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Frappé par sa femme, il fait sa demande en mariage au tribunal


Lors de l'audience, le procureur de la République n'a pas caché son agacement.
Lors de l'audience, le procureur de la République n'a pas caché son agacement.
PAPEETE, le 23 novembre 2017 - Les faits de violences volontaires jugés ce jeudi devant le tribunal correctionnel étaient malheureusement assez banals. Le déroulement de l'audience a été plus surprenant puisque la victime a surpris la prévenue, qui est également sa compagne, en évoquant leur futur mariage.

Les faits de violences volontaires avec arme traités ce jeudi matin lors de l'audience en juge unique datent du 1er février dernier. Ce jour-là, la DSP intervient à Papeete pour une dispute conjugale sur fond d'alcoolisation. Sur place, ils découvrent un homme blessé. Ce dernier, transporté à l'hôpital, bénéficiera d'une incapacité totale de travail (ITT) de 30 jours. Lors de son audition, la compagne de la victime, âgée de 24 ans, indique qu'elle et son père sont les auteurs des coups. La prévenue explique que toute la famille buvait chez sa grand-mère lorsque son concubin aurait commencé à la frapper. C'est alors qu'elle se serait emparé d'une bouteille de bière et aurait mis un coup à son tane, rapidement relayée par son père qui, lui, aurait porté un coup sur la tête de la victime à l'aide d'un bout de bois.


DEFENSE PAR ANTICIPATION

La jeune femme et son père comparaissaient donc ce jeudi pour ces faits. En couple avec la victime depuis un an, la prévenue a expliqué au juge que son compagnon la frappait régulièrement. Alors que le magistrat lui demandait pourquoi avoir porté ce coup le jour des faits, la jeune femme a répondu: "il avait déjà été violent, j'avais peur que cela recommence alors je l'ai frappé avant qu'il ne le fasse." Le juge reprend: " Effectivement, pour certains, la meilleure défense, c'est l'attaque mais, là, tout de même! Donc, si je comprends bien, c'est de la défense par anticipation?" La jeune femme ne répond pas. Le juge poursuit: "Et alors, aujourd'hui? Où en êtes-vous?" La prévenue explique: "Mais nous sommes toujours ensemble!" Le magistrat ironise: "elles doivent être sympathiques, vos réunions de famille!".


Après la fille, c'est au père d'être interrogé: "nous étions chez ma mère, il l'a insultée, tout le monde avait bu et ça s'est mal passé. Je ne voulais pas le frapper mais j'ai vu le bout de bois et je lui ai donné un coup qui l'a assommé." Le magistrat s'indigne: "mais vous savez que l'on peut tuer quelqu'un comme ça?" Le prévenu réplique: "dans un couple, ce sont des choses qui arrivent." Irritation du juge unique: " Ah non monsieur! Des portes qui claquent, de la vaisselle cassée, oui, mais finir à l'hôpital après des mois de violences réciproques, ça n'est pas ça la vie de couple! "

Puis, le tribunal s'intéresse à la victime: " monsieur, venez à la barre. Est-ce que vous vous constituez partie civile?" L'homme répond catégoriquement: "non. Je l'aime, je veux faire ma vie avec elle. Nous avons arrêté de boire et nous allons bientôt nous marier." Perplexe, le magistrat se tourne vers la prévenue: "c'est vrai ça, madame, vous allez vous marier?" La jeune femme semble surprise. Elle ignorait cette intention et se tourne avec un sourire ému vers son compagnon. Le juge, lui aussi, semble surpris et conclut:" Je n'ai plus qu'à vous souhaiter mes vœux de bonheur même si cela me semble bien mal parti."

Le procureur de la République n'a pas caché son agacement: "je suis très étonné d'entendre cette demande en mariage alors que les faits sont extrêmement graves. Il y a un grand dysfonctionnement dans votre couple. Madame, j'espère qu'il est vrai que vous avez arrêté l'alcool car je regrette de le dire mais l'on voit sur votre physique que vous avez bu de manière excessive." A l'encontre de la jeune femme, le représentant du ministère public a requis un an de prison avec sursis. Une peine de six mois de prison avec sursis a également été requise contre le père. A la fin de l'audience, ce dernier a d'ailleurs évoqué l'avenir du couple: " j'espère que je n'aurai pas de mauvaises nouvelles…"

Pour défendre sa cliente, l'avocate du prévenu a abordé le mode de fonctionnement du couple: "Ils ont une relation masochiste, une relation de dépendance entre eux mais aussi avec l'alcool."


Après que les deux prévenus aient été condamnés à des peines similaires de 4 mois de prison avec sursis, l'homme et la femme ont quitté le tribunal ensemble, confirmant l'adage selon lequel " le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas."

Rédigé par Garance Colbert le Jeudi 23 Novembre 2017 à 15:47 | Lu 11175 fois