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Indemnisation d’un ancien détenu de Nuutania : 144.000 Fcfp par année de prison, conclut le rapporteur public


Indemnisation d’un ancien détenu de Nuutania : 144.000 Fcfp par année de prison, conclut le rapporteur public
PAPEETE, mardi 5 février 2013 – Le Tribunal administratif de Polynésie française a instruit la demande d’indemnisation d’un ancien détenu pour "préjudice subi lors de sa détention et incarcération au centre pénitentiaire de Nuutania dans les conditions indignes, inhumaines et dégradantes et ce, avec intérêt au taux légal à compter du 17 janvier 2012, date à laquelle l’Etat a réceptionné sa demande indemnitaire".

L’affaire est une première en Polynésie. Des centaines de détenus ou anciens prisonniers sont susceptibles d'engager une telle démarche en réparation. La prescription est de quatre ans.

Jacques Caumet a passé 738 jours au centre carcéral de Faa’a, du 16 septembre 2008 au 25 mai 2010, mais en avait effectué 606 d’incarcération avant de bénéficier d’un assouplissement de peine. Il demande à ce que le Tribunal condamne l’Etat à lui verser 7.38 millions Fcfp, c'est-à-dire une indemnité journalière de 10.000 Fcfp.

Le rapporteur public a demandé à la cour la condamnation de l’Etat au versement d’une indemnité totale de 240.000 Fcfp et au paiement 150.000 Fcfp au titre des frais de justice. Il estime à 100 euros par mois d’incarcération, soit 144.000 Fcfp par an, le préjudice imputable à l’Etat, sur la base des 606 jours d’emprisonnement ferme effectués à Nuutania par Jacques Caumet.

Le jugement est mis en délibéré et sera rendu le 26 février prochain.

Dans ses conclusions, le rapporteur public a qualifié les conditions de détention à Nuutania de notoirement "indignes, inhumaines, dégradantes", et contraires aux dispositions de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il a notamment rappelé l’avis rendu par le Conseil de surveillance des conditions carcérales qui avait estimé que le centre pénitentiaire de Faa’a proposait des conditions d’accueil "dégradantes".

Nuutania avait en outre été taxé de centre "le plus surpeuplé de tous les établissements pénitentiaires français", par les rapporteurs de la mission d'information en Polynésie française de la commission des lois, à la suite d’une visite réalisée le 1er mai 2008.
Au 1er novembre 2012, on y comptait 169 détenus en maison d’arrêt pour 54 places, soit un taux d’occupation de 313%; et 245 détenus au centre de détention pour 111 places (220,7%).

Une requête en référé, jugée le 31 juillet 2012 par le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, a déjà condamné l’Etat à provisionner une indemnisation en faveur de 30 anciens détenus du centre pénitentiaire Camp-Est de Nouméa, en attendant le jugement au fond mais reconnaissant de fait la légitimité de la demande. Cette provision accordée à chaque plaignant pour atteinte à la dignité humaine avait été évaluée individuellement, par le Tribunal, à 148.000 Fcfp par année de détention.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 5 Février 2013 à 15:11 | Lu 2487 fois