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En 2014 la construction est repartie… sans ses salariés


PAPEETE, le 2 octobre 2015 - Le bilan du secteur de la construction en 2014 montre un étrange paradoxe : alors que le chiffre d'affaires des entreprises a explosé de 13% grâce aux commandes du Pays, le nombre de salariés a continué à chuter, détruisant 240 emplois.

L'ISPF a publié son bilan du secteur du BTP pour 2014. Les chiffres sont contrastés, pour dire le moins. Du côté positif, l'Institut de la statistique a mesuré une forte hausse du chiffre d'affaires des entreprises du secteur. 4 milliards supplémentaires (soit +40%) ont été injectés par la commande publique, en particulier pour des travaux d'infrastructure. 1,5 milliard de plus ont été investis par le secteur privé, en particulier les ménages qui profitent de la forte baisse des taux d'intérêt pour investir dans l'immobilier. Au final, la hausse du chiffre du secteur a été de 12,6%, après cinq années de baisse et une année presque stable en 2013.

L'importance de la demande publique pour la construction de routes dans la reprise du secteur a été tellement forte qu'elle a changé la structure même des corps de métier employés : "Représentant désormais 31,6 % du secteur en 2014, le Génie Civil pèse davantage que le Second Œuvre pour la première fois dans l’histoire du secteur" souligne l'ISPF. Malgré tout, le principal corps de métier reste le gros œuvre, qui a également été en progression (+2,2 milliards de francs) grâce à la reprise du bâtiment causée par l'augmentation des prêts immobiliers.

UNE CROISSANCE SANS SALARIÉS

Mais cette très forte reprise n'aura pas permis de relancer l'emploi salarié dans le secteur. 239 emplois auront été supprimés l'année dernière, soit la septième année de baisse consécutive. Il y a désormais autant de salariés dans le secteur qu'en 1998. Ce sont principalement des temps partiels qui ont été supprimés, dans la construction immobilière. Les travaux publics, eux, ont généré un volume de travail équivalent à 106 000 heures de plus. Mais les travaux publics ne représentent qu'une fraction des salariés du secteur. Quand le bâtiment va mal, les travaux publics ne suffisent pas à compenser…

Cette déconnexion entre chiffre d'affaires des entreprises et emplois est spécifique au secteur de la construction. L'ISPF avance plusieurs explications : "Cette évolution contrastée entre chiffre d’affaires et emploi salarié peut s’expliquer par des gains de productivité, par une externalisation de la force de travail (recours à l’intérim, aux prestataires indépendants et à la sous-traitance), par le développement d’un travail non déclaré, par l’encaissement en 2014 de chantiers réalisés les années antérieures, ces explications ne s’excluant pas l’une l’autre. Cette situation est concomitante avec l’accélération de la concentration des entreprises observée dans le secteur de la Construction." En clair, les grosses entreprises ont profité de ces grands chantiers sans embaucher. A la place, elles semblent avoir eu recours au travail précaire, aux sous-traitants, ou au travail au noir…

Une autre étrangeté du secteur l'année dernière : si l'effectif a baissé de 5,5%, le salaire moyen par employé a augmenté de 5,5% (bien plus vite que le reste de l'économie). La masse salariale est donc restée parfaitement stable. Seul élément d'explication de l'ISPF : l'augmentation du SMIG en octobre dernier. Un peu léger.

Enfin, dernier élément bizarre : alors que le chiffre d'affaires a augmenté, les importations de matériaux (à part le bitume) ont baissé. C'est encore une fois dans la construction, et pas dans les travaux publics, que l'anomalie émerge. Les importations étaient pourtant stables en 2012 et 2013. Peut-être que les stocks ont suffi pour l'activité de l'année dernière, ce qui expliquerait aussi la forte hausse des importations de ciments et autres matériaux en 2015.


3 entreprises s'accaparent 5 milliards de plus

L'ISPF livre aussi une analyse très intéressante sur la concentration dans le secteur. S'il n'y a pas de problème de concurrence, avec 4200 entreprises actives, les chiffres montrent bien que tout le monde n'est pas logé à la même enseigne. En fait, un tiers des entreprises a vu son activité augmenter. Elle a baissé pour tous les autres.

Ainsi, 80 entreprises (2% du total) s'accaparent 80% du chiffre d'affaires du secteur. En 2013, elles étaient 100 à se partager le gâteau. Autre indicateur : sur la hausse de 5,5 milliards Fcfp du chiffre d'affaires du secteur, 5 milliards sont réalisées par seulement… 3 entreprises. Elles ne sont pas citées, seul indice : "deux dans le Génie Civil et une seule dans le Gros Œuvre"

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Vendredi 2 Octobre 2015 à 15:50 | Lu 1966 fois