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Des pistes pour baisser les prix des prothèses auditives, les professionnels outrés


Paris, France | AFP | mercredi 14/12/2016 - Pour faire baisser le prix des prothèses auditives en France, souvent dissuasif, l'Autorité de la concurrence a formulé mercredi deux propositions à l'intention des pouvoirs publics, qui ont fait bondir le principal syndicat des audioprothésistes.

L'Autorité préconise de séparer l'achat de l'appareillage initial des prestations de suivi ultérieures et de supprimer le quota annuel de nouveaux étudiants audioprothésistes, confirmant deux pistes déjà émises en juillet.

Le prix d'une prothèse auditive en France est élevé, de l'ordre de 1.500 euros en moyenne par oreille, et le reste à charge pour le patient est important, autour de 1.000 euros.

Sur 6 millions de malentendants en France, 3 millions sont appareillables mais un million d'entre eux ne sont pas équipés, notamment en raison de ces coûts, avec de nombreux risques induits comme l'isolement ou la perte d'équilibre, a rappelé l'Autorité de la concurrence.

"Un patient qui s'équipe en audioprothèses doit débourser une somme qui couvre toute la durée de vie de ses appareils et de son suivi", soit 5-6 ans en moyenne, "ce qui soulève des difficultés", a estimé la présidente de l'Autorité, Isabelle de Silva.

"Il faut aller vers un découplage" de l'achat de l'appareillage initial, qui comprend l'adaptation immédiate et les réglages durant la 1ère année, et l'achat des prestations de suivi postérieures, a-t-elle ajouté.

Cette dissociation ne pourra toutefois pas se faire sans modifier au préalable les modalités de remboursement de l'assurance-maladie, qui lient toujours la vente de l'appareil et les prestations.

- Redonner le choix aux patients -
Déjà appliquée aux Etats-Unis ou au Japon, cette solution permettrait une réduction "allant jusqu'à 500 euros" du coût d'entrée pour s'équiper en prothèse, selon l'Autorité.

Le patient pourrait ainsi s'épargner de payer des services dont il ne bénéficie pas en cas de déménagement, de décès ou de cessation d'activité de son audioprothésiste.

Cela lui donnerait aussi la liberté de choisir un professionnel différent pour son suivi, s'il est insatisfait ou s'il trouve une offre moins chère ailleurs, selon l'Autorité.

"En redonnant ce choix, on espère que les acteurs vont faire évoluer leurs forfaits", a ajouté Mme de Silva, pointant "une asymétrie d'information gigantesque" entre le patient et le professionnel.

Dès l'appareillage, les audioprothésistes vendent souvent des programmes de suivi de 15 à 20 heures sur 5-6 ans, alors qu'en moyenne "6 à 9 heures" seraient suffisantes, selon Mme de Silva.

Par ailleurs "un certain nombre de personnes vont être orientées vers le super haut de gamme, alors qu'elles n'en ont pas forcément besoin", a-t-elle encore critiqué.

L'Autorité préconise aussi de supprimer le numerus clausus limitant depuis 2015 à 200 le nombre d'étudiants audioprothésistes diplômés en France chaque année, ou à défaut de l'augmenter sensiblement.

De 15 à 20 audioprothésistes formés en Espagne ou en Belgique arrivent chaque année sur le marché français, "ce qui tendrait à prouver que le numerus clausus est insuffisant", a souligné Frédéric Garron, rapporteur de l'enquête lancée en février 2016 par l'Autorité de la concurrence.

Le ministère des Affaires sociales et de la Santé serait favorable à son relèvement, selon Eric Cuziat, le rapporteur adjoint.

- Une vision 'purement consumériste' -
Ces propositions, qui n'ont pas valeur d'injonction, devraient réjouir les enseignes d'optique, qui veulent se diversifier dans les aides auditives mais qui peinent à recruter des audioprothésistes.

Elles ont en revanche scandalisé l'Unsaf, le principal syndicat des audioprothésistes.

L'Unsaf a dénoncé dans un communiqué "une approche purement consumériste et une volonté de privatisation du système de santé". "Visiblement, l'Autorité n'a pas voulu reconnaître l'audioprothèse pour ce qu'elle est, à savoir un dispositif médical à fort service médical rendu."

Le syndicat réclame une évaluation du secteur par les autorités compétentes en santé, comme l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et la Haute Autorité de santé (HAS).

Cependant pour l'Autorité de la concurrence, les audioprothésistes redoutent surtout une baisse de leurs revenus.

Début décembre, le gouvernement a annoncé son intention de faciliter l'accès aux audioprothèses en définissant un "prix limite de vente" et en relevant la prise en charge par l'assurance-maladie, deux mesures soutenues par l'Unsaf.

Aujourd'hui l'assurance-maladie rembourse seulement 120 euros par oreille, un tarif qui n'a plus été revalorisé depuis 1986, tandis que les complémentaires participent au financement à hauteur de 400 euros en moyenne.

etb/fpo/phc

Rédigé par () le Mercredi 14 Décembre 2016 à 05:47 | Lu 500 fois