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Faa'a : le mur de la discorde


FAA'A, le 27 février 2017 - Le mur érigé par le pharmacien du centre médical de Heiri, à Faa'a, ne plaît pas à tout le monde. Pour Levyn Butscher, président de l'association des parents d'élèves de Piafau, cette construction porte atteinte à la sécurité des enfants et des habitants du quartier.

Et au milieu coule une rivière… Les quartiers de Piafau et Heiri, à Faa'a, sont séparés par une rivière. Lors des fortes pluies du 22 janvier dernier, celle-ci est sortie de son lit et a inondé des habitations et les écoles situées au bord. Pour de nombreux parents d'élèves, le problème incombe en grande partie au pont sous-dimensionné. L'édition du 23 février de Tahiti Infos a relaté leurs inquiétudes.

À la suite de cet article, le président de l'Association des parents d'élèves (APE), Levyn Butscher a fait part d'un autre problème. Selon ce dernier, le lit de la rivière a aussi été réduit en aval, près de la route de ceinture, à cause d'un mur. "Cet aménagement empiète sur la rivière et crée un effet d'entonnoir. Nos enfants sont mis en danger", tempête ce père de famille, habitant du quartier depuis 1997.

La demande d'empiètement sur le domaine public du pharmacien remonte à décembre 2014. D'abord acceptée par la commune en janvier 2015, elle a ensuite été approuvée par le conseil des ministres en février de la même année. Un arrêté a été publié au Journal officiel autorisant "l'occupation temporaire d'un emplacement du domaine public fluvial, d'une superficie de 49,20 mètres carrés […]." L'article 2 précise : "L'occupation est destinée au remblaiement d'une partie du domaine public fluvial et à la construction d'un mur de soutènement (voile béton armé) afin de protéger l'enrochement existant sur la rivière Piafau et la parcelle susvisée sur laquelle se trouve une pharmacie."


"CES TRAVAUX ONT ÉTÉ FAITS DANS LE SEUL INTÉRÊT DU CENTRE MÉDICAL"

En qualité de parent d'élève et de président de l'APE, Levyn Butscher a fait appel à un huissier de justice de Papeete pour constater sur place si danger il y a ou non. En date du 31 mars 2015, l'officier public a noté : "La rivière à cet endroit à la forme d'un S et fait deux courbes à angle droit. Je constate que l'ancien enrochement de la berge côté pharmacie a été doublé par un mur en béton. Ce mur a empiété sur la rivière et a réduit indubitablement la largeur de ladite rivière ainsi que son débit. Côté pharmacie, un muret en béton a été construit, de ce fait la servitude de curage, le long de la berge, ne peut plus avoir lieu."

Quelques lignes plus loin, il ajoute : "Il apparaît que ces travaux ont été faits dans le seul intérêt du centre médical qui a élargi le passage arrière, le long de la rivière, au détriment du débit de celle-ci en cas de fortes pluies."

Le 5 juin 2015, Levyn Butscher ainsi que des parents d'élèves des écoles et l’APE de l'école maternelle publique de Heiri et de l'école élémentaire de Piafau ont formé un recours gracieux à l'encontre de l'arrêté attaqué le 5 juin 2015. Suite au rejet implicite de ce recours, l'avocat de Levyn Butscher a formulé une requête devant le tribunal administratif le 13 octobre 2015 afin de faire annuler le décret du conseil des ministres.


"JE NE VEUX PAS METTRE EN DANGER LA VIE DES ÉCOLIERS…"

Pour le pharmacien, le mur érigé ne met pas en danger les enfants de l'école, ni les habitants. "Le problème n'est pas le mur. Ils ont juste envie de me causer des problèmes. Levyn Butscher travaille pour une autre pharmacie, à Faa'a, qui est un concurrent", estime le gérant de la pharmacie de Heiri.

Ce dernier a construit ce mur à l'occasion de l'aménagement du centre médical. À cette époque, la berge, était en train de s'éroder. "Avec ce mur, je n'ai fait que remettre la berge là où elle était à l'origine", se défend-il, assis sur le rebord.

Faisant le tour du propriétaire, il s'inquiète des autres murs construits autour "sans aucune autorisation". Pour lui, l'argument de la sécurité des enfants ne tient pas. Cette attaque est personnelle. "Si, une seule fois, un parent d'élève était venu me voir pour me dire que mon mur était dangereux, je l'aurais fait enlever tout de suite. Le vrai problème avec cette rivière, c'est le pont entre les deux écoles qui fait barrage en cas de fortes pluies, ce n'est pas mon mur…"

Quand le quartier était sous l'eau le 22 janvier dernier, la pharmacie Heiri a elle aussi subi des dégâts. Photos à l'appui, le patron de la pharmacie raconte cette longue journée où 40 centimètres de boue s'étaient infiltrés dans la pharmacie. "Si j'avais vraiment voulu me protéger, j'aurais fait un mur beaucoup plus haut. Je ne suis pas un criminel, je ne veux pas mettre en danger la vie des écoliers…"

"DE NATURE À ENTRAÎNER DES RISQUES POUR LA SÉCURITÉ PUBLIQUE"

Le tribunal administratif a rendu sa décision le 13 septembre 2016. Dans ses conclusions, le rapporteur public souligne i["que l'autorisation contestée […] consiste en une diminution conséquente du lit de la rivière Piafau au droit de la parcelle C 414, alors même que ladite parcelle est classée en zone rouge et bleue de fort et moyen risque d'inondation au projet de plan de prévention des risques de la commune de Faa'a, que des écoles sont situées à proximité, et que la servitude de curage serait désormais rendue difficile […].]i"

Plus loin, il met à mal la défense de la Polynésie française : i["Qu'ainsi, en prenant l'arrêté attaqué, le président de la Polynésie française a autorisé l'occupation du domaine public fluvial pour un usage qui, d'une part, n'était pas compatible avec la destination normale d'une rivière et, d'autre part, était de nature à entraîner des risques pour la sécurité publique […]."]i

Le tribunal administratif a décidé d'annuler l'arrêté du conseil des ministres du 26 février 2015. La Polynésie française n'a pas fait appel de la décision.

Maître Jacquet, avocat du pharmacien, a affirmé ne pas avoir eu connaissance de cette décision. "J'aviserai avec mon client." De son côté, Levyn Butscher ne veut pas baisser les bras et entend "tout faire pour que le mur tombe".

Rédigé par Amelie David le Lundi 27 Février 2017 à 08:41 | Lu 13493 fois