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Hôpital de Taaone : "un choix politique dont nous devons assumer les conséquences", selon Charles Tetaria.


Charles Tetaria, ministre de la Santé, le 25 janvier 2012 en compagnie de Régis Chang, directeur de la CPS
Charles Tetaria, ministre de la Santé, le 25 janvier 2012 en compagnie de Régis Chang, directeur de la CPS
Premier employeur de Polynésie française et glouton des finances publiques, le nouveau Centre hospitalier territorial est pointé du doigt par le ministre de la Santé, Charles Tetaria, comme la matérialisation d’un choix politique centralisateur et peu approprié au contexte géographique polynésien. Interview :

Le budget de l’hôpital du Taaone a été voté le 12 mars 2013 mais n’est toujours pas validé par le conseil des ministres. Comment explique-t-on ce délai ?

Charles Tetaria : Le procès verbal du budget nous a été transmis tardivement. Nous sommes obligés de le voter avant la semaine prochaine. La limite est fixée au 15 avril, faute de quoi il sera transmis au haut-commissaire. (…) Nous sommes contraints d’organiser un conseil des ministres extraordinaire cette semaine.

La dotation globale allouée à l’hôpital est en baisse constante depuis 2011, ce qui provoque une situation budgétaire tendue pour l’établissement, alors que le CHPF est toujours plus sollicité. Est-ce un système viable ?

Charles Tetaria : A longs termes, certainement pas. Mais ce qui est sûr c’est que l’hôpital ne doit s’occuper que de ce qui relève des traitements de derniers recours et que les autres établissements de soins, notamment les cliniques et les hôpitaux périphériques, se chargent des pathologies courantes. Il faut que l’on organise sans attendre l’offre de soins, entre celle hyperspécialisée de l’hôpital de Taaone et l’offre de soin courante, en la décentralisant.

En métropole les pouvoirs publics ont abandonné le système de dotation globale en 2003, au profit d’un système de rémunération à l’acte médical. N’est-ce pas une solution souhaitable également pour le système de santé polynésien ?

Charles Tetaria : Les avis sont très partagés sur ce point. C’est vrai qu’en France on travaille sur la base d’une tarification à l’acte, c'est-à-dire la TAA. Nous avons tenté de mettre en place un embryon de TAA en Polynésie, mais il a été très mal reçu et nous avons mis ça en suspens. Dans tous les cas, on est obligés d’établir au niveau de l’hôpital un budget analytique, qui nous permettra d’avoir une vision plus fine et de trouver éventuellement des niches d’économies. Jusqu’à présent l’hôpital ne fonctionne qu’en dotation globale et ne raisonne que sur les masses, sans entrer trop dans les détails. On est pourtant contraints de réaliser des économies. Pour l’instant, ces économies sont réalisées au niveau de cette dotation globale et en dépit de l’augmentation d’activité de l’établissement.
L’hôpital doit se charger des actes médicaux graves et réorienter les actes courants vers les hôpitaux périphériques. Souvent, des hospitalisations sont faites alors que le délai d’urgence est passé et que les patients pourraient très bien être orientés vers des hôpitaux périphériques. La durée moyenne de Séjour au CHPF est supérieure à la moyenne nationale des établissements de taille équivalente et le tarif du prix à la journée y est 10 fois supérieur à celui des hôpitaux périphériques.


Cela n’est-il pas contradictoire avec l’esprit-même de ce centre hospitalier présenté à sa conception comme l’établissement de santé de Polynésie française ?

Charles Tetaria : L’Etat avait déjà interrogé le Territoire, à l’époque de la décision de construire le nouveau centre hospitalier de Polynésie française, sur la place laissée à l'activité des autres structures de soins. Aucune étude n’a jamais été menée pour répondre à cette question. Le Pays s’est retrouvé à financer cet hôpital et ce qui devait arriver est arrivé : nous avons créé un hôpital centralisateur en dépit de la nécessité objective, économique et géographique, de répartir les soins. Dois-je vous rappeler que le seul poste des évacuations sanitaires intra-Polynésie coûte chaque année près d’1,2 milliard Fcfp, à la collectivité ? Il y a eu un choix politique, à l’époque, et nous devons en assumer les conséquences aujourd’hui.
Nous tentons depuis plusieurs mois de rééquilibrer l’offre de soins dans les îles, à travers le développement de la télémédecine par exemple.


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mercredi 10 Avril 2013 à 15:32 | Lu 2010 fois