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Grève Air Tahiti : les discussions piétinent et les Polynésiens s'impatientent


La grève générale a démarré il y a sept jours à Air Tahiti
La grève générale a démarré il y a sept jours à Air Tahiti
FAAA, le 23/05/2016 - Les négociations de ce lundi n'ont rien donné, les syndicalistes ont quitté la table. Ils aimeraient changer d'interlocuteur pour espérer une issue à ce conflit. Du côté de la direction, on préfère ne rien dire. Pendant ce temps, les clients perdent patience. Nous avons rencontré Mytsuru, une jeune femme qui appelle les deux parties à trouver un consensus au plus vite afin de rapatrier le corps de sa défunte mère sur Rimatara.

Habillée en noir derrière son bureau, Mytsuru Kato tente bien que mal à cacher son désarroi et sa tristesse. Cette battante cherche par tous les moyens à rapatrier, au plus vite, le corps de sa défunte mère à Rimatara, dans l'archipel des Australes.

Décédée en Nouvelle-Zélande le 9 mai dernier, un avion de la compagnie devait rapatrier le corps de la défunte vendredi dernier, mais avec ce mouvement social, les choses se sont compliquées. "Déjà c'était déjà énorme cette tristesse de perdre sa mère plus ce mouvement de grève qui se rajoute, cela devient insupportable et inacceptable comme situation", raconte la jeune femme. "Je demande juste un minimum d'humanité de la part des grévistes et de la direction afin que nous puissions rapidement rapatrier le corps de maman. On prend ce qu'ils nous proposeront. C'est un cri du cœur, parce que là ça devient vraiment lourd et difficile à supporter".

Actuellement, le corps se trouve chez une pompe funèbre et là aussi les dépenses sont importantes, "il faut payer les frais de préservation du corps dans le frigo", déplore-t-elle. Mytsuru a frappé à toutes les portes... "Avec la CPS, ils nous ont dit qu'ils ne pouvaient prendre en charge que le rapatriement du corps par bateau. Le prochain bateau est le 7 juin, c'est trop lent. On s'est rapprochés aussi de Tuhaa Pae, pour savoir s'il y avait un moyen pour dérouter le bateau au plus tôt. Ils nous ont dit oui il n'y a pas de soucis, mais cela va coûter 2 millions de francs. Mais on n'a pas 2 millions de francs à payer pour dérouter un bateau. Air Archipels est overbooké, pareil pour Pol'Air, les heures des pilotes ne sont pas suffisantes pour que l'on puisse aller sur Rimatara. On a essayé de trouver des solutions par tous les moyens possibles, mais en vain."

Les syndicalistes sont bel et bien conscients de la situation, mais il ne faut pas tout mettre sur le dos des grévistes. "Ils dénoncent leurs conditions de travail, parce qu'ils ont sous leur responsabilité, la sécurité des passagers", rappelle Cyril Legayic, de la CSIP, "pour la famille endeuillée, elle a la possibilité de rapatrier le corps de leur mère à Rimatara. Si Air Tahiti ne peut pas le faire, eh bien ce n'est pas de la faute des grévistes."

Du côté de la direction d'Air Tahiti, tous les moyens sont mis en œuvre pour venir en aide à cette famille et permettre ainsi le rapatriement du corps vers Rimatara.

Pendant ce temps les négociations sont au point mort

Près d'une semaine après le début de la grève générale à Air Tahiti, les rencontres avec la direction se sont multipliées, sans vraiment aboutir.

Ce lundi encore, tout ce beau monde s'est retrouvé autour de la table. Et le ton serait monté, "sur les points bloquants, c'est-à-dire la grille salariale et sur l'intégration de la prime de transport, je pense que les négociations sont bloquées et cela n'a pas avancé. La direction a fait une nouvelle proposition, il y a eu une suspension sur ce côté-là et à la fin de la suspension, ils ont repris les discussions, et une énième proposition a été faite par les syndicats et refusée par Manate. Suite à cela, il y a eu un clash, les représentants des organisations syndicales ont annoncé qu'ils ne veulent plus discuter avec lui. Ils veulent que la direction trouve un autre interlocuteur", explique Cyril Legayic.

Rencontrer directement les membres du conseil d'administration pourrait être une des solutions évoquées par les syndicalistes. "Je ne sais pas si ces personnes iront dans le sens de nos doléances. S'ils vont dans le sens de leur portefeuille, je pense qu'ils vont décliner cette possibilité-là. Les grévistes sont dans une bonne composition et je pense que c'est à la direction de faire un effort puisque nous avons démontré, samedi soir, que nous étions prêts à faire des efforts et ils ont tout cassé", précise Lucie Tiffenat, secrétaire générale de Otahi.

"Je ne suis pas partisan à demander à rencontrer les membres du conseil d'administration, en dehors d'une vue générale, il ne faut pas oublier que les négociations c'est plutôt technique, ça se repose sur la durée du temps de travail, les amplitudes, les horaires décalées, le nombre d'étapes de vol, la fatigue, le facteur humain. Les actionnaires, en dehors d'un ou deux qui ont de grosses sociétés sur le territoire qui vont comprendre cela, mais les autres, je ne pense pas qu'ils comprendront", précise Cyril Legayic.

Du côté de la direction, on ne veut pas s'exprimer sur le déroulement des négociations.

Les passagers, de leur côté, commencent à s'impatienter. "Cette grève commence aussi à nous énerver, aujourd'hui, même un avion par jour ne suffit plus pour embarquer tous les passagers parce qu'il y a les touristes ainsi que la clientèle locale", explique Fred Teriiatetoofa, membre du conseil municipal de Rangiroa. "Air Tahiti favorise d'abord les touristes au détriment de la clientèle locale et je ne comprends pas, parce que la clientèle locale a payé ses billets, pourquoi alors nous délaissent-ils ? Je pense que la direction regarde le côté économique pour le tourisme chez nous, mais cette grève ne nous avantage pas du tout, nous dans les archipels éloignés."

En revanche, à Air Archipels, Newrest et à la Somstat, les négociations sont en cours. Si aucun accord n'est trouvé, le préavis dans ces trois sociétés sera effectif mercredi à minuit.

Vol Tureia de ce mardi annulé

Air Tahiti a le regret d'informer sa clientèle de l'annulation du vol Tureia prévu ce mardi 24 mai, le personnel de cette escale venant de se déclarer en grève.
Les passagers en attente seront reprogrammés sur les prochains vols qui pourront être réalisés. Leur billet reste valable pour le voyage à venir.

Cyril Legayic
Membre de la CSIP


"L'hypothèse est de trouver une issue cette semaine"

"Ce conflit sera bien obligé de se terminer un jour, comme je dis toujours : on sait à quel moment on démarre une grève et on ne sait jamais à quel moment cela va se terminer. L'hypothèse est de trouver une issue cette semaine. Il faudrait que chacun mette de l'eau dans son vin pour faire avancer les choses et non camper sur ses positions, comme la direction le fait depuis le début des discussions, voire le début de l'année. Ils campent sur une manière de regarder uniquement sur le plan financier, économique et productivité. Il faut aussi qu'ils élargissent leur regard sur le facteur humain, qui est important.

Il ne faut pas oublier qu'une société ne peut pas marcher uniquement avec du matériel mais avec des bonhommes.
"

Fred Teriiatetoofa,
Membre du conseil municipal de Rangiroa


"Les gens des îles voyagent avec Air Tahiti, c'est notre lien avec Tahiti"


"Nous avons un vol par jour mais cela ne suffit pas parce que le nombre de passagers est important.
Nous espérons simplement que ce conflit se règle parce que les gens des îles voyagent avec Air Tahiti, c'est notre lien avec Tahiti. C'est une ressource économique importante pour nous parce qu'il y en a qui vivent grâce à cela et si on ferme les vols eh bien toutes ces personnes sont pénalisées.

Nous avons un bateau qui vient une fois par semaine, mais il ne prend plus de passagers parce qu'il y a une règlementation qui interdit les bateaux à transporter plus de 12 passagers. Chez nous, il y a un hôtel et plus d'une dizaine de pensions de famille.
"


le Lundi 23 Mai 2016 à 18:52 | Lu 4214 fois