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Droit d'auteur : une loi anti-piratage promulguée en Polynésie


Le piratage d'oeuvres artistiques et de logiciels n'a jamais été aussi facile en Polynésie. Une situation qui va bientôt changer ?
Le piratage d'oeuvres artistiques et de logiciels n'a jamais été aussi facile en Polynésie. Une situation qui va bientôt changer ?
PAPEETE, le 16 octobre 2017 - Le nouveau code de la propriété intellectuelle a été publié au journal officiel le 5 octobre. Ce texte, largement inspiré du droit métropolitain, va instaurer une taxe sur les supports vierges pour financer les artistes. Il punit également le piratage de logiciels et le téléchargement illégal de musiques ou films.

Le nouveau code de la propriété intellectuelle a été publié au Journal Officiel le 5 octobre 2017. Un code de 80 pages qui vient combler l'immense retard accumulé par le Pays depuis 2004, quand le statut d'autonomie lui a attribué la compétence en matière de propriété intellectuelle. Les spécialistes du domaines expliquent que le droit d'auteur (ou droit de la propriété intellectuelle) était devenu une vraie jungle, entre les lois métropolitaines d'avant 2004 qui étaient applicables en Polynésie, les diverses lois de pays votées au cours des ans, intégrant des références à des articles de droit européen ou des commissions métropolitaines qui n'ont pas autorité en Polynésie, sans compter le Conseil Constitutionnel qui a veillé au grain en annulant des dispositions votées à Paris pour la Polynésie, en contradiction avec notre statut d'autonomie…

La publication de ce code unique et enfin adapté à la Polynésie va donc mettre fin à un vrai vide juridique, qui fait de la Polynésie un "no man's land" du droit d'auteur depuis 13 ans. Malgré tout, ce nouveau code de la propriété intellectuelle est largement calqué sur celui de métropole, les principales différences reposant sur le remplacement des "en France" par des "en Polynésie", et des montants en euros par des montants en francs. Il ne va pas aussi loin que le texte métropolitain, en particulier en matière de lutte contre le téléchargement illégal (pas de Hadopi en Polynésie), mais met tout de même un vrai coup de neuf à la protection des créations artistiques.

LA PROTECTION DES ARTISTES ÉTENDUE À 70 ANS APRÈS LEUR MORT

Pour les créateurs, le droit polynésien s'aligne sur le droit européen et étend la protection des œuvres à 70 ans après la mort de l'auteur. Ce sont donc les ayants droits qui continueront de toucher des royalties longtemps après la mort de l'artiste qui a créé le livre, la chanson ou le film qui génère ces droits d'auteurs.

La version polynésienne du code supprime également toute la galaxie de commissions qui gèrent les divers aspects de la propriété intellectuelle en métropole (Centre national du livre, Commission copie privée, Centre français d’exploitation du droit de copie, etc.) en attribuant leurs rôles au Conseil des ministres. Une exception : l'INPI, avec qui le Pays a signé une convention, ce qui permet aux entreprises polynésiennes de déposer des brevets et des marques européens.

Le texte renforce également le processus de collecte de la "rémunération copie privée". En pratique, il s'agit d'une taxe sur les supports vierges (clés USB ou disque-durs neufs, DVD vierges…) qui sera reversée aux artistes. Il prévoit également la création de "sociétés de perception et de répartition des droits" polynésiennes (équivalent à la SACEM en métropole), qui pourront en particulier demander les fruits de cette fameuse "rémunération copie privée", et récupérer pour leurs membres les revenus générés par les diffusions à la radio ou à la télévision de leurs œuvres.

LUTTE CONTRE LE PIRATAGE D'ŒUVRES CULTURELLES

Enfin le texte fixe le cadre de la lutte contre le piratage informatique et le piratage des œuvres. Ainsi, la sauvegarde en MP3 de vos anciens CD est considéré comme légal, et vous pouvez même partager ces moreveaux légale acquis dans le cercle familial (grâce à la fameuse contribution copie privée, qui ne couvre pas l'échange de disques-durs entiers de films piratés entre amis, comme l'a établi la jurisprudence en métropole...). Par contre, partager avec tout le monde sur internet, même une seule chanson, un livre ou un film ,sans l'accord de son son auteur, est passible de 400 000 francs d'amende.

Le texte prévoit aussi des peines sévères pour le piratage de logiciel informatique. Pirater un logiciel propriétaire est ainsi passible de 400 000 francs d'amende et partager un logiciel de piratage est passible de 35 millions de francs d'amende et trois ans de prison… En plus de la fermeture de l'entreprise (ou site internet) qui a servi à ces partages.

Malgré toutes ces mesures, face à l'absence totale de répression depuis la généralisation de l'internet dans nos îles, il sera peut-être difficile de changer rapidement la culture du piratage qui s'est ancrée en Polynésie dans toutes les couches de la société…

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Lundi 16 Octobre 2017 à 17:10 | Lu 8704 fois