

Edouard Fritch : Non, je leur ai simplement dit qu’il y a des moyens plus transparents qui sont offerts par le statut. Je leur ai dit « si vous estimez – parce que c’est ce que l’on entend – qu’il faut que je fasse mes preuves. Bon, si vous estimez que je ne suis pas à la hauteur : virez-moi ! ».
Mais vous savez, j’ai un petit peu mal au cœur lorsque je vois que ce sont des nouveaux venus qui viennent m’apprendre à moi, me reprocher de ne pas être à la hauteur ou de devoir faire mes preuves. Cela fait tout de même une trentaine d’années, dont la moitié au poste de vice-président du gouvernement… Je pense avoir un petit peu fait mes preuves. Je n’autorise pas ces jeunes élus à venir me faire la leçon.
(…) Et puis vous savez, avant de reprocher aux autres il faudrait qu’ils regardent ce qu’ils ont fourni avant de demander aux autres le bilan de ce qu’ils ont fait. Je trouve que l’exercice est d’autant plus difficile lorsqu’on le fait à son ami. Nous sommes tout de même tous Tahoera’a Huira’atira. Je n’ai pas changé de parti et j’ai été élu il y a à peine trois mois par ceux-là même qui me font le reproche aujourd’hui. (…) C’est de la mesquinerie. Je suis un peu déçu mais je garde le moral parce que l’important c’est la Polynésie. L’important ce n’est pas Gilda, ce n’est pas Elise, ce n’est pas Edouard, ce n’est pas René. L’important c’est notre pays.


Lorsque vous évoquez ces "jeunes" élus, suggérez-vous une forme de ventriloquie qui pourrait être à l’œuvre à l'Assemblée dans leurs propos ?

Edouard Fritch : Comment faites-vous pour tout deviner ?

Rédigé par JPV le Vendredi 19 Décembre 2014 à 15:33 | Lu 8127 fois