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Electricité : Les derniers jours de la PETACE (interview)


PAPEETE, 2 juillet 2015 - Nuihau Laurey, le ministre en charge de l'Energie, évoque avec nous la situation du système énergétique polynésien alors que l'Assemblée est sur le point d'examiner les termes d'une convention d’assistance technique qui doit poser, avant novembre prochain, le cadre d'une redéfinition de la formule tarifaire de l’électricité en Polynésie française (PETACE) et conduire dès 2016 à une possible baisse des tarifs de l'électricité.
Ce texte devait être soumis à l'avis des élus de Tarahoi, jeudi, mais a été renvoyé à l'examen de la Commission permanente, au mieux sous quinzaine, à la demande des groupes Tahoera'a Huira'atira et UPLD.

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A quelle problématique le Pays tente-t-il de remédier en recourant à l'expertise d'une mission de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ?

Nuihau Laurey : Une telle expertise avait déjà été sollicitée en 2012. La CRE avait réalisé un audit du système énergétique polynésien. Maintenant nous souhaitons qu'il complète son intervention en nous aidant à définir la formule tarifaire de l'électricité. C'est un sujet sensible et nous souhaitons qu'un véritable expert dans ce domaine puisse nous accompagner dans la définition de cette formule tarifaire. Elle a été contestée par le tribunal administratif, je le rappelle, en 2013 sur une de ses parties qui concerne le poste dit des "autres charges externes".
Le rapport présenté aux élus de l'Assemblée évoque également la nécessité pour le Pays de la définition d'un modèle plus concurrentiel dans la production d'énergie.
C'est effectivement le cas. Dans le système énergétique polynésien, il y a trois aspects qui sont la production, le transport et la distribution. C'est la distribution qui fait l'objet de concessions au travers de l'EDT ou de Sécosud (le syndicat pour l'électrification des communes du sud de Tahiti, ndlr). Un certain nombre de communes disposent de leur capacité dans ce domaine, au travers de régies communales. S'agissant du transport, c'est la TEP (société d'économie mixte chargée du transport d'énergie électrique, ndlr) qui assure cette fonction. En matière de production, il y a normalement une totale concurrence. Mais il y a une insuffisance de règles pour garantir aux producteurs, notamment dans le domaine des énergies renouvelables, d'avoir l'assurance de l'achat de leur production par le concessionnaire, sur le long terme. L'objectif est de parvenir à plus de transparence dans chacun de ces domaines énergétiques
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Cette réflexion porte-t-elle aussi sur la production énergétique issue du photovoltaïque ?

Nuihau Laurey : Elle porte sur toutes les formes d'énergies renouvelables, comme sur l'énergie thermique. L'objectif c'est de mieux cadrer chacun de ces secteurs, aux niveaux de la production, du transport et de la distribution, et de faire en sorte que le développement des énergies renouvelables soit le plus souple possible. Et, puisque vous évoquez le photovoltaïque, que ce secteur puisse se développer d'avantage. Je pense aussi à l'hydroélectricité : un des termes de la convention d'expertise que nous passons avec la CRE indique la nécessité de redéfinir les conditions de rachat de l'énergie hydraulique. L'objectif est en fin de comptes de faire en sorte que ce secteur, qui est très important dans la production énergétique polynésienne puisqu'il représente presque 30% de la production électrique totale, puisse se développer alors que les derniers investissements dans ce domaine remontent quasiment à une quinzaine d'années. C'est un des objectifs que nous avons définis avec la CRE, dans le cadre de cette mission prévue dès le mois de juillet.

La redéfinition de la formule tarifaire de l'énergie électrique, la fameuse PETACE, doit-elle conduire à une baisse du prix facturé aux abonnés ?

Nuihau Laurey : C'est ce que nous souhaitons tous. Il y a beaucoup d'éléments dans la fixation de ce prix. Il ne faut pas oublier non plus que l'électricité est très taxée, en Polynésie : le choix d'avoir un prix identique de l'électricité à Tahiti comme dans les archipels, notamment dans les petites collectivités, impose un système de péréquation qui coûte cher ; le fait que de petits atolls des Tuamotu payent l'électricité au même tarif qu'à Papeete a un coût.
L'enjeu de cette mission d'expertise est d'objectiver le coût de revient de l'électricité sur l'ensemble de la Polynésie et faire en sorte qu'il y ait une réelle transparence dans la fixation du prix de l'électricité. Je sais que c'est un sujet très sensible. Beaucoup ont des avis parfois insuffisamment fondés dans ce domaine. Encore une fois, l'enjeu est d'objectiver la discussion à ce sujet
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Quand pensez-vous que la nouvelle formule tarifaire entrera-t-elle en vigueur ?

Nuihau Laurey : On souhaite avoir une proposition de la CRE avant la fin du mois d'octobre prochain. Ensuite des discussions seront organisées avec le concessionnaire (EDT, ndlr), puisque dans ce domaine le Pays est l'autorité concédante mais travaille avec un concessionnaire depuis presque 55 ans. Donc il y a une discussion à avoir pour franchir les aléas de ce sujet sensible afin d'arriver à une formule tarifaire qui convienne à chacun dans le courant de l'année 2016.

Tous ces aménagements à l'étude aujourd'hui ne tournent-ils pas au fond autour de la question de l'indépendance énergétique du Pays ?

Nuihau Laurey : Cette réflexion est menée depuis très longtemps déjà. Elle a notamment conduit au fait que la Polynésie présente une production énergétique issue à 30% d'origine renouvelable. Très peu de collectivités et d'états ont atteint ce niveau. Mais comme je l'indiquais plus tôt, les derniers investissements en matière hydroélectriques remontent à une quinzaine d'années ; il nous faut relancer ce processus. Le prix de l'hydroélectricité au rachat est de 12,06 Fcfp (le kWh). Il n'a pas évolué depuis lors alors que les coûts liés au développement de ces infrastructures ont considérablement augmenté. On doit arriver à définir un prix d'équilibre de l'hydroélectricité pour permettre de cheminer sur cette voie. Cette réflexion a été initiée depuis de nombreuses années déjà. Un certain nombre d'actions a déjà été mis en place. Le fait que l'on soit passé, en termes de production d'énergie photovoltaïque, de moins d'un mégawatt installé à près de 25 en moins de quatre ans indique que ces actions ont porté leurs fruits. Je pense notamment à la fixation de tarifs de rachat pour le photovoltaïque, de dispositions d'exonération pour les petits producteurs qui facilitent ce type d'investissements. Non seulement la réflexion est déjà menée mais des actions portent déjà leurs fruits.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 2 Juillet 2015 à 15:55 | Lu 2213 fois