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Dengue/zika : les risques vont augmenter avec l'arrivée des pluies


Dengue/zika : les risques vont augmenter avec l'arrivée des pluies
PAPEETE, jeudi 12 décembre 2013. La population de Polynésie connaissait bien jusqu’ici la dengue et la filariose comme maladies transportées par les moustiques. L’arrivée du zika est une nouvelle donne, la probabilité de voir émerger le chikungunya est une menace sérieuse. Tous ces virus ont un seul vecteur, le moustique, sur lequel il convient de changer notre regard. Il n’est pas juste un inconfort quotidien mais une véritable menace sanitaire. D'autant qu'avec la saison des pluies qui devrait commencer sous peu, le risque de multiplication exponentielle du vecteur est une réalité. Ce qui doit tous nous inciter à éliminer autant que de possible les lieux de reproduction de ces insectes aux abords de nos maisons : en l'espèce tout ce qui peut constituer un réservoir d'eau stagnante, même le plus petit possible.

Selon les estimations fournies par le Bureau de veille sanitaire, déjà au moins 23% de la population de Polynésie aurait été atteinte au cours de l’année 2013 par l’un des deux virus transmis par les moustiques de type Aedes. Le dernier bulletin hebdomadaire fait état de 1280 cas de dengue confirmés depuis février soit une estimation de 15 000 personnes atteintes et de 4 300 cas suspects de zika vus par les médecins du réseau sentinelle, soit une estimation de 45 000 personnes atteintes par le zika en deux mois à peine de circulation sur notre territoire. Quand on parle de maladie tropicale émergente, l’extrême rapidité de la propagation du zika en Polynésie en est une illustration parfaite. Sur une population naïve, qui n’avait jamais été en contact avec ce virus, le zika se trouve particulièrement à l’aise sur notre territoire : les moustiques du genre Aedes y sont en nombre suffisant et avec l’arrivée de l’été austral et des températures qui oscillent entre 25 et 31°C, toutes les conditions sont réunies pour que le moustique se développe facilement. A ces températures, les femelles (celles qui nous piquent et nous transmettent les virus) pondent en moyenne 70 œufs tous les 3 ou 4 jours. La durée de vie de ces moustiques femelles est d’une trentaine de jours. L’occasion pour chacune d’entre elles de laisser 500 œufs dans la nature.

Il ne manquait jusqu’à présent, en dépit de la mi-décembre qui s’affiche au calendrier, que les pluies pour rendre encore plus favorables les conditions d’émergence des moustiques, mais les belles averses de ce jeudi sont venues nous rappeler à l’ordre. Chaleur et eau sont les carburants de la montée en puissance du moustique, à un point que l’on n’imagine guère, sauf si on se penche depuis des années sur la vie de ces insectes. Or, ce qu’explique Hervé Bossin, chercheur entomologiste à l’Institut Louis Malardé a de quoi faire peur : entre la saison sèche et la saison des pluies, la montée en puissance de la présence des moustiques en Polynésie française peut varier de 1 à 100. On comprend mieux désormais la nécessité absolue des autorités du Pays, de l’Etat et des communes de conjuguer leurs efforts non pas pour éradiquer (c’est actuellement mission impossible), mais au moins limiter la présence des moustiques dans les zones habitées de Polynésie afin de ralentir au maximum les épidémies en cours et éviter que d’autres maladies ne viennent se surajouter à une situation déjà tendue.

Pour faire face à ces maladies tropicales émergentes mais de plus en plus partagées (40% de la population mondiale est aujourd’hui exposée au risque de la dengue par exemple), il faut poursuivre la surveillance constante des vecteurs. Au menu, utilisation d’insecticides et suppression des gîtes pour limiter les populations de moustiques. Une surveillance entomologique sur le terrain est mise en place en Polynésie pour mieux faire face aux épidémies de dengue et de zika en cours : cela permettra de quantifier la présence des moustiques, après les passages de pulvérisation d’insecticide qui sont prévues dès la semaine prochaine et la participation de la population pour détruire les gîtes larvaires. Une veille entomologique qu’il serait utile de prolonger, car sur un territoire comme le notre, très exposé à différentes maladies tropicales, la surveillance du moustique est essentielle pour mener une action en amont face aux risques d’épidémie. Pour être plus efficace la lutte anti-vectorielle ne devrait pas s’être engagée une fois les épidémies déclarées, mais au moment où le nombre de moustiques, qui sont les vecteurs de ces maladies, commence à augmenter dans le but justement d'empêcher l'épidémie. Avec une double épidémie en cours, il reste néanmoins important de se mobiliser tous ensemble pour limiter au maximum la propagation des virus en tuant les moustiques adultes et en éliminant de notre environnement immédiat leurs sites préférés de reproduction.

Dengue/zika : les risques vont augmenter avec l'arrivée des pluies
LE POINT SUR LA DENGUE

Au 11 décembre 2013, le nombre total de cas positifs de dengue rapportés depuis février est de 1 280 :
148 cas en septembre, 343 cas en octobre, 246 cas en novembre, et 164 cas en décembre à ce jour.
On estime à près de 15 000 le nombre de cas de dengue survenus depuis le début de l'épidémie.
Le taux de positivité global des prélèvements dans les quatre laboratoires (ILM, CHPf, Paofai et AMJ) est
stable, 30,9% pour la première semaine de décembre.

Depuis le début de l'épidémie, la majorité des cas positifs est déclarée à Tahiti et Moorea. Les autres cas
positifs ont été identifiés à Rangiroa, Bora-Bora, Fakarava, Huahine, Tahaa et Raiatea. Aux Australes, des
cas de dengue ont été confirmés à Rurutu et à Tubuai. A noter, les deux tiers des cas confirmés de dengue chaque semaine sont issus de la zone urbaine (Papeete, Pirae, Arue), là où la population est la plus nombreuse certes, la plus encadrée médicalement, mais c'est aussi un indicateur du fait que le moustique vecteur de la dengue est un insecte "domestique" habitué des zones urbaines.

Le taux d'hospitalisation global est de 8,1% (104 hospitalisations pour 1 280 cas positifs), de 15,7% pour
les moins de 5 ans et de 7,6% pour les 6 à 19 ans. Depuis le début de l'épidémie, 11 patients ont présenté
des signes d'alerte, 13 autres une forme sévère, dont un décès début novembre.

LE POINT SUR LE ZIKA

Au 11 décembre 2013, le nombre total de cas suspects de zika rapportés par le réseau sentinelle
depuis début octobre, est de 4 353. On estime à plus de 45 000 le nombre de cas de zika survenus depuis début octobre.
La majorité des cas suspects est déclarée à Tahiti et Moorea. Mais tous les archipels sauf les Gambiers sont maintenant touchés : Raiatea, Tahaa, Huahine, Maupiti et Bora bora pour les Iles sous le vent ; Rangiroa, Fakarava, Hao, Arutua, Napuka, Tikehau, Takaroa, Ahe pour les Tuamotu (mais d'autres atolls sont également touchés sans que l'on connaisse le nombre de cas suspects) ; Nuku Hiva, Hiva Oa et Ua Pou pour les Marquises; Rurutu et Tubuai pour les Australes.

L'épidémie est toujours en phase croissante sur l'ensemble du territoire, avec une augmentation
marquée du nombre de cas à Tahiti et Huahine.

Dans le cadre de la surveillance virologique réalisée par le réseau de médecins sentinelle, 147 cas ont
été confirmés biologiquement. Les manifestations cliniques des patients confirmés sont systématiquement recueillies. Une enquête entomologique est en cours avec des captures de moustiques autour des cas
biologiquement confirmés.

Rappelons que les signes cliniques qui doivent permettre de suspecter un cas de zika sont : Eruption maculo-papuleuse érythémateuse et/ou fièvre mesurée ou rapportée < 38,5 C° ET au moins 2 signes parmi :
- hyperhémie conjonctivale (yeux rouges)
- arthralgies et/ou myalgies
- oedèmes des mains et/ou des pieds

Rédigé par SB le Jeudi 12 Décembre 2013 à 15:55 | Lu 1455 fois