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Dix ans après l’accord, Bougainville attend encore la paix


Photo d'illustration
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PORT-MORESBY, mercredi 31 août 2011 (Flash d’Océanie) – Dix ans après la signature d’un accord de paix assorti d’un processus d’émancipation et de provincialisation, mettant fin à dix ans de conflit sécessionniste, l’île de Bougainville attend toujours la fin de tensions persistantes, en particulier au Sud, là où se trouve le site de la mine de cuivre de Panguna, l’un des plus importants au monde.
Ce site minier, fermé au début du confit à la fin des années 1980, fait l’objet de convoitises de la part de plusieurs entreprises multinationale, dont des australiennes et des chinoises.
Mais le site et ses environs sont contrôlés de fait par plusieurs groupes armés se réclamant d’un mouvement coutumier, le Mekamui et qui en fait toujours une zone d’exclusion.
Entre-temps, depuis le milieu des années 2000, Bougainville, dans le cadre des accords signés le 30 août 2001, s’est doté d’un statut de province autonome, avec son gouvernement, son assemblée et un processus de transfert de compétences entre 2011 et 2016 qui l’a souvent fait paraître similaire aux accords de Nouméa enclenchés en 1998 pour la Nouvelle-Calédonie.
Mardi, pour marquer le dixième anniversaire de l’accord signé pour Bougainville à Arawa (chef-lieu de la province) entre les milices armées de ce qui était alors appelé l’Armée Révolutionnaire de Bougainville (ARB) et le gouvernement central de Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Président du gouvernement autonome, John Momis, plusieurs de ses ministres, des organisations non gouvernementales et religieuses, ainsi que les responsables locaux des Nations-Unies, ont entrepris une symbolique « marche pour la paix » d’une soixantaine de kilomètres à travers l’île.
Objectif : réaffirmer le message de réconciliation et de reconstruction progressive de cette île, où le conflit sécessionniste a fait une vingtaine de milliers de victimes entre 1988 et 1998.
« Mais il reste beaucoup à faire. Les gens ne lâcheront pas leurs armes à moins d’être certains d’un avenir stable et prospère. Pour y parvenir, les Nations-Unies s’engagent à renforcer le développement socio-économique de Bougainville », a affirmé David McLachlan-Karr, chef de la mission locale de l’ONU.

Un chef de Bougainville abattu

Mi-août 2011, l’un des chefs de milices armées présentes dans la partie Sud de l’île de Bougainville, Philip Pusua, a été abattu dans des circonstances encore troubles.
Ce chef rebelle, qui dirigeait un mouvement appelé Wissai Liberation Movement, aurait été tué par balles à la suite d’un affrontement avec des milices rivales, dans cette portion de l’île qui est encore considérée comme zone interdite, et se trouve aux abords du site toujours désaffectée de l’ancienne mine de cuivre de Panguna (fermée depuis 1988, date d’un conflit sécessionniste qui devait durer dix ans).
Philip Pusua était connu pour avoir tenté d’unifier les clans du Sud de Bougainville et de canaliser leur énergie vers une tentative de normalisation sur l’île, avec un accent tout particulier sur la lutte contre les activités criminelles supposées perpétrées par un chef de guerre nommé Damien Koike (réputé responsables de plusieurs exécutions sommaires, ces derniers mois, dans la région).
Des violents incidents se produisent toujours dans cette région depuis juin 2011.
Pour mettre fin à la guerre civile, un accord avait été signé avec le gouvernement central papou, qui avait ensuite enclenché un processus d’autonomie pour Bougainville.
Ce processus a déjà débouché sur l’installation d’un gouvernement et d’institutions provinciales et autonomes, des transferts de compétences de la part du gouvernement central et, entre 2011 et 2016, d’un référendum portant sur une éventuelle autodétermination.
Un petit contingent de « surveillance » du maintien de la paix, sous mandat de l’ONU et essentiellement composé de soldats néo-zélandais, a depuis longtemps quitté l’île, sans pour autant avoir réglé le problème de la présence sur l’île de nombreuses armés à feu (dont certaines de gros calibre) aux mains d’éléments criminels.
Depuis la proclamation de l'autonomie, en 2005, ce petit groupe de surveillance (une quinzaine de soldats australiens et néo-zélandais) placé sous l'égide de l'ONU s'est retiré de l'île fin décembre 2005.
Quelques jours après l'entrée en vigueur du statut d'autonomie, en juin 2005, l'ancien chef rebelle Francis Ona, qui s'était toujours déclaré hostile au processus de paix, mourait subitement.

Négociations tous azimuts : chacun a son investisseur préféré

Mais sur fonds de flambée des cours mondiaux du cuivre, la réouverture de la mine en vue de reprendre l’exploitation de l’énorme gisement de cuivre du site de Panguna a aussi été au centre d’intenses négociations entre les autorités locales, le gouvernement papou et plusieurs sociétés représentants des intérêts multinationaux, notamment en Australie mais aussi en Chine.
Ces dernières semaines, plusieurs délégations chinoises se sont succédé à Bougainville.
L’une d’entre elles a signé une convention avec le gouvernement autonome et son Président John Momis (lui-même ancien ambassadeur du gouvernement papou en à Pékin), portant sur le développement d’ « échanges commerciaux » et de création d’entreprises à participation mixte, dans les domaines des pêcheries, de l’agriculture, de l’import-export et… des mines.
Ces dernières semaines, le chef d’une autre faction du Sud-Bougainville, celle du mouvement « Mekamui », Chris Uma, indiquait qu’il était désormais disposé à « négocier » avec les parties désireuses (y compris australiennes) de reprendre l’exploitation à Panguna (dont le potentiel est actuellement estimé à une bonne cinquantaine de milliards de dollars US).
Pour la première fois depuis les troubles des années 1980, courant juillet 2011, une délégation composée de diplomates australiens a pu se rendre sur zone.
Mi-mai 2011, un ancien Premier ministre papou, Sir Rabie Namaliu, a rejoint le conseil d’administration de la société Bougainville Copper Limited (BCL), qui mène aussi des négociations avec des investisseurs intéressés.
BCL estimait récemment que dans les conditions optimales, le site de Panguna pourrait reprendre une exploitation à l’horizon 2016.

Accord minier et vives tensions autour du cuivre de Panguna

La revendication des revenus de l’exploitation de la mine de Panguna (taris depuis mai 1989, en raison du conflit sécessionniste) était aussi, il y a vingt ans, au centre des troubles qui s'en sont suivis.
Depuis 2005, le gouvernement papou et le gouvernement autonome de Bougainville ont multiplié les annonces et contre-annonces de reprise de l'exploitation du site, chacun avec des partenaires industriels différents.
Début juin 2008, Joseph Kabui, premier Président de l'histoire autonome de cette province papoue riche en cuivre, avait annoncé son soutien et son accord pour la reprise de l'exploitation par une société canadienne, Invincible Resources, dans le cadre de la formation d'un consortium (nommé Bougainville Resources Development Corporation, BRDC) dont la canadienne aurait détenu 70 pour cent des parts, le reste étant détenu localement.
Cette annonce avait très rapidement suscité une vive polémique.
M. Kabui, ancien dirigeant d'un des mouvements sécessionnistes armés, est subitement décédé le 8 juin 2008 d'une attaque cardiaque à l'âge de 54 ans.
Le gouvernement central papou, pour sa part, a mené, ces dernières années, des pourparlers avec plusieurs sociétés minières multinationales, dans un contexte mondial de flambée de cours du cuivre.
En mai 2008, l'exploitant historique du cuivre de Panguna, Bougainville Copper Limited (BCL, filiale du géant anglo-australien Rio Tinto, qui en détient 53,5 pour cent, 19 autres pour cent étant détenus par le gouvernement central de Papouasie-Nouvelle-Guinée), se déclarait confiante concernant une reprise de l’exploitation du site de Bougainville, avec le soutien des coutumiers locaux.

pad

Rédigé par PAD le Mercredi 31 Août 2011 à 06:19 | Lu 944 fois