Tahiti Infos

Des peines requises contre G. Flosse et R. Wan dans le procès Anuanuraro


PAPEETE, 4 juin 2014 – Le ministère public a requis des peines à l’encontre de Gaston Flosse et de Robert Wan en conclusion du procès de l’affaire Anuanuraro avant que le dossier d’accusation ne soit mis en pièces par les avocats de la défense.

L’épilogue du procès Anuanuraro s’est joué ce mercredi, deux jours avant la date prévue. Une peine de deux ans ferme, 5 ans d’inéligibilité et 10 millions Fcfp a été requise contre Gaston Flosse, pour complicité par instruction et détournement de fonds publics par personne chargée d’une mission de service public. Le ministère public demande aussi au tribunal de condamner Robert Wan à 2 ans de prison avec sursis et 10 millions Fcfp d’amende, pour recel de détournement de fonds publics. Le sort judiciaire d’Edouard Fritch, Gaston Tong Sang, Georges Puchon et Henri Bontant est confié au pouvoir d’appréciation de la cour.

Le jugement est mis en délibéré jusqu’au 2 septembre 2014.

En 2002, la collectivité avait acheté à Robert Wan l'atoll d’Anuanuraro, pour 850 millions Fcfp dans un contexte où la justice soupçonne Gaston Flosse et une partie de son gouvernement de l'époque d'avoir acquis au prix fort l'atoll pour rendre service au perliculteur, confronté à des problèmes de trésorerie.

"Lorsque Gaston Flosse avait pris une décision, il fallait l’exécuter", a insisté le procureur José Thorel. L’accusation défend la thèse d’une entente occulte entre le chef de l’exécutif polynésien et l’homme d’affaires pour qualifier le délit de détournement de fonds publics.

Les prévenus ont tous assuré durant ce procès que l'achat de l'atoll était une décision "collégiale" et "politique", visant à accroitre les "réserves foncières" de la Polynésie française et éviter que l’îlot ne devienne la propriété d’acquéreurs japonais, avec qui le perlier prétendait être en négociation.

La défense met le dossier en pièces

"Un motif mensonger pour donner l’apparence d’une nécessité à une dépense étrangère aux intérêts de la Polynésie française", a martelé le procureur de la République, lorsque le chef de l’exécutif pouvait s’opposer à cette vente "d’un seul trait de plume", a-t-il aussi rappelé, évoquant une délibération de 1996 qui, à l’époque des faits, imposait l’agrément du président du gouvernement pour toute vente foncière à des étrangers.

Mais pour la défense, le tribunal sera "confronté à un obstacle insurmontable", au moment de juger. Me François Hascoët, avocat de Robert Wan, a plaidé la relaxe en démontrant que la qualification de détournement de fonds publics ne pouvait pas tenir : la décision d’acquérir l’atoll est issue d’une délibération du Conseil des ministres, compétent en la matière ; elle s’est appuyé sur une procédure administrative régulière ; la collectivité a utilisé une ligne budgétaire dédiée à l’acquisition de réserves foncières. Partant de là, le chef de recel de détournement de fonds publics retenu contre Robert Wan ne tient plus.

Il a mis en pièces l’unique qualification pénale retenue par l’ordre de renvoi devant le tribunal correctionnel contre les six prévenus. Ses confrères ont emboîté son pas estimant que cette affaire reposait sur un "pauvre petit dossier" qui a "explosé à l’audience".

Quant au prix de vente de l'atoll, 850 millions Fcfp assortis de 13 millions Fcfp d'intérêts pour le vendeur, Me Piriou a souligné que pour ce genre de biens la valeur vénale était le prix de vente tandis que José Thorel avait admis dans son réquisitoire, un peu plus tôt, qu'elle "n'intervient que de manière marginale, même si le Pays a payé le bien 110 millions plus cher que la valeur estimée en 2010", par un cabinet d'expertise indépendant, à la demande de la chambre de l'instruction.

"Aucun détournement possible", pour l'avocat de Robert Wan

Vous avez tenté de démontrer que les difficultés financières que prête le dossier à Robert Wan ne sont pas réelles, à l’époque des faits.

Me François Hascoët : Cela a été affirmé faussement par les juges ainsi que par le procureur de la République, qui lui-même aujourd’hui a renoncé à soutenir qu’il y avait de telles difficultés dans le groupe Wan. Il a simplement dit qu’il y avait problèmes de trésorerie. Mais quand un groupe aussi puissant, avec autant de ressources, a des difficultés de trésorerie, il restructure avec ses banquiers. Et c’est exactement ce qui s’est passé dans cette affaire. Donc il n’y avait aucune difficulté de nature à faire basculer mon client dans une situation de cessation de paiement. (…) Tous ces encours bancaires avaient été rééchelonnés. Entre 2001 et 2007, il a remboursé plus de 4 milliards à ses banquiers. La démonstration est absolument imparable.

Robert Wan est poursuivi pour le délit de recel de détournement de fonds publics. Vous avez démontré ce matin que ce délit ne peut être constitué dans ce dossier.

Me François Hascoët : Il est impossible parce que justement nous avons une délibération du Conseil des ministres qui affecte des fonds à une acquisition qui est prévue par la loi d’autonomie. C’est une délibération qui autorise à un prix convenu l’acquisition d’une ressource foncière. Il n’y a par conséquent aucun détournement possible. Ce qui en réalité est en objet, c’est la suspicion du parquet sur la véritable destination de ces sommes. Mais cela ne caractérise pas le détournement. Ils font de la psychologie en réalité et aujourd’hui on a bien vu que tout cela ne tenait pas.


Rédigé par JPV le Mercredi 4 Juin 2014 à 14:18 | Lu 3791 fois